Ils étaient partis en chahutant dans l'escalier. J'avais appris qu'ils faisaient encore les pitres dans la voiture, au moment où le camion les avait percutés. Je m'étais dit qu'ils étaient morts en riant. Je m'étais dit que j'aurais voulu être avec eux.
Et depuis un an, je me répétais tous les jours que j'aurais préféré mourir avec eux. Mais mon cœur battait obstinément. Et me maintenait en vie. Pour mon plus grand malheur.
J'en connaissais déjà un "Les chroniques de San Francisco". Pour mon meilleur ami, Armistead Maupin avait le pouvoir de régler n'importe quel problème.
« Il faut d'abord que je me reconstruise,que je sois forte, que j'aille bien, que je n'ai plus besoin d'aide. Après çà, seulement, je pourrai encore aimer. »
Je ne pensais pas que ce serait si dur... pendant ton absence, j’ai beaucoup réfléchi à tout ce qui nous est arrivé depuis que je suis ici. Tu es rentré dans ma vie et j’ai eu à nouveau envie de me battre, de rire et de vivre...
J’avais retrouvé mes repères. Je ne m’habillais plus, je mangeais n’importe quoi, n’importe quand. Je dormais une partie de la journée. Si le sommeil ne venait pas, je restais dans mon lit à observer le ciel et les nuages, bien au chaud sous la couette. Je comatais devant des niaiseries à la télévision, qui se transformaient en cinéma muet lorsque c’était en gaélique. Je parlais à Colin et à Clara en fixant leurs photos. Je vivais comme chez nous, à Paris, mais sans Félix. Cependant, le soulagement tant espéré ne venait pas. Aucun poids en moins sur la poitrine, aucun sentiment de libération. Je n’avais envie de rien, je n’arrivais même plus à pleurer. Le temps passait, et les journées me semblaient de plus en plus longues.
Cinq minutes passèrent avant que je prenne le chemin de l'ascenseur en titubant. J'étais ivre de tristesse, le sentiment de gâchis, de culpabilité me donnait le vertige. Je resterais coupée en deux à vie. L'Iris de Pierre. L'Iris de Gabriel. Deux hommes, deux amours. Je rirais au nez de quiconque me dirait que l'on ne peut aimer deux personnes à la fois. Si, c'était tout à fait possible. Sauf qu'on n'aimait pas de la même façon. Avec Pierre, c'était un amour routinier, rassurant. Avec Gabriel, un amour explosif, sur le fil, un amour en terre inconnue. Ses lèvres n'avaient pas déclenché le sentiment de sécurité que ma procuraient celle de Pierre. Elles m'avaient fait vibrer comme j'ignorais que ce fût possible, et j'y avais à peine goûté.
J'étais simplement capable de profiter de petits bonheurs simples.
J'avais oublié à quel point les Parisiens faisaient la gueule en permanence. Un stage de chaleur humaine irlandaise devrait être obligatoire au programme scolaire.
Que devait penser Colin d'où il était ? Il n'avait fallu que deux, trois sourires, un week-end romantique pour que je sois prête à écarter les cuisses. Je me dégoûtais.
Ici, on élevait ces petites bêtes (les moutons) pour s'en nourrir et s'en vêtir. Comme au temps de la préhistoire avec les mammouths.