Par expérience, je me méfie des policiers. Mon métier m’a mis en rapport avec un trop grand nombre d’entre eux. Plusieurs motifs passèrent dans ma tête : contravention pour ma voiture, procès-verbal pour une entrée frauduleusement obtenue le mardi précédent à l’Assemblée nationale, dans l’enceinte interdite aux journalistes, plainte déposée pour le « papier » que j’avais écrit sur l’épouse d’un Président de la République de l’Equateur et que je n’avais pas fait ratifier par la censure. Bref, autant de prétextes pour entraver la carrière déjà difficile des reporters.
Sa voix était douce et rassurante et avait calmé mon chagrin. J’avais été séduite par son physique, conquise par sa gentillesse. Il avait si bien su trouver les mots qui consolent et redonnent l’espoir ! « Ne vous découragez pas pour si peu. Dans ce métier il faut être cuirassé. Les injustices sont monnaie courante ». J’avais alors pris conscience de mon manque d’expérience dans cette profession si nouvelle pour moi et, avec son appui, je m’étais remise courageusement au travail. Il avait été le témoin de mes premiers succès.
On sentait chez lui une étrange volonté à la fois impérieuse et tendre. Il jouait de cet atout pour essayer d’obtenir de ses conquêtes ce qu’il désirait. Me croyait-il donc assez naïve pour supposer que je tomberais dans le piège qu’il voulait me tendre ? J’avais remarqué son sursaut quand je lui avais annoncé que j’étais fiancée. Une femme solitaire est une proie plus facile pour ces sortes d’aventuriers. En voyant surgir a mon côté un compagnon, le plan imaginé par lui était d’avance mis en échec par un rival éventuel.
C’était à la fois le commencement et la fin de toute chose. L’amour résumant tout pour moi : la nuit, le jour, le passé, le présent, l’avenir. Tout était concentré en un seul homme : Jérôme ! Rien qu’au rappel de ce nom, je retrouvais sur mes lèvres l’ardeur et la douceur de nos premiers baisers. Il me semblait revivre les serments faits un soir que nous étions l’un et l’autre plus tendres encore que de coutume.
Les flatteurs prétendent que je suis ravissante. Ils exagèrent, mais je dois reconnaître que je suis plutôt jolie avec mes grands yeux sombres, mon nez mutin, ma bouche légèrement dédaigneuse et ma chevelure auburn. Bref, ce soir-là, l’ensemble était satisfaisant.