J'ai beaucoup apprécié de partir à la découverte d'une Egypte éloignée des cartes postales touristiques ou des épouvantails sécuritaires.
Les ombres du désert se passe à Siwa, qui est une ville coincée entre plusieurs oasis, au Nord-ouest de l'Egypte, et à proximité de la frontière libyenne. L'auteur réussi parfaitement à retranscrire la chaleur sèche et l'omniprésence oppressante du désert, ainsi que l'isolement de la ville.
Isolement géographique, bien sûr, mais aussi isolement administratif. On comprend que la conception de la justice, là-bas, n'est pas la même qu'au Caire, trop éloignée, inaccessible.
Ecriture, style, construction,
Parker Bilal maîtrise tout cela, ce qui est déjà énorme dans le panorama du polar actuel. La mécanique policière est implacable, et, quand on devine le qui?, reste toujours en suspens le pourquoi ?
Les ombres du désert est donc un bon polar tout court, mais aussi un bon polar ethnique.
J'ai quand même des critiques à émettre.
La fin est un peu longuette. Ca n'en finit plus de rebondir, et ça finit par rebondir pour rien, simplement pour intégrer ces événements dans un contexte plus large qui ne s'intègrent malheureusement à l'histoire. Ce n'est pas parce que le livre évoque trois ou quatre fois des événements en Palestine qu'il s'inscrit dans ce contexte.
Malgré toutes ses qualités, j'ai mis du temps à le lire. le reposer n'était pas un problème, le retrouver n'était pas spécialement une fête, bien que la fin m'a gardée rivée. Pourquoi ?
L ‘auteur n'a pas réussi à m'impliquer dans son histoire. Je me fichais comme d'une guigne de qui avait tué et pourquoi. Je n'avais pas d'empathie pour les victimes, aussi différentes soient-elle. Je voyais nulle part où était réellement abordée la place des femmes dans l'Islam, pas d'histoire secondaire ou d'anecdote qui y soit reliée – à ça ou n'importe quel thème. Juste le suivi têtu d'un ancien policier qui quittait le Caire pour une petite ville éloignée tandis que l'Intifada faisait rage dans les territoires occupés. Je lisais une histoire certes bien racontée, mais en deux dimensions.
De même, aucun des personnages ne m'a touché – sauf une personne, mais à la fin -. Ils sont pourtant tous, à un degré divers, intéressants, dotés de qualités et de faiblesses, de zones d'ombre et de bravoure. Et pourquoi ça ? Parce que je n'ai pas été impliquée dans leur existence, évidemment, mais aussi, encore, toujours, parce que l'auteur utilise beaucoup trop la description au lieu d'utiliser l'exposition (le fameux « Show, don't tell »). Il me dit comment sont les différents protagonistes au lieu de me le montrer. Il a fallu attendre la fin du livre pour que je ressente un peu ce que c'était qu'être une femme dans cette ville. Les personnages parlent, s'agitent, mais l'auteur ne nous fait pas plonger dans leur coeur, ne nous pose pas sur leur épaule pour voir le monde avec leurs yeux.
Et alors que ce roman a quasiment tout ce qu'il faut pour un polar (une bonne histoire, un bon héros, une structure travaillée, un bon style), je ne peux que me raccrocher à des éléments techniques et objectifs pour le qualifier de « bon ».
Il m'a manqué le plus important, l'émotion.
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