C'est la premiere fois que je lis
Naguib Mahfouz et je ne suis pas du tout déçue !
L'histoire commence avec la naissance du quartier fondé par le Patriarche Gabalawi : un homme fort, intelligent, qui sera l'ancêtre commun de tous les futurs habitants qui se succéderont dans la Gamaliyya. le recit est bâti comme une succession de cinq contes.
Le premier conte pose le contexte : le père fondateur Gabalawi doit choisir entre ses cinq fils qui sera son successeur pour gérer le waqf et partager les revenus entre tous les habitants du quartier. Idris, le fils aîné est sous le choc lorsqu'il est mis de côté au profit de son petit frère Adham, ce dernier étant le fils d'une ancienne esclave. C'est le début d'une guerre intrafamiliale, politique où tous les coups seront permis et où les qualités humaines seront pourtant jugées à la fin. Ce premier conte reprend l'histoire des 3 grandes religions monothéistes en transposant l'histoire vécue par Adam le premier des hommes et de ses deux fils : Abel et Cain.
Le deuxième conte, qui a pour figure centrale Gabal, transpose l'histoire de Moïse qui a parlé directement à Dieu. On y retrouve aussi un charmeur de serpent qui veut tout faire pour rétablir la justice et la paix dans son quartier.
Le troisième conte a pour figure centrale Rifaa. C'est un jeune homme qui reprend les traits de
Jésus Christ : il veut soigner tout le monde à commencer par les pauvres.
Le quatrième conte est centré sur Qasim. Cette fois c'est l'histoire du prophète Mohammed qui est transposée : un messager est venu dire à Qasim qu'il doit réparer l'injustice existante et répartir tous les revenus du waqf entre tous les habitants du quartier.
Enfin, le dernier conte est plus magique car il tourne autour d'Arafa qui n'est autre qu'un alchimiste.
Ces 5 contes sont construits sur le même modèle : nous avons un homme d'exception qui prône la paix et la justice. Mais chacun de ces hommes va connaître le malheur avant de parvenir à restaurer la tranquillité dans le quartier. L'histoire se passe toujours près de la Grande Maison du Patriarche et dans le désert qui lui est attenant. Dans chacune des histoires il y a une touche de magie : l'intervention de Gabalawi est-elle réelle? Cet homme est-il toujours vivant?
On change d'époque à chaque changement d'histoire et chacune des histoires termine comme la précédente : le quartier est maudit ou bien l'homme est-il par nature mauvais?
Naguib Mahfouz nous invite au voyage. Ses textes sont profonds par les thématiques proposées. Ce renvoi aux textes bibliques/judaïques/islamiques est également très intéressant car comme à chaque fois Dieu envoie un prophète/messager pour rétablir l'ordre sur Terre mais à chaque fois l'homme reprend ses travers et tout est à refaire pour les générations suivantes pour lesquelles on ne se souvient que des histoires passées poir fonder l'espoir qu'un miracle survienne.
On remarque aussi une triste analogie avec la politique actuelle : à savoir des dirigeants (intendants) qui ne pensent qu'à eux, détournent une partie de l'argent public (les revenus du waqf) et laissent une partie de la population dans la misère avec une répression sévère en cas de mouvements contestataires (via les futuwas et leurs gourdins).
Ce roman est prenant, bien écrit, et nous questionne beaucoup sur la nature humaine profonde.