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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le titre poétique du dernier roman d'Andreï Makine, « L'ancien calendrier d'un amour », fait référence au passage du calendrier julien au calendrier grégorien décidé par les bolcheviques en janvier 1918.

Un décret signé par Lénine a établi que juste après le 31 janvier 1918, la Russie passerait directement au 14 février, effaçant pour toujours deux semaines de l'histoire du pays. Pour justifier ce changement, le nouveau régime communiste évoqua la nécessité « d'établir en Russie un système de décompte du temps similaire à presque tous les peuples culturels ».

La référence à l'ancien calendrier est devenue une forme de métaphore désignant la Russie d'antan. Elle prend tout son sens dans le roman, où le héros vit une histoire d'amour clandestine quelques mois après le passage du calendrier de la Russie impériale à la nouvelle chronologie imposée par les « constructeurs de l'avenir radieux ».

« L'ancien calendrier d'un amour » est une prouesse de concision. Dans ce court roman, Andreï Makine dessine une fresque qui englobe la révolution russe, la première guerre mondiale, l'entre-deux-guerres, ainsi que la seconde guerre, au travers de la destinée improbable de Valdas Bataeff. L'ouvrage mêle avec bonheur l'Histoire avec un grand H avec l'histoire de Valdas, né à la fin du XIXème siècle, dont le destin se fracassera, comme celui de tant d'hommes de sa génération, sur la violence inouïe du siècle le plus tragique de l'Histoire.

Le récit débute en août 1913. Agé de quinze ans, Valdas a grandi dans une famille bourgeoise, choyé par son père avocat, et sa jeune belle-mère Léra. La famille aisée passe ses vacances sur le littoral de la Crimée.

« Dans la belle villa Alizé, le père oubliait ses plaidoiries et la jeune Léra concoctait de savants panachés d'invités, mêlant les vieux birbes, parmi la clientèle de son mari, et les artistes, prudemment rebelles ».

Le jeune adolescent commence à saisir l'hypocrisie de la comédie humaine que joue cette haute société russe inconsciente du déferlement de violence qui menace. Au cours d'une promenade nocturne longeant la mer, il rencontre pour la première fois Taïa, une jeune femme de quelques années son aînée qui s'adonne au trafic de tabac de contrebande.

Valdas ne le sait pas encore, mais ses premiers émois sont aussi ses derniers moments d'insouciance. La douceur de cette fin d'été 1913 marque la fin d'une époque. le bruit et la fureur de la première guerre et de la révolution emportent tout sur leur passage. le héros découvre l'horreur absolue de la guerre civile en s'engageant auprès des Russes blancs, dans l'armée contre-révolutionnaire qui sera laminée par les bolcheviques.

Avant de devoir quitter sa mère patrie pour rejoindre la France, il vit à l'automne 1918 une brève histoire d'amour avec la belle Taïa. Au cours de ce moment « hors du temps », où Valdas se croit parfois encore dans « l'ancien calendrier », il vit un amour absolu, qui hantera à jamais ses nuits, et découvre un bonheur traversé par une lumière qui ne cessera d'éclairer une destinée foudroyée par l'Histoire.

« L'ancien calendrier d'un amour » n'est pas seulement une fresque historique qui revisite avec talent un siècle sanglant en confrontant son héros au coeur pur au tragique de l'Histoire. L'auteur nous propose dans ce très beau roman une forme de méditation sur le rôle de révélateur de l'âme humaine que jouent ces moments de tempêtes, les guerres comme les révolutions, qui voient surgir la cruauté, la couardise et la trahison mais aussi le sens de l'honneur, le courage et le sacrifice.

Le titre de l'un des plus beaux romans de Blaise Cendrars, « L'homme foudroyé », nous offre une formule lapidaire qui résume la destinée de Valdas Bataeff. Et pourtant. le dernier ouvrage d'Andreï Makine tente d'offrir une forme de rédemption à son héros, de donner un sens à une vie ballotée par la fureur d'un siècle terrifiant. Malgré sa brièveté, la pureté de l'histoire d'amour avec Taïa, ce moment touché par la grâce et délaissé par la pesanteur, « sauve » peut-être le destin improbable de son héros. le roman pose ici une question quasi métaphysique. En accédant, même un instant, à une forme d'infini amoureux, le héros « arrête » le temps, et entrevoit le bonheur serein que lui aurait offert une vie vécue au sein de « l'ancien calendrier ».
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Un livre relativement court qui nous fait revivre ce vingtième siècle, un siècle chargé en évènements violents, surtout quand on est russe et qu'on a quinze ans en 1913.

C'est le cas de Valdas, dont la famille fait partie de la haute société. On le découvre pendant des vacances en Crimée, en 1913, où l'adolescent brûle de se confronter au monde réel, loin des saynètes organisés par sa belle-mère pour le bon plaisir des riches oisifs qui partagent cette vie dorée. Quelques frayeurs causées par des contrebandiers, une rencontre qui le marquera à vie, et puis les mois s'enchainent, et les évènements viendront bientôt rattraper tous ses voeux de vivre dans un monde plus ancré dans la réalité. Guerre, révolution, exil, amours passagers, guerre à nouveau, et quand il croit avoir enfin trouver une certaine paix, le voici à nouveau exilé d'une vie douillette.

Alors pourquoi ce titre, qu'en est-il de cet ancien calendrier ? C'est celui qui était suivi en Russie jusqu'au 31 janvier 1918, où Lénine d'un coup de crayon fait basculer le pays au 14 février, 15 jours perdus à jamais qui deviendront pour beaucoup le symbole de la Russie d'antan, et pour Valdas le souvenir d'une parenthèse enchantée avec une femme qui lui avait fait vivre en 1913 ces premiers émois d'adolescent, et qu'il retrouvera au cours de la guerre civile entre rouges et Russes blancs.
Une parenthèse dont le souvenir le bercera toute sa vie, une parenthèse qui lui fermera peut-être la porte à d'autres amours, par le souvenir magnifié qu'elle est devenue. Une parenthèse qui cependant justifiera toute son existence :
« Ce que tu as vécu… je parle de ces journées au bord de la mer Noire, c'était… le sens même de la vie. Cet amour à l'écart du temps, c'est ce que nous devrions tous espérer ! le seul qui nous est véritablement offert par Dieu. Mais nous sommes rarement capables de le recevoir. »

Plus qu'un roman historique, c'est un roman sur cet homme, sur la manière dont les évènements vont le façonner, sur une vie qui ne suivra pas le cours espéré, mais cet homme ne renoncera pas.
Andrei Makine nous livre une réflexion profonde sur comment L Histoire avec un grand H peut se révéler dévastatrice pour les hommes et malgré tout ceux-ci survivent, espèrent et aiment encore. Ce vieil homme rencontré dasn un cimetière est étonnamment lucide et serein.

Et ce qui me charme par dessus tout dans ce livre, c'est l'écriture de Makine, merveille de concision à la fois et de puissance évocatrice. Les décors de chacune des scènes de ce livre se dessinent dans mon esprit au gré des pages, et je suis envoutée par la magie de ses mots.

Et ce que je trouve ici, en plus, c'est son aptitude à l'auto-dérision. J'ai beaucoup aimé ces quelques mots:
« Il se traitait de naïf : pourquoi un romancier aurait-il choisi d'écrire sur un jeune officier éclopé errant le long d'un rivage désert ? Non, les livres exploraient de vastes sujets sociaux, des états d'âme alambiqués. Une capricieuse Amber ou un mystérieux Ulrich se débattaient dans un tumulte de passions ingénieusement embrouillées, étalaient leurs penchants dépressifs et, en pleine crise de nerfs, invoquaient même une mystérieuse « psychanalyse ». »

Merci infiniment à NetGalley et aux éditions Grasset pour ce partage #Lanciencalendrierdunamour #NetGalleyFrance !
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Un roman court mais percutant.
D'une plume élégante et nostalgique, Andreï Makine va nous emmener sur les traces de Varda.
Adolescent russe, il vit dans une famille aisée quand s'annonce la première guerre. Il rêve d'un grand destin et d'amours romantiques.
Il va traverser ce siècle, ses deux guerres, la révolution bolchevique et ses violences.
Il est questions d'un amour infini, de solidarité parfois, de trahison souvent, d'une immense solitude et d'un bonheur qui lui échappe.
J'ai été émue.
Un roman bouleversant.
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« Ne dites jamais, avec reproche : ce n'est plus. Mais dites toujours, avec gratitude : ce fut. »

Après avoir lu plusieurs billets d'un auteur dont j'ai déjà pu apprécier la plume, j'ai choisi de lire un récit très court de moins de 200 pages, « L'ancien calendrier d'un amour ».

*
Nous sommes en France, de nos jours.
Le narrateur suit les allées d'un cimetière, lisant les inscriptions sur les plaques mortuaires. C'est une belle journée d'automne auréolée par l'éclat du soleil et le bleu de l'océan.
A la sortie, il engage la conversation avec un vieil homme qui fume un cigare assis sur un banc. L'homme, Valdas Bataeff, n'est venu se recueillir sur aucune tombe. S'il est là, assis, face à la mer, c'est parce que cet endroit paisible au-dessus de la mer lui rappelle celle qu'il a aimée il y a bien longtemps maintenant.
L'homme semble plonger dans une sorte de rêverie, parlant tout seul à un être évanescent porté par le mistral. Puis se rendant compte de la présence de l'homme près de lui, il lui raconte sa vie.

« le cimetière, perché au-dessus de la mer, donne l'illusion de basculer dans un ailleurs autrefois entrevu, bien loin de ce qui se passe en bas, dans la ville. »

*
L'histoire débute en 1913 alors que Valdas est un adolescent de quinze ans. Issu d'une famille aristocratique de Saint-Pétersbourg et en vacances en Crimée sur les bords de la Mer Noire, il prend conscience peu à peu du monde artificiel et hypocrite qui l'entoure, du théâtre des faux-semblants des soirées organisées par sa belle-mère, de la vie insouciante et protégée qu'est la sienne.

Une nuit, échappant à la vigilance de ses parents qui reçoivent des artistes et des notables influents, il se dirige vers le village et le bord de mer. Là, sur la grève, pris au milieu d'échauffourées entre contrebandiers de tabac et gendarmes, il va heurter un corps, celui d'une jeune femme, Taïa, qui va déployer sa cape au-dessus de leurs deux corps pour les dissimuler.
Puis, la femme disparaît, s'effaçant dans l'obscurité de la nuit.

Ce passage est magnifique, d'une exquise sensualité.
De cette rencontre, de cette étreinte avec le corps de cette femme, du souffle de Taïa caressant son visage, on ressent toute la douceur et la turbulence de ce premier émoi, de cet amour qui s'éveille, d'un amour rare qui effacera toutes les autres femmes.

« Il passa une minute sans bouger, comme si ce qu'il venait de vivre avait pu durer sans fin : ces lèvres effleurant son visage, le poids tendre des seins, une étreinte où il n'y avait rien de passionnel et qui pourtant avait exprimé tous ses rêves d'amour.
Il s'en alla en somnambule, se trompant de route, piétinant dans les couches d'écailles de poisson le long de l'ancienne fumerie, et arriva à l'Alizé par une voie jamais empruntée, comme dans une maison inhabitée. »

Tout les oppose, l'âge, le statut social, l'instruction. Mais Valdas est à un moment charnière de sa vie où il discerne la vanité et le mensonge de son monde régi par l'argent, les relations et le pouvoir. Il est à un âge où il se demande si le bonheur est dans la richesse et l'oisiveté.

Cet été là marquera la fin de l'insouciance de l'enfance, Valdas ne le sait pas encore mais son destin va être aspiré dans le vortex de l'Histoire en marche, la seconde guerre mondiale, la révolution bolchévique, la Russie stalinienne, …

*
« Ils se sentirent séparés des autres. Un crépuscule calme. Un silence approfondi par le bruissement de la mer. Et leur présence, infiniment étrangère à ce monde. »

L'amour que vont se porter Taïa et Valdas est comme un asile qui les isole de l'horreur et de l'absurdité de la guerre. Les deux personnages vont vivre leur amour loin des tourments du monde extérieur.
Dans cette brèche temporelle entre les deux calendriers, celui de la Russie des Tsars et celui de la Révolution, ils jouissent de l'instant présent et échappent au théâtre de la guerre.
Une brèche qui ne se refermera pas entièrement et dans lequel Valdas aime se réfugier.

« Leur temps faisant une escale, entre deux calendriers. À l'orée d'une fugace éternité… »

J'ai eu l'impression que le cours du temps se divisait en deux branches, celle de l'ancien calendrier, un temps ralenti, presque arrêté, replié sur lui-même ; et un autre suivant le nouveau calendrier, un temps précipité et forcé, comme un rouleau compresseur qui balaierait et écraserait tout sur son passage.

« Il se souvenait vaguement d'une avancée de deux semaines qu'en 1918, les Rouges avaient imposée à la chronologie, passant du calendrier julien au calendrier grégorien, pour renouer avec « le temps dans lequel vivaient les pays civilisés », selon Lénine. Ce temps « civilisé », pensait Valdas, n'avait pas empêché tous ces beaux pays, fiers de leur culture, de s'entretuer pendant cinq interminables années… »

*
Taïa m'est apparue comme le personnage clé de ce récit. Elle est à la fois forte et fragile, rejetée comme une paria et généreuse dans ce qu'elle apporte aux autres.
Elle traverse tout le roman, présente au côté de Valdas dans ses pensées, dans ses souvenirs, dans son coeur, « par l'insondable abîme du temps ». Elle ne le quitte pas.

*
J'aime beaucoup l'écriture d'Antreï Makine, à la fois poétique, tendre et introspective.
L'auteur a ce talent rare d'exprimer en peu de mots les émotions brutes dans un décor historique qui brasse plusieurs époques de la Russie impériale à aujourd'hui. On découvre les drames et les guerres qui ont marqué la vie de Valdas.

« … au coeur d'une autre guerre, il ferait la connaissance d'un prêtre qu'un jour, il entendrait s'exclamer : « Peut-il y avoir une chose plus horrible qu'une guerre ? »
Après une seconde de réflexion, Valdas lui répondrait : « Oui, une guerre civile. » »

En entremêlant passé et présent, le roman explore avec beaucoup de sensibilité et une douce mélancolie, les thèmes de l'amour et du deuil, du désir et de la perte, de la mémoire et de l'oubli, de l'identité et de l'exil.
Il est aussi question du temps qui passe et de la quête de sens. Des souvenirs de moments simples et fugaces comme une journée éclatante d'automne, un bord de mer, le bruit des vagues, la chaleur du soleil, ou encore un champ de blé.

*
Encore une fois, j'ai aimé le récit d'Andreï Makine, cette parenthèse amoureuse sur fond de guerres et de drames. La prose de l'auteur est magnifique, fine et puissante, élégante et poétique.
Un très beau moment de lecture.
A découvrir.

« Dans leur ancien calendrier, elle l'attendrait tant qu'il aurait la force de vivre, avec le souvenir du champ des derniers épis. »

***
Un grand merci à Isidore (@Isidoreinthedark) qui m'a donné envie de renouer avec ce grand écrivain.
***
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En cherchant dans un cimetière la trace d'un poète russe disparu, le narrateur rencontre un vieil homme, « vieillard égaré dans le crépuscule des années ». Valdas, Russe blanc émigré, lui raconte sa vie. La clé de voute en est une curieuse histoire d'amour qu'il n'a jamais oublié.

Le livre se déroule 1913 à presque nos jours, en Crimée et à Paris. L'occasion d'évoquer ce qu'ont vécu les Russes lors de la révolution et le quotidien de ceux qui ont quitté leur pays pour Paris.

À l'exception de Valdas, les personnages sont décrits très superficiellement, le lecteur doit compléter. C'est facile pour le père de Valdas, et sa belle-mère beaucoup plus jeune que son mari grâce à de nombreux personnages similaires d'autres livres, mais pour la femme aimée de Valdas, je suis restée perplexe.

Le livre se lit aisément grâce à la merveilleuse plume d'Andreï Makine, mais sans enthousiasme démesuré.

Lien : https://dequoilire.com/lanci..
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Quel lieu plus symbolique qu'un cimetière pour se pencher sur les vies anonymes, il n'y aurait qu'à remarquer les sépultures à l'abandon pour mesurer la possibilité de l'oubli. C'est en tout cas dans celui de Nice en surplomb de la méditerranée que le narrateur, à la recherche en 1991 d'un poète russe exilé pendant la révolution, rencontre un vieux monsieur aux effluves de cigare. Ils commencent par évoquer ces russes aux noms à particule francisée sur leurs stèles, attachés à leur noblesse passée « tels des mendiants à leur sébile ».

Le vieil homme se nomme Valdas Bataeff et c'est au récit de sa vie auquel on aura droit, d'abord entre la Crimée et Saint-Pétersbourg durant son adolescence lors des dernières années du tsar, avant que « les décors du monde » ne s'effondrent. Fils d'un avocat remarié à une férue de théâtre, Valdas s'initie à la « grammaire de la séduction » à l'Alizé, la bâtisse mauresque de son père, et surprend « la logique théâtrale de la vie » aux abords des spectacles organisés par sa belle-mère. Mais c'est surtout en opposition à cette opulence, dans les bas-fonds de la ville lors de fugues nocturnes que se construira l'adolescent. Un premier frisson comme un envol lors d'une étreinte fugitive avec Taïa la contrebandière, au milieu des falaises, puis une silhouette qui s'estompe dans la brume, dont « la seule absence semblait pouvoir remplir une très longue vie, sur une autre planète. »

Valdas en vivra pourtant des amours, Kathleen, Zinaida, Sophia et d'autres, pendant la Révolution, la première ou la seconde guerre mondiale, avant son départ pour les cadets ou en exil à Paris avec « le grand livre nocturne » de son taxi. Mais c'est toujours à ce premier frisson que sa mémoire le ramènera. Avant l'indélébile écart au monde, la parenthèse d'amour suspendu sur le tempo de l'ancien calendrier julien, deux semaines de moins que le grégorien, « un nébuleux retard qu'avaient supprimé les hâtifs constructeurs de l'avenir radieux »

« Il se traitait de naïf : pourquoi un romancier aurait-il choisi d'écrire sur un jeune officier éclopé errant le long d'un rivage désert ? Non, les livres exploraient de vastes sujets sociaux, des états d'âme alambiqués ».

Dans une concision de mots qui soufflent leur magie habituelle au gré de sa prose cristalline, Andréï Makine oppose dans ce rapide roman de l'exil russe la traversée fulgurante d'un siècle de cruauté, de guerres, de trahisons, à l'instant fragile d'un amour à l'abri du monde tourmenté, sur le tic-tac symbolique de l'ancien calendrier. Un amour obsessionnel traité avec plus d'importance que le reste, comme si l'essentiel d'une vie, malgré les souffrances, était dans ces moments de répit, ces instants de félicité d'une histoire d'amour. Il ne restera plus au lecteur qu'à se brancher sur le charme de cette histoire pour dérober lui aussi, quelques secondes d'éternité.
Lien : https://www.benzinemag.net/2..
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Ma critique sera aussi courte que ce roman. J'aurais voulu en lire 300 ou 400 pages de plus tellement la plume d'Andreï Makine est belle et élégante de concision. L'histoire est touchante, le héros on ne peut plus attachant. L'auteur nous invite à traverser le XXe siècle en compagnie de Valdas, de sa jeunesse de nanti Russe passant de longs étés dans la villa de son père en bord de mer en Crimée, jusqu'à ses dernières années à Nice où il a pu retrouver une vie plus calme avec vue sur mer. Entre les deux, la Révolution en Russie, la Première et la Deuxième Guerres mondiales, les combats contre les Bolchéviques, la fuite et l'émigration en France, la Résistance. Mais, mais, mais aussi, l'Amour avec un À majuscule, d'autres amours, de l'amitié; un héros au caractère solide, bienveillant, gardant la foi en l'Humanité malgré tout.

Courte mais intense lecture, poétique malgré les chaos, j'en redemande. C'est à regret que je laisse derrière moi cette belle image du « champ des derniers épis ».
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La rencontre fortuite dans un cimetière de Nice du narrateur avec un vieil homme fatigué ouvre grand la porte à un récit concis de la vie de cet homme, Valdas né à la fin du XIX eme siècle en Russie sous le règne de son dernier tsar.

Si les premières années de Valdas se déroulent dans la nonchalance d'une famille aisée avec chaque année des séjours en Crimée qui l'auront marqué par leur opulence , la liberté feinte ou pas des adultes et par le rayonnement de sa jeune belle-mère , c'est aussi pour l'adolescent la découverte d'un monde clandestin et la rencontre avec Taïa, une jeune femme contrebandière qui va graver son nom dans le coeur du garçon.

Bien sûr, Valdas va être transporté dans le tourbillon de l'Histoire mouvementée de la Russie qui ne l'épargnera pas et comme beaucoup de ses compatriotes après avoir été soldat dans l'Armée Blanche, il émigre en France .
Andreï Makine a l'art de conter une vie riche en événements en si peu de pages sans que le lecteur ait une impression de survol.

Le choix du titre avec ce que représente cet ancien calendrier julien abandonné au profit du calendrier grégorien en 1918 par les bolchéviques représente aussi en même temps que la perte de 13 jours , la perte de l'enfance, de l'insouciance et de l'amour , un deuil qui va poursuivre Valdas toute son existence .

Beau roman servi par l'écriture admirable comme d'habitude d'Andreï Makine
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De la Russie à la France tout n'est que souvenirs, exil, amours blessés, guerres et traversée du temps.

Andreï Makine a repris des thèmes de son précédent livre « L'ami arménien ». On sent bien que ces thématiques n'étaient de loin pas assez approfondies à ses yeux, qu'il avait une nouvelle fois besoin de nous les raconter tout en les plongeant dans d'autres vies humaines.
Il a livré un roman qui nous immerge dans une sorte de philosophie affutée au fil du temps, affutée au fil des évènements de la vie. Ici c'est davantage la révolution, la guerre civile, qui nous saute au visage. Comme si une guerre classique aurait été trop simple, trop confortable pour l'auteur…où pour le lecteur.

Pourquoi le titre « L'ancien calendrier d'un amour» ? Car les amours du personnage principal, Valdas Bataeff, basculent en 1918 du calendrier Julien au calendrier Grégorien.
De son apprentissage amoureux en 1913, à la guerre de 14, à la révolution russe, à la seconde guerre mondiale, à celle d'Indochine, tout aura été traversé dans ce court roman de 198 pages. On pourrait penser que tout est survolé de trop haut, mais il n'en est rien. L'amour fera la liaison. L'exil pointera l'ampleur des blessures. Les résistances pour lutter et vivre feront leur job.

Valdas regorge de force et, au passage, on se prend une belle leçon de vie.
Il a beau être né dans une riche famille russe qui se promène dans des lieux luxueux entre Saint Pétersbourg et la Crimée, la Grande Histoire ne l'épargnera pas. Et surtout, cela ne l'empêchera en rien d'aimer, de toute son âme, Taïa la serveuse contrebandière.

Il combattra dans l'armée blanche du Tsar contre l'armée rouge des anarchistes en quête d'une vie nouvelle. Et c'est au milieu de toute ces horreurs qu'il vivra quelques jours d'un amour hors du temps. Cet amour le portera dans toutes les épreuves qu'il croisera par la suite.

L'écriture ? sans fioritures, sans sophistication, presque minimaliste pour parler de sujets profonds et chargés de sens.

Des images ? Celle qui dit : « et pourtant, nous avons tous notre champs des derniers épis »
Celle qui dit : « Ne dites jamais avec reproche, ce n'est plus. Mais dites toujours avec gratitude, ce fut ».
Ou encore : « Dire le sens de nos vies est moins facile que d'exalter leur complexité ». 
Ou même : « Autant reposer dans la poussière qu'on a piétiné en apprenant à marcher ».
Et celle qui confirme : « tout ce qu'il me faut c'est cette lumière et ce chuchotement »…
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Il y a des univers entiers à découvrir dans l'oeil du vieil homme qui s'en vient chaque jour s'assoir au cimetière. Des histoires de vies insoupçonnables que cet oeil projette sur le ciel qu'il regarde, et que le vent murmure. Celle que le narrateur va lui faire conter dans ce court roman est à la fois extraordinaire et banale, et va toucher le lecteur que l'auteur a convié à s'assoir sur ce banc, les sens et le coeur en éveil.
Banale en ce qu'ils sont des milliers à l'avoir vécue, ces Russes blancs arrachés à leur patrie, à leur vies privilégiées et tombés comme des apatrides dans des villes occidentales où tous ne trouveront pas leur place. Extraordinaire par le parcours de ce jeune bourgeois né dans un foyer aisé et cultivé et embarqué dans les tumultes de l'histoire, soldat blanc se battant contre les rouges, fuyant son pays quand la défaite se fait inéluctable, arrivant à Paris démuni, rêvant de retour et de reconquête, assurant sa survie par de maigres emplois.
Extraordinaire surtout pour cette histoire d'amour absolu vécue hors du temps, dans l'ancien calendrier de l'amour, quand il était encore vierge de la cruauté du monde et qui donnera, dans la doleur, tout le sens à son existence.

J'ai adoré retrouver l'auteur de "L'archipel d'une autre vie" que j'avais tant aimé et ai cette fois encore été portée par ce roman concis, profond, parcourant un siècle d'histoire tout en étant ramassé dans un moment de grâce intemporel.
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