« En vérité, je suis un arbre errant. Si l'on me fiche en terre, je mourrai ! »
Qu'il était doux, qu'il était simple, qu'il était heureux le temps d'
Avant que le monde ne se ferme. Ce temps où les Tziganes arpentaient les chemins du vent à travers l'Europe, ce temps où les frontières n'existaient pas : « On comprenait qu'on avait passé une frontière, quand soudain, on n'entendait plus parler la même langue ». Mais ça, c'était avant…
Dans les pas d'Anton, fils du vent et dresseur de chevaux dans le cirque familial,
Alain Mascaro nous fait traverser le fracas du XXe siècle, qui de Lodz à Mauthausen signa le génocide du peuple tzigane dans des camps où ils furent « juste pris dans une effroyable machine à défaire la vie ».
Un témoignage glaçant du Porajmos, « “l'engloutissement“, c'est bien ainsi que les Tziganes désigneraient par la suite le génocide dont ils avaient été victimes, mais très peu en parleraient, à quoi bon ? Pour triompher du malheur, il faut le profaner. Et quelle plus belle profanation que la vie elle-même ? ».
Et c'est là que le livre d'
Alain Mascaro prend toute sa force, dans ce pari de raconter l'après, ce retour d'Anton, survivant, dans la communauté des hommes, grâce à l'aide de rédempteurs américains qui « possédaient deux chevaux et un violon. Tous trois furent les véritables artisans du retour d'Anton parmi les vivants. Les premiers lui rendirent la chair, la force et le désir de la piste, le second lui rouvrit les chemins du vent et de l'enfance ».
Alors le voyage reprend, poétique, métaphorique, lumineux, inspiré… humain ! Anton repart à la découverte des hommes, retrouve Jag l'ancêtre au violon, croise Gandhi et lit Tagore, aime Katia et suit Yadia, fait renaître le cirque et se laisse enfin porter par le souffle du vent nouveau.
Très jolie découverte due – une fois de plus – à Vleel,
Avant que le monde ne se ferme arrive à faire oublier ses quelques longueurs de la fin par la poésie de son style, qui confronte dans un même registre la violence des hommes à la résilience du monde.
« Je suis un tombeau, dit-il pour finir. Il n'y a que des morts dans ma mémoire. Des morts et des cendres ». En disant le nom des morts et en les confiant au monde, Anton les ressuscitera et se sauvera. Avec ses mots, Mascaro fait à son tour et joliment, oeuvre de mémoire.