"Quatre filles sont assises sur les marches devant le Lavomat, par une chaleur exceptionnelle pour un mois de mai. Elles partagent à trois le même sèche-linge, dans lequel chacune vient d'introduire une pièce de dix cents.", ainsi débute "
Baby Love", roman s'attachant à suivre le quotidien de quatre jeunes filles dans les années 70 dans une ville paumée des Etats-Unis.
Il y a Sandy, dix-huit ans et la seule à être mariée, Tara, Wanda et Jill, seize ans et dont les deux premières sont déjà mères tandis que la dernière est enceinte.
Ces quatre jeunes femmes sont complètement paumées, elles se sont retrouvées mère trop jeunes, sans même parfois comprendre ce qui leur arrivait, à l'image de Tara qui se retrouve enceinte après avoir couché une seule et unique fois avec son petit ami de l'époque; elles sont désoeuvrées et passent une partie de leur journée à parler, assises sur les marches du Lavomat, tout en dorlotant et bichonnant leurs enfants : "C'est bien mieux d'avoir un vrai bébé qu'on peut cajoler, laver et pomponner, au lieu d'en rêver seulement. En janvier dernier, c'était un peu comme un paquet-cadeau qu'on promène partout sans y toucher, en se demandant ce qu'il y a à l'intérieur. On peut imaginer qu'il contient une bague en diamants, ou les clés d'une mobylette, ou encore autre chose. Mais une fois ouvert, on est toujours déçu même s'il s'agit de l'objet tant désiré. Maintenant qu'il est là, on n'attend plus rien.".
Ces jeunes femmes m'ont fait l'effet d'être de petites filles jouant à la poupée avec des bébés bien vivants.
Elles s'ennuient, elles attendent quelque chose : "Elle pense que ça ne peut pas continuer indéfiniment comme ça, qu'il va se passer quelque chose. Savoir quoi n'est même pas important.", mais quoi ?
Du lot, j'ai trouvé que le personnage de Tara se distinguait, difficile de ne pas résister au parcours de cette jeune femme qui pourtant ne s'apitoie pas sur son sort, aime sincèrement son enfant et est décidée à prendre sa vie en main et à bouger de cet endroit dans lequel elle menace de sombrer dans un profond sommeil telle la Belle au bois dormant : "Elle ne peut pas rester ici. Et ça ne veut pas dire aller s'asseoir devant le Lavomat du coin. Elle veut partir, quitter cette ville et ne jamais y revenir.".
De toutes, c'est presque la plus mûre et celle qui a le plus de chance de s'en sortir, bien qu'elle soit encore jeune dans sa tête et dans ses choix, à égalité sans doute avec Sandy.
A côté de ces filles-mères, j'ai été touchée par le personnage d'Ann, cette femme qui vit seule et se remet d'une rupture douloureuse, ce qui ne va pas l'empêcher de commettre une erreur en répondant à une petite annonce.
Ce personnage se distingue des autres femmes du récit car elle ne cherche pas à avoir des enfants, son seul but dans la vie c'est de reconquérir l'homme qu'elle aime.
Il pourrait presque faire tâche au milieu de tous ces personnages féminins, jeunes ou moins jeunes, en quête de maternité à n'importe quel prix, d'un côté j'ai trouvé ce personnage rassurant, d'un autre il a, comme les autres, ses failles.
La vie décrite dans ce livre est loin d'être trépidante, elle est d'une banalité à pleurer et il se dégage une réelle atmosphère de l'ensemble, je n'ai eu aucun mal à imaginer la petite bourgade paumée des Etats-Unis, avec son garage, sa station d'essence, son Lavomat et son café.
La plume de
Joyce Maynard est très visuelle et parlante, c'est d'ailleurs l'un des points forts de ce récit : elle réussit à écrire des banalités dans un style qui enchante le lecteur et le pousse à tourner les pages de plus en plus vite pour en apprendre de plus en plus sur le destin de ces jeunes femmes, jusqu'à la chute quelque peu inattendue.
Une belle maîtrise pour ce qui est le premier roman de cette auteur publié en 1981.
C'est en quelque sorte le roman d'une génération désenchantée que dresse
Joyce Maynard à travers "
Baby Love", un premier roman bien maîtrisé et ancré dans le quotidien et la réalité de l'Amérique profonde.
Ce livre m'a beaucoup plu et m'a donné envie de découvrir les autres romans de cette auteur.
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