Citations sur Le petit bleu de la côte Ouest (42)
- Ta mère est une conne.
- Ma mère est une conne, approuva Béa avec une équanimité désarmante.
Nous déjeunons chez elle et tu me feras le plaisir d’être rasé et poli. […]
- Un de ces jours, dit-il, je vais devenir subitement fou et tu ne t’en apercevras même pas.
- S’il y a une différence, je la verrai.
Gerfaut se rangea sur l’accotement, entre deux arbres, à côté de la portière arrachée. […] Il arrêta le lecteur de cassette.
Peut-être allait-il découvrir des cadavres hideusement mutilés, une fillette aux nattes gluantes de sang, ou bien des blessés retenant leurs tripes à deux mains, on ne peut décemment faire ça en musique.
Ps : Quel humour noir décapant ! Mais, je vous rassure, le conducteur est encore en vie !
Dans les collines du Sud rural où j'ai grandi, les chasseurs d'écureuils avaient l'habitude de clouer leur gibier aux arbres puis, avec un couteau et une force brutale, d'arracher la peau du corps par une simple traction brusque.
C'était une méthode propre, rapide, efficace. Les peaux étaient laissées sur les arbres, par douzaines, tout autour des cabanes et des meilleures zones de chasse, tels des rappels permanents.
Des livres comme ceux de Manchette sont ces peaux.
JAMES SALLIS, 2014.
D'une manière générale, même en remontant au début, au contrat Mouzon, on pouvait dire que les affaires passées avec le colonel Taylor avaient marché comme sur des roulettes, jusqu'au moment où ils étaient tombés sur ce con de Georges Gerfaut. Un cadre commercial, pourtant, c'est normalement très facile à tuer. Carlo et Bastien pouvaient faire des comparaisons, car ils avaient exercé leur industrie dans les couches les plus variées de la société. Maintenant ils commençaient à être en colère contre Georges Gerfaut.
Vers 13h30, Gerfaut se tapa des Francfort-frites dans une brasserie.
- Si je vous disais que c'est une trace de balle, tenez, cette touffe blanche.
- Oui, oui, dit Alphonsine. Vous êtes un aventurier.
- Non, vous ne comprenez pas. Non, pas du tout. Je suis le contraire.
- Qu'est ce que c'est, le contraire ?
- Un type qui ne veut pas d'aventures.
- Vous ne voulez pas d'aventures ? Vous êtes heureux, vous ne voulez pas d'aventures? (Elle demeurait rieuse ; ironique, mais sans méchanceté.)
- Une aventure avec vous, dit étourdiment Gerfaut. Excusez-moi, ce n'est pas ce que je voulais dire. Je suis confus.
Je suis un vagabond. Vous comprenez ? Un chemineau. Pas un cheminot de la S.N.C.F. , un chemineau qui chemine, un vagabond, quoi.
Ce n'étaient qu'abrupts ressauts, affleurements de granit, entrelacs de troncs abattus par la foudre ou les avalanches, surplombs vertigineux. Plastiquement, c'était fort romantique. Du point de vue de Gerfaut c'était la merde totale.
Vers 13h30, Gerfaut se tapa des Francfort-frites dans une brasserie. Il faisait beau et clair mais on n'y voyait pas très loin à cause de la pollution atmosphérique. Les passantes étaient vêtues d'étoffes légères. Mais le reste, les voitures piétinant dans un nuage de gaz et de fip 514, les yeux cernés des gens qui se hâtaient, les tours de béton, le potin, la chair aqueuse et trafiquée des saucisses sous la dent de Gerfaut, tout cela, c'était de la merde.
Et il arrivait parfois ce qui arrive à présent : Georges Gerfaut est en train de rouler sur le boulevard périphérique extérieur. Il y est entré porte d'Ivry. Il est deux heures et demie ou peut-être trois heures un quart du matin. Une section du périphérique intérieur est fermée pour nettoyage et sur le reste du périphérique intérieur la circulation est quasi nulle. Sur le périphérique extérieur, il y a peut-être deux ou trois ou au maximum quatre véhicules par kilomètre. Quelques-uns sont des camions dont plusieurs sont extrêmement lents. Les autres véhicules sont des voitures particulières qui roulent toutes à grande vitesse, bien au-delà de la limite légale. Plusieurs conducteurs sont ivres. C'est le cas de Georges Gerfaut. Il a bu cinq verres de bourbon 4 Roses. D'autre part il a absorbé, voici environ trois heures de temps, deux comprimés d'un barbiturique puissant. L'ensemble n'a pas provoqué chez lui le sommeil, mais une euphorie tendue qui menace à chaque instant de se changer en colère ou bien en une espèce de mélancolie vaguement tchékovienne et principalement amère qui n'est pas un sentiment très valeureux ni intéressant. Georges Gerfaut roule à 145 km/h.
Une fois, dans un contexte douteux, il a vécu une aventure mouvementée et saignante ; et ensuite tout ce qu'il a trouvé à faire, c'est rentrer au bercail. Et maintenant au bercail, il attend.