"Disparaître" n'est pas mourir.
Ni deuil à porter, ni tombe à fleurir.
Juste une absence.
Des souvenirs.
Et cette attente insupportable...
Le jour pénètre dans ma chambre par la fenêtre du jardin, dessinant sur le sol, au travers des persiennes, de longues rayures irrégulières. A plat ventre par terre, de nouveau j'ai relu les lettres. Maintenant, c'est mon tour. J'écris sous ton regard, celui du grand portrait penché au-dessus de mon lit - notre portrait - que Melina m'avait offert pour mon dixième anniversaire. Elle a osé défier la mort de la pointe de son pinceau. Avec des couleurs vives et le talent d'aimer. Se souvenir, donner. Un tableau, un cahier. Et un sens à ma vie. Ma main, déjà, court et s'envole sur le papier. Les mots jaillissent, l'un après l'autre, du fond de ma mémoire, et notre histoire, si douloureuse, sort de ma chair, pour apparaître enfin, dans la lumière.
Les heures, les jours, les mois se sont succédé sans nouvelles.
Rien.
Alors, peu à peu, doucement, sur la pointe des pieds, l'espoir s'en est allé.
Plus de mots qui apaisent, puis plus de mots du tout.
le désespoir est muet.
[lettre d'une mère à sa fille disparue]
Cette nuit, j'ai compris, Paloma, que ton absence a rempli peu à peu ma vie, que j'ai fait le vide autour d'elle... (p. 45-46)
[sous une dictature sud américaine]
Désormais nous savons. Plusieurs militaires en mal de paternité ont enlevé des enfants et les ont élevés. Ceux de leurs propres victimes.
Toute la journée, ils torturaient, violaient, des pères, des mères. Le soir, rentraient chez eux, tranquilles, un petit dans les bras.
Et leurs femmes étaient très heureuses. Peut-être même pleuraient-elles de joie ? Enfin mamans ! Quel bonheur ! Elles en rêvaient depuis tellement longtemps !
Des femmes ? Des mères ? Ces monstres ! Des poitrines vides. Pas de coeur pour donner l'amour. Des êtres sans conscience. Une messe à la place. Et la bénédiction de Dieu.
(p. 30-31)
Je suis rentrée à pied.
Fière... et honteuse à la fois.
J'aurais pu lui avouer, moi aussi, les lettres que j'écris et que je n'envoie pas.De ces mots d'encre qui coulent de mon coeur.0
La vengeance mène souvent aux pires des injustices!
Ne plus jamais t'entendre rire, que dans mes souvenirs amers.
Renoncer à l'espoir.
Creuser ta tombe quelque part... Tout au fond de mon coeur. Et la couvrir de fleurs.
Si je pouvais y retrouver la paix!
Libre, maman. Je me sens libre.
Le sourire de ma fille, il est dessiné dans mon coeur. Je peux pas le confondre.