Une couverture un peu plus peu attrayante cette fois-ci (une jolie figure féminine) et un auteur que je connais maintenant pour l'avoir lu l'année passée dans le cadre du prix des lectrices de Elle pour lequel il a remporté le prix dans la catégorie Polars (
Yeruldelgger), et pour l'avoir rencontré (
Patrick Manoukian de son vrai nom, auteur ô combien sympathique) lors de la remise de ce prix. Inutile de vous dire que j'attendais ce 2e volet avec impatience ! Et alors me direz-vous ? Eh bien, je n'ai pas été déçue, bien au contraire, et j'ai retrouvé avec plaisir
Yeruldelgger bien sûr, mais aussi Solongo, médecin légiste et compagne de
Yeruldelgger, Oyun sa collègue inspecteur, Gantulga, le gamin des rues, fils spirituel de
Yeruldelgger, Saraa sa fille toujours rebelle.
Toujours un pays lointain et ô combien dépaysant, la Mongolie, même si dans ce volet, on revient aussi en France, en Normandie plus précisément, et toujours des chapitres courts, dont l'accroche est toujours la dernière phrase du chapitre qu'on s'apprête à lire, donnant un vrai rythme à la lecture, comme un teaser.
Vous l'aurez compris, on retrouve beaucoup des ingrédients du premier tome et les mêmes personnages si attachants, mais qui ont évolué, avec une vraie profondeur et dimension psychologique, des dialogues percutants et pleins d'humour souvent, des relations humaines touchantes. Mais heureusement, et logiquement, de nouveaux personnages apparaissent, comme ce fort sympathique Zarzavadjian, ce « flic de la ferroviaire » que l'on retrouve au beau milieu du roman, dans le port du Havre, au milieu des conteneurs dans la zone de stockage (et que l'on pourrait bien voir réapparaître dans un 3e volet, qui sait ?). Et Oyun prend une place centrale dans cet opus, et ce n'est pas pour me déplaire.
Et l'histoire dans tout ça ? Toujours assez complexe, évidemment mais très différente du premier, deux enquêtes parallèles (voire trois), l'une nous emmenant de Mongolie en Russie, en passant par la Chine, l'autre au Havre (et même à Honfleur, si si je vous assure !) avec trafics en tous genres, impliquant armée et militaires haut gradés, mais aussi les services secrets en la personne de Bathbaatar notamment, patron de l'Agence nationale de sécurité. On peut s'y perdre un peu parfois tant les noms des protagonistes sont exotiques, peu familiers, voire imprononçables (mais c'est sans doute aussi cela qui donne son charme à ce roman) et tant l'auteur nous trimballe d'un chapitre à l'autre, d'un lieu à un autre, d'une enquête à une autre.
Mais à la fin de la lecture de ce 2e volet, on n'attend qu'une chose : que les aventures de ce
Yeruldelgger soient portées à l'écran tant ce personnage est « incarné », et tant le « décor » est sublime !
Yeruldelgger est un vrai héros qui a une âme, et qui de surcroit essaie de faire en sorte qu'elle soit en harmonie avec celle de son pays, même s'il y arrive de moins en moins. Son âme est plutôt sombre ces derniers temps. Malgré la colère qui l'anime, ses souffrances, ses révoltes, il a une part de sagesse héritée de l'Enseignement du Nerguii, chef spirituel du Septième monastère des moines Shaolin. « Ce qui se voit, c'est que ton coeur est meurtri. de cette ville, de ce que deviennent les gens, de ce que tu fais pour vivre, de ce que tu ne peux plus faire pour les autres. Tu es fort dehors, mais tu pleures à l'intérieur. Alors que tu aimerais que la montagne sacrée te rapproche du ciel, tu as au contraire l'impression qu'elle pèse toute entière sur tes seules épaules. Tu voudrais remettre de l'ordre dans ta vie et dans la ville, mais tu ne peux le faire que par la force et la colère. »
Ce livre n'est décidément pas un polar comme les autres. Il est empreint de spiritualité, de philosophie bouddhiste, de traditions mongoles, de coutumes ancestrales, de légendes. Et c'est ce que j'aime, alors au diable les quelques invraisemblances, facilités et ficelles un peu grosses parfois. Et on trouve aussi, même en pleine steppe mongole, toute la modernité du monde actuel et ses modes de communication, tout cela donnant quelques scènes assez cocasses (le vieux nomade mongol qui sort sa tablette Samsung Galaxy Tab !) sans parler des vaches et des yacks qui tombent du ciel !
Il ne faudrait pas non plus oublier que les romans de
Ian Manook sont de vraies balades gastronomiques qui (r)éveille les papilles. Cette fois-ci ce n'est plus seulement la cuisine mongole qu'on savoure mais aussi la gastronomie normande avec ses tartes au sucre, Bourdelots, Bec de Flers, tripes et autres spécialités !
Enfin, pour que le dépaysement soit total, quelques notions de vocabulaire local : dzüüd (« malheur blanc », terrible blizzard, phénomène climatique rare), dzum (femelle du yack), khushuur et buzz (raviolis de mouton à la vapeur), pyartan (bouillon de mouton avec des pâtes), vatrouchka (petite brioche ronde fourrée de crème frappée), pirojki (petit beignet frit de pâte feuilletée fourré de chou et d'oeufs d'esturgeon ou de poulet)…. Et j'en passe…
Bref, à lire absolument, à découvrir pour certains, et à savourer pour les amateurs du premier, un vrai régal ! le genre de livre qu'on ne peut refermer, qu'on lit d'une traite, qu'on savoure en voulant aller toujours plus loin mais en regrettant à chaque page d'aller toujours un peu plus vers la fin ! Un grand merci à Babelio et aux Editions Albin Michel.