Il y a des auteurs dont j'achète les livres les yeux fermés. Parce que je sais qu'en tant que lectrice, je vais y trouver un regard sur le monde, un style, un rapport aux personnages, qui m'apporteront bien plus que le plaisir instantané de la lecture. Nicolas Matthieu est de ceux-là.
Leurs Enfants après eux m'avait subjuguée par sa langue et sa vision cinématographique d'une jeunesse perdue, d'une désindustrialisation sans remède.
Rose royal par son acuité, par un choix d'orfèvre de chaque mot, par sa noirceur aussi. J'ai retrouvé ces sensations (notamment celles de
Leurs Enfants après eux) dans
Connemara, tout en gardant au fond de moi une forme de réticence, et finalement d'ennui, à certains passages, en particulier dans la première moitié. L'entrée dans le monde d'Hélène, consultante de quarante ans, est assorti de descriptions détaillées de ses collègues, de la novlangue managériale, des objectifs productivistes prônés par ce type de cabinets et leurs conséquences sur les politiques territoriales. Cet aspect du récit est nécessaire et constitutif à la fois de ce personnage, et de la démonstration qui tient à coeur à Nicolas Matthieu, mais il m'a semblé assez itératif, voire répétitif lorsque les mêmes éléments continuaient à être décrits tout au long du livre, malgré leur justesse.
De même, les (très) nombreuses scènes de sexe (déjà présentes dans
Leurs Enfants après eux), si elles m'ont semblé justes du point de vue masculin, paraissent parfois un peu gratuites, comme des pauses récréatives.
Il reste que j'ai adoré l'ambiance des trois milieux décrits (la province modeste, les consultants aux dents longues, le sport), l'évocation de la quarantaine, de la paternité et de la filiation aux aînés. Toujours autant de plaisir à lire ce que Nicolas Matthieu nous dit sur notre pays, et
Connemara n'a pas fait long feu sur ma table de chevet !