RENOUVEAU
C'était l'hiver ! j'étais un Jardin que les Roses
Désertaient. — Les chardons stupides, les pavots
Endormeurs poussaient seuls et croissaient sans rivaux
Dans mon champ infertile aux horizons moroses.
Tout semblait s'enliser en la bourbe des proses
Et je raillais vos airs naïfs, ô chers dévots
De l'Amour, qui sentez toujours des chants nouveaux
Épanouir vos cœurs de leurs floraisons roses.
Mais je t'ai vue, ô chère enfant, j'ai vu tes yeux,
Ton sourire adoré, ton corps délicieux,
Ton âme. Et, comme au temps jadis, je veux écrire
Des Rimes, qui diront leurs rêves doux et chers.
Il a suffi de ton regard, de ton sourire.
Pour faire éclore en moi tout un bouquet de vers.
Après si longtemps!.. Un étrange
Éblouissement m'est venu !
C'était toi, mon pauvre cher ange,
Et tu ne m'as pas reconnu.
Je ne retrouvais plus mon rêve.
Moi non plus, et tu n'étais pas
La vision exquise et brève
Que j'appelle souvent tout bas.
Ah I bien exquise et bien troublante
Cependant ! plus belle cent fois
Que l'autre, celle-là qui chante
En mon cœur depuis tant de mois.
Pourtant! faut-il qu'il recommence
Cet amour qui n'a pas cessé?
Ce serait nouvelle démence,
Et nouvel espoir insensé !
O chère âme, qu'un autre t'aime
Puisqu'à mes yeux irrésolus
Tu n'es plus tout à fait la même.
Et que tu ne me connais plus I
Autrefois je vous ai chanté,
Rêves aux splendeurs décevantes,
Et j'ai mis des sonorités
Dans l'or pur des formes savantes.
Mes vers ardents, audacieux,
Ailes blanches et larges rimes,
Se perdaient dans les vastes cieux,
Ne se posaient que sur les cimes.