Erwan ne sut pas quoi répondre. Il les connaissait, pourtant. Depuis dix ans il venait de France les rejoindre pour ces ateliers nomades et sauvages à travers la Mongolie. De sa Bretagne natale très exactement. Deux ou trois mois dans l’année, à peindre en pleine nature, sans contrainte, sans programme, sans itinéraire. À la vagabonde.
Regarde ce désert, Yeruldelgger. C'est notre pays. Grandiose. Sévère. Violent. On nous croit nomades débonnaires dans nos espaces immenses, mais nous ne faisons que lutter contre lui jour et nuit.
Ce qui nous rend fort, c'est ce pays cruel qui nous apprend à le combattre et à le respecter depuis notre plus tendre enfance. Qui nous force à nous chauffer avec des bouses contre le froid. A galoper sans cesse après nos bêtes que ses espaces infinis attirent et perdent.........
Tu es aussi une très belle femme. J'ai des amis qui se battraient pour t'offrir à leurs meilleurs clients des bordels de Shanghai ou de Macao.
Regardes ce désert, Yeruldelgger. C’est notre pays. Grandiose. Sévère. Violent. On nous croit nomades débonnaires dans nos espaces immenses, mais nous ne faisons que lutter contre lui jour et nuit.
La Chine, c’est bientôt un quart de la population mondiale avec seulement sept pourcent des eaux de source.
– C’est si simple : provocation, répression, récupération. Ils vont braquer les grévistes par leur intransigeance et leur morgue jusqu’à pousser les plus extrémistes d’entre eux à perdre patience. Et quand ces pauvres bougres auront brûlé quelques engins à plusieurs millions de dollars, ou qu’on leur fera endosser la mort, accidentelle ou pas, d’un pauvre gardien, l’opinion basculera.
– Notre monde est-il devenu aussi cynique que ça ?
– Souviens-toi de Munkhbayar, l’éco-warrior qui se battait pour l’application de la loi au Grand Nom. Il a reçu le prestigieux prix Goldman de l’Environnement pour ça en 2007.
— Aux États-Unis, dans les Appalaches, cinquante ans d’exploitation minière ont rasé quatre cents montagnes, comblé autant de vallées, et enseveli mille rivières. Et celles qui coulent encore ont une eau plus acide que du Coca-Cola.
— C’est que lui aussi elle le tient par les couilles. Or ce que je prépare, moi, c’est le grand lâcher de couilles, justement. Celui qui va libérer tout le monde du chantage de cette dame.
— La question est : es-tu prêt, toi aussi, pour le grand lâcher de couilles, ou préfères-tu qu’elle s’agrippe aux tiennes pour t’entraîner dans sa chute ?
– Je m’en contrefous
– Yeruldelgger, on va au massacre. Deux milices de monolobés, des compagnies minières sans scrupules, une police dépassée, une armée qui va réagir comme une armée et des politiciens dont on ne sait que trop qu’ils préfèrent attendre l’incident pour mieux l’exploiter médiatiquement à leur profit. Merde, Yeruldelgger, c’est ton pays quand même !
– Honnêtement, lieutenant, honnêtement, tu vois, je me le demande. Tu t’y reconnais, toi, dans ce pays-là ?