Je fus d'abord attiré par la jaquette, qui promettait une mise en abyme rare pour le lecteur : le roman de la mythique bibliothèque d'Alexandrie ; un peu le même frisson qu'en découvrant "Une histoire de la lecture" de Manguel, ou en refermant "
La bibliothèque de Babel" de
Borgès. Las, les toutes premières pages impriment fortement un cadre romanesque et arabisant, apparemment sans grand rapport avec la promesse, qui m'ont d'abord fait l'effet d'une mise en bouche ratée.
Il a donc fallu que je m'y essaye une deuxième fois et que je dépasse la première (courte) partie et son style un peu précieux et ampoulé pour plonger dans le véritable apport de ce livre : retracer 1000 ans d'histoire des sciences antiques jusqu'à la fatidique destruction de "La Bibliothèque" vers 640 ap. JC.
Le livre est de ce fait à rapprocher du jubilatoire (et un peu frustrant de s'arrêter aussi tôt dans
L Histoire) "Théorème du Perroquet" de
Denis Guedj, qui déclinait pour les sciences ce que Jostein Gaard avait assez brillamment réussi pour la philosophie avec son "Monde de Sophie".
Le propos de Luminet est un peu différent, puisqu'il centre son propos sur Alexandrie et la pensée scientifique grecque. Cela lui permet d'offrir un panorama unique sur une effervescence intellectuelle, ses poussées, ses relations avec les autres pouvoirs politiques et spirituels. Or il s'agit des fondements scientifiques qui vont servir de socle pendant encore 1000 ans, jusqu'aux remises en questions radicales de Copernic puis Newton.
Une première chose est plaisante pour l'ancien étudiant que je fus il y a quelques jolies lurettes : tous les concepts demeurent compréhensibles et accessibles, probablement de par leur relative simplicité. Qui plus est, l'auteur a rajouté un corpus de notes savantes qui en détaillent et expliquent la majeur partie d'entre eux.
A un deuxième niveau, on apprécie la construction, faite essentiellement de narrations alternées des quatre protagonistes et de leurs dialogues, sur le mode de la littérature didactique classique. Cette construction est aussi un hommage, un peu plaqué, laissant voir certaines ficelles mais qui s'effacent rapidement devant la qualité du talent de conteur de son auteur. Jamais rébarbatif, ne forçant pas sur des échanges trop scientifiques ou intellectuels, le livre nous embarque d'abord et avec une réussite certaine à travers le matin de notre aventure intellectuelle humaine. Les histoires s'enchainent, s'empilent, se répondent, pour tenir la promesse initiale, celle du roman. Ce que l'auteur avouera ouvertement dans sa postface : il a moins cherché à faire oeuvre d'historien qu'à construire une histoire qui sait prendre les libertés nécessaires avec
L Histoire, avérée ou précisément douteuse.
Au final donc, un bon plaisir de lecture.