"
Manitou", paru en 1975 aux Etats-Unis, est le roman qui lança la
carrière de
Graham Masterton. Pour un premier roman, c'est plutôt une réussite. Alors c'est vrai,
Masterton c'est d'abord un faiseur de série B, un honnête artisan du gore biberonné à la mythologie, adepte du surnaturel qu'on pose là plutôt que des longueurs littéraires mettant en scène les ressorts psychologiques d'un
Stephen King.
Mais là n'est pas vraiment la question, non ? La littérature de genre obéit à des codes mais s'y conformer ne veut pas nécessairement dire qu'on a du talent. Pour autant, s'y conformer ne veut pas dire non plus qu'on n'en a pas. C'est d'ailleurs peut-être plus difficile de réussir l'exercice du "passage obligé" avec talent quand moults auteurs vous ont précédé.
Mais je m'égare, et pour revenir sur "
Manitou" je peux dire haut et fort, après en avoir lu un certain nombre aujourd'hui, qu'il est mon roman préféré de l'auteur. D'abord parce que le duo de personnages principaux, Harry Erskine (sympathique voyant de pacotille qui ne croit pas aux esprits) / Singing Rock ("homme-médecine" indien du XXème siècle) fonctionne à merveille. Ensuite parce que la mythologie (amérindienne) proposée par l'auteur est judicieusement choisie, dans le sens où elle permet une dimension réflexive entre passé et présent, entre
L Histoire et l'histoire, même si cette dimension reste sommes toute minime, le but du récit étant bien sûr le divertissement. Mais ça permet quand même à l'auteur d'imaginer une menace (le maléfique sorcier indien Misqamacus) un brin plus complexe, dans ses motivations, que d'ordinaire. Et puis, enfin,
Masterton étant Ecossais, il n'est pas assujetti à une potentielle culpabilité qu'aurait pu ressentir un auteur américain à utiliser un "méchant indien", car méchant, Misqamacus l'est vraiment, et il ne se gêne pas pour le dire. Il ne se gêne pas non plus pour lui opposer un indien parfaitement intégré, aux allures de businessman.
Au final, on a affaire à un roman vraiment fun. L'auteur y met en place la recette qu'il réutilisera peu ou prou à chaque roman : gore explicitement détaillé, explication surnaturelle de la menace et références à la pop culture (et puis aussi un peu de cul, même s'il n'y en a pas ici). Il parait qu'il existe deux fins différentes à l'histoire, celle de l'édition anglaise et celle de l'édition américaine. Pour ma part c'est la version anglaise que j'ai eu et franchement elle vaut le détour ^_^