Afficionados des destins qui s'entrecroisent, ce roman est pour vous !
Aires campe les trajectoires de dix véhicules lancés sur les autoroutes de France.
Le roman s'ouvre sur un prologue futuriste déclamé par ce que j'ai voulu voir comme une intelligence artificielle, héritière des Sapiens sapiens. L'IA, comme un choeur grec initie la fable. de Catherine Marie Thérèse Delizieu (notez la patte de
Marcus Malte et son affection pour les jeux de mots), légataire d'un empire de l'alimentation pour chien et chat (sorte de
Royal Canin fictif) jusqu'à
Pierre-Peter, n clochard échoué dans une caravane, en passant par
Sylvain Page, shopper addict ou encore Zoé, la candide et bienveillante Zoé,
Marcus Malte brosse un portrait de France au vitriol.
Les destins sont lancés à 130 km/h. Rien ne semble à priori les unir et pourtant, ils vont se croiser et s'entrechoquer de bien des manières. Avec maestria,
Marcus Malte mène cet imbroglio aussi incompréhensible que l'échangeur de Roissy. Nous restons suspendus au fil des pages qui sont autant de fils tissés par des Parques implacables. Unité de lieu, unité d'espace, unité de temps pour un récit polymorphe et polyphonique : le roman a tout de la tragédie tant tout y est déjà joué d'avance.
Le choeur poursuit inlassablement son chant : c'est celui de la radio qui relie l'ensemble des protagonistes et ne cesse de psalmodier des nouvelles de mauvais augure. C'est glaçant. Et cela m'a beaucoup ébranlée. Rien des vices de notre société ne nous est épargné. du cynisme des puissants aux tares qui naissent de la misère...
Silver économie, licenciements économiques, meurtre en série, sexisme, surconsommation et sur-endettement...il est assez stupéfiant de réunir autant de thématiques sociales dans un même récit. Et c'est tout à fait brillant de placer les intrigues précisément sur un terrain a-social. Parce que celui qui a déjà circulé l'été sur une autoroute française, a pu mesurer le fait qu'il n'y a aucun lieu qui ne mélange mieux les classes sociales. L'autoroute, en ce sens, est plus égalitaire que l'école ou les hôpitaux.
Encore une fois,
Marcus Malte porte un engagement en littérature, c'est ce que j'avais apprécié dans son précédent roman
Le Garçon. Toutefois, dans cet opus, même s'il est brillant, j'ai eu du mal à rester accrochée. Trop de jeux de mots parfois, trop d'orfèvrerie et de jeux sur les textes, comme ces inserts de classement des maisons les plus chères du monde. Enfin, la crudité des histoires, leur vraisemblance m'a vraiment bouleversée.
Alors, âmes sensibles, bouclez vos ceintures ! Pour les autres, passez la cinquième et foncez !