L'odyssée des Homers
On peut dire que Fin McLeod se trouve dans l'Archimède.
Voila que sur l'île de Lewis, un corps plongé dans la tourbe et ayant manifestement subi une pression, vient de refaire surface.
Compte tenu des propriétés du sol avec son pH particulier, le corps enterré là depuis une cinquantaine d'années, est proche de la momification.
La recherche ADN pratiquée relie le cadavre à un nommé Tormod Macdonald qui se trouve être par ailleurs, le père de Marsaili, l'amour d'enfance de Fin. (le monde est petit quand même !)
Mais comme Tormod est atteint de la maladie d'Alzheimer, il n'est pas en état de fournir des explications.
Aussi, bien qu'ayant démissionné de la Police, Fin va mener l'enquête Hébrides abattues.
Il faut bien reconnaitre que
Peter May se contente de décliner une formule déjà établie pour
L'île des chasseurs d'oiseaux (et ce sera la même chose pour le suivant
le Braconnier du lac perdu ).
Nous ne sommes donc pas étonnés de retrouver un Fin mcLeod, de retour sur l'île de son enfance, à la recherche de ses racines, chassant en permanence ses vieux fantômes et vivant avec le poids de ses drames familiaux.
La construction du récit est également familière. Fin fouille ses souvenirs tout en conduisant une enquête en parallèle (on notera au passage que pour une contrée où le crime est rare, les statistiques commencent à s'affoler).
Enfin, dernier élément déjà vu bien sûr : la toile de fond composée par ces rudes paysages des Hébrides extérieures.
Mais pour autant, ce récit reste accrocheur.
D'abord, même s'il n'est pas follement original, il reste bien conduit et fluide. L'intrigue est solide, les personnages sont attachants et suffisamment complexes.
Ensuite, l'évocation de ces îles reste magique et nourrit fortement notre imaginaire sans lasser (d'autant plus que l'auteur élargit le point de vue en nous faisant également découvrir Harris ou la petite île d'Eriskay).
Difficile en effet de ne pas se trouver sous le charme de ces paysages, mais aussi de n'être pas un peu effrayé par la rudesse des assauts du climat terrible qui règne sur ces terres désolées, ou le seul réconfort semble venir des feux de tourbe et du whisky (même s'il peut sembler paradoxal qu'il n'y ait pas de Gin sur Lewis) .
En outre, May a l'intelligence de greffer sur sa trame habituelle, un deuxième dialogue intérieur.
Il nous fait entrer dans la tête d'un Tormod emmuré dans sa maladie, mais qui lui aussi, revit son enfance et donne au lecteur, les clefs de l'énigme .
L'effet est assez réussi, montrant avec une économie de moyens, les ravages et les souffrances apportées par cette démence sénile à l'intéressé et à ses proches. Procédé habile, certes, mais assez émouvant.
Enfin, May évoque des éléments historiques mal connus, comme le sort ces "Homers", orphelins catholiques, déportés sur ces îles protestantes pour servir de main-d'oeuvre (et incidemment, une fois grandis et "gaelisés", facteur de réduction des risques de consanguinité), dépossédés de leurs origines et de leurs identités (comme les orphelins réunionnais transférés dans la Creuse dans les années 60).
May rappelle également comment de nombreux paysans ont été chassés de la terre qu'ils exploitaient, par des propriétaires fonciers soucieux de les remplacer par des élevages de moutons plus rémunérateurs.
Tout ceci explique qu'en dépit d'un indéniable sentiment de redite, je me sois lancé dès ce livre refermé, dans la lecture du dernier volet : "
Le braconnier du lac perdu".
A suivre, donc.