La réalité était relative. Il en était chaque jour un peu plus convaincu .Dans six jours , elle n'existerait plus pour lui-
Les poètes et les philosophes pouvaient bien raconter ce qu'ils voulaient sur ce qui faisait l'essentiel de l'homme, sur son infinie grandeur spirituelle, assurer qu'il était bien plus qu'une enveloppe charnelle. Quelles sottises !
Avaient-ils jamais essayé d'enlacer une femme avec des bras qui ne pouvaient en faire le tour ? S'étaient-ils affirmés les égaux d'un autre homme en s'adressant à la boucle de sa ceinture ?
Il n'avait pas la volonté de vivre. C'était simplement qu'il n'avait pas la volonté de mourir.
Aimer quelqu'un dont il ne restait plus rien à attendre ; c'était cela l'amour.
Victime d'une inexplicable mutation, il voit sa taille diminuer de jour en jour et son univers familier devenir hostile et menaçant. Oublié de tous au fond d'une cave où la moindre bestiole prend une envergure de monstre, il lutte pour sa survie...et pénètre dans un monde dont il ne soupçonnait pas l'existence...
(quatrième de couverture de l'édition parue à "Présence du futur" en 1999)
L'autorité paternelle, découvrait-il, reposait pour une grande part sur une simple différence de taille. Aux yeux de son enfant, un père était grand et fort ; tout-puissant.
Il éclata de rire, et son rire ne fit pas plus de bruit que la chute d'un flocon de neige sur la surface immense et sombre de la Terre.
Il ne réussirait jamais à effectuer cette ascension d'une seule traite, c'était clair.
C'est alors que lui vint une nouvelle pensée. À quoi bon tout cela ? Dans quelques jours, tout serait fini. Il aurait disparu. Alors pourquoi se donner tant de mal ? Pourquoi s'acharner ainsi à poursuivre une existence déjà condamnée ?
Il secoua la tête. Ce genre de pensée était malsain. S'y attarder risquait de l'achever. Car enfin, tout ce qu'il avait fait et continuait de faire était dépourvu de logique. Et pourtant il ne pouvait s'arrêter.
Ce n'étaient pas les pleurs, les sanglots d'un homme réduit au désespoir. C'étaient ceux d'un enfant assis dans d'humides et froides ténèbres, en proie à la souffrance et à la peur, qui se sentait vaincu, perdu dans un monde inconnu et hostile.
Le rideau d'embruns n'avait rien de menaçant, mais un obscur instinct lui commandait de l'éviter. Il contourna la cabine à toute vitesse, grimaçant sous la douleur qu'infligeaient à ses pieds nus les planches brûlantes. Engagé dans une véritable course.
Qu'il perdit. Un instant en plein soleil, voilà qu'il se retrouvait l'instant suivant aspergé par un crachin tiède et diamantin.
Et puis plus rien. Il resta un instant immobile, couvert de gouttelettes étincelantes, à regarder le nuage glisser sur l'eau. Soudain, il frissonna et baissa les yeux. Il ressentait un curieux picotement sur la peau.