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3,79

sur 141 notes
Tout est déroutant dans cet audacieux roman tellement contemporain.

D'abord, il embrasse une multitude de personnages – 13 si j'ai bien compté – comme autant de morceaux de vie, en prenant le temps, soit environ 150 pages pour les présenter tour à tour, sans qu'aucun lien ne semble les attacher les uns aux autres de façon évidente, si ce n'est que tous roulent sur une même autoroute et traversent les mêmes aires et stations service. Marcus Malte ose même les présenter en ouvrant chaque chapitre du nom du véhicule utilisé, kilométrage et prix argus, voitures, caravane, camion et même chaussures de marche ! Chaque chapitre est scandé par les infos en continu ou par des slogans publicitaires, mais aussi par des extraits de cahiers / journaux intimes très introspectifs rédigés par un des protagonistes.

En fait, Marcus Malte ose tout dans ce roman, ce qui le rend à la fois fascinant, original mais qui rend aussi son accès assez difficile, voire hermétique, jusqu'à ce qu'on comprenne où l'auteur veut aller. J'ai mis un peu de temps pour y parvenir, un peu perdue, mais sans que mon intérêt ne retombe, tenue par la tension qui s'instaure pour découvrir le fil qui relie toutes ses vies.

Ce roman se révèle terriblement noir, voire désespéré . Les morceaux de vie qu'il raconte sont tout à la fois foncièrement banals et humains : un homme qui rejoint la femme qu'il a aimé et qui se meurt, un père blessé par son récent divorce qui se heurte au mutisme de son jeune fils, une serveuse éclairé par la foi qui se projette dans une vie possiblement belle, une femme installée dans le couple et la maternité qui doute ... Des trajectoires parallèles qui finissent par se croiser, s'emboîter, se heurter, se repousser en un chaos qui ressemble au hasard ou au destin, mais qui n'occulte en rien la solitude profonde de l'être humain depuis la perte de l'enfance.

« Un enfant qui marche dans les flaques pour éclabousser. Un enfant qui saute sur un trampoline ou qui tape dans un ballon. Un enfant qui joue. Qui s'amuse. Jouer, s'amuser, et rien d'autre. Cette insouciance, cette légèreté, elles nous ont été données, à tous, au départ. Cela s'appelle l'enfance. Et cela dure plus ou moins longtemps, selon l'histoire de chacun, selon les conditions d'attribution et de développement. Certains en sont très vite dépossédés, d'autres ont la chance de pouvoir prolonger cette période. Mais personne, personne ne parvient à la conserver au-delà d'une certaine limite. La joie. La joie première. La joie égocentrique. Notre capacité à l'accueillir. Nous perdons cela. Avec les année vient la conscience, et avec la conscience vient le poids. Tout devient lourd, plus pesant. Toute nous écrase. Regardez-nous marcher, l'échine voutée, ployant sous le joug, le pas lent, comme si nous trainions des boulets à nos chevilles. Esclaves de notre propre conscience, de notre connaissance du monde, de notre expérience du monde, de notre lucidité. C'est long. C'est pénible et fastidieux. Quand on marche dans les flaques, dorénavant, c'est parce qu'on n'a pas réussi à les éviter. (...) Retourne-toi. Souviens-toi. Vois ce que tu n'as plus et n'auras plus jamais. Tends l'oreille pour entendre l'écho de ton rire, du pur cristal de rire, des perles, des bulles, légères, si légères, envolées, impossibles à saisir sans les faire éclater. Quand tu ris aujourd'hui ce n'est plus qu'un bruit, pareil à celui d'une chaîne qu'on secoue, c'est un relent sonore, un rot moqueur ou sarcastique, ce n'est plus le fer de lance joyeux jaillissant dans les airs et accrochant le reflet du soleil. »

Cette lecture fait réfléchir avec acuité et classe sur les dérives de notre société de consommation, en dénonce les travers, avec subtilité, parfois avec tendresse, parfois rudesse , mais toujours avec un humour ravageur qui décille les yeux pour nous forcer à nous confronter à nos petites lâchetés ordinaires. Ce n'est pas une lecture confortable, je n'ai pas ressenti le même plaisir absolu qu'en découvrant le Garçon ( un des plus beaux romans que j'ai lu ces dernières années ). Mais c'est une lecture riche, qui secoue. Alors que l'émotion mettait du temps à arriver, elle m'a percutée puissamment dans les dernières chapitres, m'a broyé le coeur et serré l'âme.

Et puis, il y a toujours, l'écriture superbe de l'auteur, un vrai styliste qui jamais ne se laisse aller à l'exercice de style : il parvient à déployer une panoplie dingue de variations, maniant aussi bien la poésie que l'ironie, le lyrisme que le rythme jusqu'à un final assez étourdissant.

Un roman exigeant, sans séduction facile, qui prend le risque de dérouter ceux et celles qui gardent en mémoire le Garçon. Un roman impressionnant tant dans sa forme que dans son fond. Un roman marquant qui donne envie de sauter dans les flaques sans chercher à les éviter.
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Le dernier roman de Marcus Malte :Aires est étourdissant à bien des égards...
Une fois de plus j'ai été épatée par le talent multiforme de l'auteur. D'abord l'écriture toujours aussi inventive, surprenante avec dans le prologue un florilège de jeux de mots, de calembours à couper le souffle et souvent fort drôles. Mais cette entrée en matière est suivie par un savoureux mélange de récits entrecoupés de flash d'informations, de publicités ou de courts poèmes. Récits qui alternent également avec des textes théâtraux, des extraits de journaux ou des parodies de tracts publicitaires. On s'aperçoit très vite à la lecture que ces "fantaisies" digressives n'ont rien de gratuit et que le jeu pour la lectrice ou le lecteur va être de trouver la clé de leur présence dans le roman... Présence aussi d'un humour noir ravageur qui est, à mon avis,l'un des points forts de l'écriture de l'auteur. Marcus Malte pense l'horreur, la met en mots sans jamais tombers dans l'obscénité. Un vrai tour de force à mes yeux ! En témoignent les violentes satires qui jalonnent le roman comme celle par exemple où il évoque les dessous croustillants d,une grande conférence internationale à Genève ou pire encore le passage où il imagine une nouvelle attraction d'un parc Disney le "Shoah Show" calqué sur les pires tortures des camps nazis...
Cette écriture vagabonde, iconoclaste joue aussi beaucoup sur l'effet de surprise et le dévoilement progressif d'une narration conçue comme une toile d'araignée à l'image de la trajectoire de vie de personnages qui, au début du roman, n'ont comme seul point commun que le fait de se trouver sur une autoroute, le même jour, à la même heure.
Je me suis très vite attachée à ces hommes et à ces femmes confrontés à des determinismes intérieurs - maladie psychiatrique ou physique, addiction, identité sexuelle refoulée - ou socio économiques qui les rongent, les obsèdent et les lancent dans une quête identitaire ou des choix perdus d'avance. Et c'est en cela qu'ils sont pathétiques, car nous savons depuis le début ou presque qu'ils s'acheminent vers un drame... Nous sommes à la fois en totale empathie avec eux grâce à la force et l'intensité des monologues intérieurs et aussi en connivence avec l'auteur qui nous laisse entrevoir à de multiples reprises la tragédie qui les attend. Fatalité, hasard, acte délibéré ? Rien n'est tranché... C'est aussi cette liberté laissée à la lectrice ou au lecteur de se faire son propre jugement que j'ai aimé. Car rien n'est simple et l'auteur laisse une belle place à l'incertitude et la complexité ! Qu,il s'agisse de questionnements existentiels, politiques ou socio économiques il nous renvoient à nos contradictions, à notre liberté de choix bien restreinte ou conditionnée par des éléments qui nous échappent....
On peut ne pas aimer ce roman car il est transgressif dans l'écriture et le contenu. Mais quand on accepte d,entrer dans le labyrinthe où nous entraîne Marcus Malte des le début c'est un vrai régal !
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Pas glop, le dernier Marcus Malte, pas glop et même très noir.

Ça commence brillamment, dans une sorte de Novlangue façon SF post apocalyptique. On va examiner quelques specimens de l'humanité disparue, ça vous va ? Démarrage sur les chapeaux de roues, pour une équipée sauvage,  drôle et féroce. Démarrage inventif: on va se régaler ! Glop, glop ?

Non, on embraye- c'est le mot!- sur un roman choral plus classique et à première vue plus plan- plan . Sauf que les chapitres portent des noms  de voitures assortis de leur présentation façon Argus. Je rectifie: pas plan-plan, plutôt pouèt-pouèt!

Moi qui ai déjà du mal à distinguer une Renault d'une Nissan,  pas Ghosn-Ghosn,  vous m'avez repérée- et qui ai roulé des années en Cox ou en 2 pattes  parce que c'étaient les seules que je retrouvais dans les parkings- je cafouille sec! À part se retrouver dans le même embouteillage un jour de canicule aoûtienne, je ne vois pas trop ce qu'ils ont à faire ensemble, ces conducteurs ou passagers.

Voyez plutôt :
-Catherine , une fille à papa du Cac40, narcoleptique et cynique, dans sa Lexus
 -Peter un vieux rocker british un peu clodo et tout à fait à la masse dans son camping car en stationnement permanent sur une aire d'autoroute,
 - Sylvain, un père A.C. (Acheteur compulsif), criblé de dettes et, sur le siège arrière de son bolide à crédit "revolver",  Ju',  son petit garçon ,  geek et mutique, les yeux rivés sur sa console et ne répondant à son père que par signes de tête -tac tac!-, 
- Maryse et Lucien, un vieux couple en Dacia, la petite roumaine pas chère,  toujours amoureux, toujours communistes,
- leur fils Fred devenu chauffeur de poids lourd apres des mésaventures professionnelles -bien la peine que Maryse et Lucien aient sollicité l'ascenseur social  à coup de Pif Gadget et d'articles de l'Huma! le diplômé est revenu à la case prolo!-  et avec lui, dans la cabine de son 15 tonnes, un autostoppeur  mystérieux,  écrivain, et fumeur,
- Roland Carretero, ancien prof de techno,  avec Placido, sa tortue géante , qui part sur la route retrouver sa Rolande, bouffée par un vilain crabe, avant qu'il soit trop tard , pour lui dire que depuis 25 ans qu'ils se sont quittés,  il n'aime et n'a aimé qu'elle, 
- la petite famille  Jourde dont la mère,  pas Claire, décidément,  s'apprête à faire un grand saut sexuel et conjugal dans l'inconnu,
- Audrey et Romain incolores petits spécimens d'amoureux dans le vent ( du boulet?) "à qui il faudrait apprendre une langue"
- et enfin Zoé,  petite serveuse du restauroute l'Arche. L'arche de Zoé.  Ah! Ah! On se marre.. .

Bon, je suis sympa, je vous ai mis un peu d'ordre, là,  histoire que vous soyez moins perdus que moi, au debut,. ...sauf pour quelques bagnoles, mais ne me demandez pas l'impossible! Vous allez pouvoir, comme moi, vous prendre à la tension insoutenable de savoir comment le destin avec ses grosses pognes vachardes va les faire se "rencontrer" tous ceux-là. En même temps, comme ils sont en voiture, on a bien une petite idée..

Avec la maestria d'un joueur de modèles réduits sur circuit,  Marcus Malte aiguille ses personnages vers les points chauds, les carrefours dangereux, les aires sauvages, les glissières fragiles, il fait monter la pression, semant présages et avertissements sous forme de bulletins de trafic, de slogans publicitaires,  de chansons  ou de spots d'information -la radio, toujours allumée pour réveiller l'attention des conducteurs, est, dans chaque habitacle,  le messager involontaire des mauvaises nouvelles ou le commentateur sans état d'âme des us et coutumes  de ce siècle qui, on le sait depuis la première page, sera le dernier.

En même temps que se préparent les fatales catastrophes, les petits hannetons jacassant dans les carlingues nous deviennent plus familiers, plus proches, plus inquiétants, plus franchement odieux, c'est selon..

La terreur et la pitié dont les grands ressorts de la tragédie disait Aristote.
La dérision qui mord et la tendresse qui caresse sont ceux de ce grand roman choral qui nous emmène allegretto , en klaxonnant, dans le mur.

Pas glop,  pas glop.  Mais très réussi. 
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Encore une fois je suis éblouie par le talent de Marcus Malte.
Autant que dans « le garçon », bien que le genre soit ici totalement différent.

« -Plusieurs histoires, en fait. Mais qui n'en font qu'une. Parce que c'est le principe même de la vie, sa trame : des destins qui s'enchevêtrent. Et c'est quelque chose que je trouve fascinant. Toutes ces trajectoires parallèles qui finissent par se croiser »

Cet extrait résume parfaitement le roman.
J'ai l'impression d'avoir lu plusieurs livres, d'avoir croisé plusieurs vies.
Tout se passe sur l'A10, une autoroute où circulent des gens dont les destinées de certains vont se croiser.
Au gré des personnages, d'innombrables sujets sont traités.
L'auteur tourne en dérision les excès de notre société. Il dénonce des faits divers de l'actualité.
Il ya de anecdotes, des drames.
On y trouve des sentiments, de l'amour, de la passion, de l'addiction.
De la fougue et du désespoir.
Tout est entrecoupé de spots publicitaires, de flashs radio, de chansons selon les stations écoutées par les automobilistes.

Il est beaucoup question de société et de politique.
C'est un livre jubilatoire et puissant.
Le style, le vocabulaire, l'originalité, tout est délice.
L'humour côtoie la profondeur.
Sûr qu'après cette lecture, on ne parcourra plus les autoroutes sans y penser.
Un livre pour lequel on souhaiterait avoir plus d'insomnies pour ne pas avoir à le refermer avant de l'avoir terminé.
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Marcus Malte a un talent unique, il nous l'a prouvé avec ses précédents romans, Single Malte. Avec « Aires », son don s'est déMalteiplié !

Voilà un roman qui ne ressemble à aucun autre. Un chassé-croisé d'automobilistes sur des routes surchargées, tel un collage de morceaux de vies passés et présents. Des sucreries souvent acides, Maltesers de la littérature (mais absolument pas junk food).

Jeux de mots. L'une des caractéristiques de ce nouveau livre étonnant. La forme surprend d'emblée (avant qu'on ne se rende compte que le fond l'est tout autant). En ce qui concerne le jeu avec la langue, l'écrivain s'en donne à coeur joie. Et ce sur 500 pages, souvent denses ! Mots d'esprit, calembours, piques, saillies verbales…, tout y passe.

Ne tentez pas de trouver un point commun avec son précédent roman, le garçon, il n'y en a aucun. Histoire contemporaine (même si le passé ou l'Histoire font quelques incursions), construction syncopée, multiplication des voix et des voies (on roule et on parle). Un récit en mode patchwork, dont il est impossible d'anticiper le cheminement, sauf à se retrouver échec et Malte.

Pensées, monologues, dialogues, échanges, discordes, digressions. Les idées et les mots vagabondent le long des routes, rythmés par le staccato des infos radiophoniques et des publicités. Entrecoupés d'histoires dans l'histoire, de faits divers et variés qui ont changé la vie quotidienne des protagonistes ou marqué la société. Entremêlés.

Qu'il est difficile de parler d'un tel livre ! Inenvisageable d'imaginer le raconter. Chaque personnage vit sa vie dans son auto, pense à son existence, coincé entre ces tôles ondulantes et ces morceaux de plastique, parenthèses de leurs vies qui pourtant vont s'entrechoquer. L'auteur ne rend pas la vie facile à ses personnages (ni au lecteur), Maltetraitance assumée pour mieux faire passer le message.

Parce que les errances d'Aires sont tout sauf une plaisanterie. le ton est souvent mordant. L'auteur utilise l'humour, parfois le non-sens, et cette construction déstabilisante, pour imager son humeur sur les dérives d'une société qui roule à tombeau ouvert droit dans le mur. On comprend vite que le fond du propos n'a rien d'amusant.

Ça claque, ça tranche dans le vif, Malte ne mâche pas ses mots à travers l'imagination de ses chapitres. A chacun de se faire ensuite sa propre image mentale de ce qu'il vit à travers ce récit.

Car, l'écrivain nous fait douter durant ce roman touffu, on se demande ce qu'on lit exactement, comment qualifier un tel texte. Avant d'arriver à s'en faire sa propre signification. Aires permet en fait de prendre de la hauteur en roulant pied au plancher. Pas le seul paradoxe de cet étonnant roman.

Cet assemblage romanesque fait que chaque partie du tout sera vécu différemment, selon chaque lecteur, chaque sensibilité. Certains passages m'ont subjugué, d'autre intrigué, j'en ai trouvé certains trop longs, j'ai été également désorienté ou encore poussé à de vrais questionnements sur la vie.

Avec Aires, Marcus Malte ne reste pas à la surface des choses, il creuse, il approfondit. Son cheminement à géométrie variable n'est pas de tout repos, mais se révèle d'une richesse singulière. Dans la forme comme dans le fond, il prouve que la littérature ne tourne pas en rond. Comme s'il avait emmagasiné informations et émotions durant de longues années, et décidé de les partager à ceux qui ont l'esprit ouvert et curieux. Et qui ne sont pas effrayés de confier les clés du camion à l'écrivain sans savoir où il va les emmener (à l'image de l'étonnante aire de lancement et d'atterrissage du récit).
Lien : https://gruznamur.com/2020/0..
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Après une introduction qui nous prévient que tout ce qui va suivre fait partie d'un monde révolu,monde dans lequel nous n'étions encore que de pauvres primates ( les humains), nous prenons la route ou plutôt l'autoroute à bord de différents véhicules. Avant de grimper à bord, nous sommes informés du type de véhicule : sa marque, son prix, son kilométrage, sa côte à L'Argus. Il y a aussi un rescapé de la préhistoire qui se déplace (au début) pedibus jambus, on appelait ça un auto stoppeur. le chemin que nous empruntons, quelque soit la voiture ou camion dans lequel nous posons nos fesses,est jalonné de slogans publicitaires, flash d'actualités,diffusés par les auto radios. Mais surtout, nous partageons les pensées les plus intimes des conducteurs, et parfois de leur passager. Il y en une bonne dizaine. L'un voyage avec son fils et discute non stop...enfin c'est un monologue puisque le fiston ne parle pas et se contente de tic tacquer de la tête. Il y a cet homme qui court rejoindre la femme de sa vie qui est mourante. Et puis ce père qui roule pour gagner sa croûte....et puis les autres....Tous ont un point commun, malgré les apparences et les vernis, c'est la solitude, stone le monde est stone! A part, ce couple dont l'amour permet de garder espoir et militantisme face à un monde bien injuste et décevant. Car finalement, de l'avoir plein les armoires ça ne règle rien, et si en plus l'armoire est vide,je vous laisse imaginer !
J'ai attendu, attendu la rencontre, l'événement qui allait relier tout ce monde, donner sens à ces kilomètres parcourus ensemble. L'événement arrive en effet. Peut on le nommer Destin? Il ne donne,en tout cas pas d'élan...
Après avoir été enchantée par le garçon, j'avoue être déçue de ce dernier roman de Marcus Malte. J'y ai trouvé des longueurs et n'ai pas vraiment accroché à l'histoire. La belle écriture de l'auteur, sa finesse d'esprit sont pourtant bien présents. Il y a un humour grinçant, sarcastique mais cela n'a pas permis le coup de coeur.
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Nous sommes le 6 août, quelque part sur l'A7.
Bitume, canicule, chassé-croisé.
Des tonnes de particules fines, des milliers de bolides chromés et parmi eux Roland, Claire, Peter, Zoé, quelques autres... Une douzaine d'âmes piochées au hasard dans la foule anonyme des automobilistes, douze usagers de la route comme autant de cobayes pour une expérience romanesque épatante.
Dans chaque véhicule un homme, une femme, un enfant, et dans chaque boite cranienne des pensées, des souvenirs, des rêves, des idées noires...
Qui sont-ils, où vont-ils, que faut-il voir dans les trajectoires enchevêtrées de ces fourmis pressées, qui n'ont a priori pas grand chose en commun ?
Faut-il d'ailleurs y voir autre chose qu'un bête mouvement brownien, vain, désordonné, une fuite en avant sans véritable finalité ?

Pour répondre à ce genre de questions tordues, on peut compter Marcus Malte !
Très imaginatif et un brin facétieux, il joue à merveille les bisons futés et se penche pour nous, depuis son poste d'observateur omnisicient, sur cette poignée de voyageurs et sur leurs parcours plus ou moins tortueux, qu'il décrypte sur un ton à la fois cynique et désabusé, émaillé de calembours et de traits d'esprit souvent percutants.
À mesure que les kilomètres défilent, l'auteur alterne les histoires individuelles, fouille dans le passé de ses personnages et saute allégrement de l'un à l'autre, avec toujours en fond sonore les pubs stupides, les slogans criards et les mauvaises nouvelles du monde que l'intarissable bande FM diffuse en continu dans chaque habitacle, sur chaque aire de repos.
C'est vif, original, intelligent et teinté d'humour noir : un régal !

Après l'inoubliable rencontre avec "Le garçon" (l'unique Marcus Malte trônant jusqu'alors dans ma bibliothèque), j'avais peur que ce nouveau roman radicalement différent ne souffre un peu de la comparaison. Fort heureusement il n'en fut rien, et je ne me suis pas ennuyé une seconde !
Sans trop savoir où l'auteur nous conduit, on est rapidement conquis par cette galerie de personnages en mouvement et finement croqués, on se laisse facilement embarquer, on avance ("on avance, on avance, c'est une évidence", comme chante le poète) avec eux, les mains bien cramponées à 10h10, l'oeil rivé sur l'asphalte.
Bien sûr on attend une explication, une révélation qui tarde à venir, un alignement des planètes. On se doute bien que "tout est lié [...], les événements, les êtres, les trajectoires, tout s'imbrique et se confond et va-t-en démêler tout ça". Alors très vite on se prend au jeu, on cherche à assembler les pièces du puzzle, on traque les indices qui nous permettraient de relier les destins de ces individus d'horizons si divers, on guette les coups du sort et les éventuelles collisions...
Un accident est si vite arrivé !

Avec ce roman étonnant, inventif et proétiforme, Marcus Malte dénonce en outre avec habileté quelques travers de notre époque (individualisme, course au profit, duplicité dans les rapports humains).
Par la même occasion il nous met en garde, non sans humour, contre les maux de notre société malade (crises économiques, inégalités, instabilité du marché l'emploi, perte de repères, addictions...) et les ornières qui jalonnent les autoroutes de nos existences.

Comme Roland, Claire, Peter et les autres, ne sommes-nous pas tous embarqués dans une même course contre la montre ? Chacun à son rythme, chacun sur sa voie mais tous dans le même sens, marche arrière interdite. Quelques coups d'oeil quand même dans les rétroviseurs, des manoeuvres hasardeuses, des échangeurs manqués, certains convoiturages heureux, et la nécessité toujours d'aller un peu plus loin...
Jusqu'au prochain virage, jusqu'à la prochaine aire.
En avant toute !
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Magique. Simplement magie noire, comme une envoûtement. Ce sont les mots de l'auteur, ils nous emportent et on se laisse empoisonner, avec délice.
Parfois, l'intrigue importe peu. Parfois, les assonances suffisent.
Nous sommes des astres perdus, nos trajectoires anarchiques, tout se confond dans une tempête orchestrée par le grand architecte.
Le destin avant tout.
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Aires m'a décontenancée, m'a surprise, m'a tantôt embarquée puis finalement débarquée, au bord de la route, plutôt soulagée de quitter ces personnages désabusés et filant droit vers le crash fatal. Ovni littéraire caustique et désespérant, Aires est un roman diablement bien écrit, ça c'est un fait, - Markus Malte l'a prouvé avec le garçon - mais tellement éloigné de ce que je connaissais de cet auteur, que je n'ai pas réussi, dans la longueur, à rester attentive.
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Sur les routes, sur les autoroutes, sur les aires de ces autoroutes, ils roulent, chacun vers son destin. Ce sont quelques « spécimens » de notre espèce, tous différents mais tous nous ressemblant, tous à la recherche du bonheur, s'y prenant bien ou mal, les uns de façon solidaire ou empathique, les autres de façon plus égoïste : un professeur de technologie en route pour un dernier adieu à son ex-femme mourante, un père surendetté faisant cadeau à son fils d'une virée à Disneyland, un stoppeur marginal en route pour « ailleurs », un Anglais excentrique vivant en camping-car, une femme d'affaires aux dents longues, et d'autres encore. le monde qui les entoure est le notre, un monde dur pour les faibles, où règne l'argent et la consommation, et cette insatisfaction entretenue par la pub qui nuit tant au bonheur.
Les histoires intimes des uns et des autres se succèdent, s'entrecroisent. Certains se retrouveront au même endroit et au même moment dans une fin tragique. Voilà un livre brillant, cruel et cynique, parfois drôle, mais finalement tendre pour nos contemporains. À peine.
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