Betty (2020) a reçu le Prix du roman FNAC de la même année; le livre a connu une publication simultanée entre la France et les EEUU; ce livre de 700 pages est une biographie romancée de la mère de l'auteure,
Betty Carpenter, avec un récit ancré entre les années 1961-1973 dans une bourgade fictive du sud de l'Ohio appelée ici Breathed. Ce roman,
Tiffany McDaniel l'avait déjà écrit vers ses 17-18 ans, mais il avait été refusé par les éditeurs qui le considéraient trop personnel, trop cru, trop féminin.
Le livre se lit très bien, c'est une vraie saga dotée d'un souffle dévastateur, un conte avec l'histoire tragique d'une famille nord-américaine mixte (le récit est en partie fictionnel)), entre les racines cherokees du père, Landon Carpenter, et une mère blanche, Arka Clark. le couple eut 6 enfants dont
Betty est la quatrième, la préférée du père, sa « petite indienne ». En 1961
Betty a 7 ans.
Betty s'est toujours sentie à part, différente par rapport aux autres enfants, elle a vécu sans amies, en marginale car se sentant rejetée par les autres en raison de la teinte de sa peau, mais aussi par l'effet produit par sa famille quelque peu excentrique au vu de la communauté.
Car les Carpenters sont singuliers. Ils ont vécu des drames internes, plusieurs enfants sont morts dans cette famille, parfois de façon tragique. Les parents sont spéciaux. Landon Carpenter est très attaché aux legs ancestraux de sa tribu, les Cherokees chassés de l'Oklahoma, christianisés et intégrés de force; c'est un homme bon, sans métier mais subvenant à la famille par ses dons manuels; il a un grand sens de l'honneur. Il vit dans et avec la nature, qu'il respecte, qu'il connait : il sait parler aux éléments, aux nuages, aux arbres, aux animaux. Il est si heureux de constater que
Betty s'intéresse à tout ceci, qu'elle retient, qu'elle veut apprendre. Il va raconter à
Betty que ses parents ont déclaré être des hollandais bruns afin d'échapper à l'inclusion de force dans une réserve indienne.
La mère, Arka, est franchement perturbée. Elle a été abusée sexuellement jusqu'à son départ du domicile parental. Arka est une mère chaotique, névrosée, visiblement très perturbée. Elle se désintéresse des enfants en général et de
Betty en particulier.
Betty qui va grandir aidée par ses soeurs ainées , ses frères, mais surtout par ce père tellement solaire pour elle. L'église pour cette famille, c'est la Nature et ceci grâce au père.
La fratrie à l'origine était composée de 4 garçons et 4 filles dont
Betty qui est l'avant dernier enfant, la plus jeune des filles. Elle vit des choses très anormales au sein de sa famille et pour évacuer tous ces non-dits, ces traumas à répétition, pour échapper à cette histoire familiale malsaine, elle va écrire sur des feuilles et les enterrer au pied d'un arbre: c'est toute sa résilience face aux problèmes qu'elle ne comprend pas en profondeur. Toute la fratrie de
Betty est particulière : l'ainé, Leland qui a un comportement aberrant, Fraya qui souffre en silence depuis des années, Flossie qui rêve de devenir une star, Trustin doué pour la peinture qui aura une fin dramatique, et Lint le petit dernier, un enfant autiste.
C'est un livre qui arrive en pleine mouvance du MeToo, et l'auteure a dit que ce mouvement a probablement permis l'éclosion d'un roman comme
Betty, un livre dans la lignée d'une dénonciation de faits graves, aberrants et qui, dans une prose souvent lyrique, va nous raconter des atrocités; et ce livre va nous servir un portrait générationnel aux relents de racisme, de pauvreté et d'abus sexuels au sein d'une famille.
La violence dans ce roman est contre-balancée par la figure de ce père solaire qui sait communiquer avec le cosmos, mais qui vit enfermé dans une bulle et ne voit pas les souffrances de sa femme (souffrances de niveau psychiatrique), ni celles de sa fille ainée. L'intense communion entre ce père et
Betty ne permet pas au père de « sentir » le mal-être de
Betty, cette petite fille qui va écrire sur ces horreurs mais qui gardera le silence devant ce qu'elle a vu. L'axe du livre est le rapport fort de
Betty avec son père.
Une lecture difficile mais nécessaire, une lecture dérangeante.
Je pense que ce livre ne deviendra pas un futur « classique » comme cela a été prôné, à cause du sujet traité ; et ce qui m'a interpellé dans cette histoire, c'est l'attitude du père qui est si connecté à la Nature et si aveugle sur les siens.
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