J'ai enchaîné immédiatement avec le tome 2 de cette magnifique saga familiale teintée discrètement de fantastique, mon seul regret est de devoir attendre le mois de juin pour connaître la fin de l'histoire, dommage que l'éditeur ait choisi de respecter la forme originale du feuilleton pour la parution, car j'aurais bien dévoré le tout dans un gros volume.
Elinor et Oscar vivent enfin dans leur belle maison, mais les relations avec Mary-Love et Sister sont presque inexistantes, car la jeune mère a dû leur laisser Miriam sa fille ainée, qu'elle fait mine d'ignorer. Elle a une deuxième fille, Frances sur laquelle elle veille jalousement. Oscar se fait exploiter par sa mère et son oncle, assurant presque à lui seul l'exploitation de la scierie familiale pour un tout petit salaire, Elinor est bien décidée à voir la situation changer et adopte un plan à long terme pour leur assurer enfin la richesse. Deux grands évènements marquent ce tome : d'une part la construction de la digue et d'autre part l'arrivée de Queenie, la soeur de Geneviève avec ses deux enfants
après le départ de son mari. James se sent obligé de l'aider mais comme elle est plutôt rustre et les enfants insupportables, il refuse de les accueillir dans sa maison et leur en achète une autre. La guerre entre Elinor et sa belle-mère continue de manière larvée, mais vigoureuse. Sister aussi se mariera contre toute attente et contre la volonté de sa mère. La construction de la digue assure la prospérité de la ville, Elinor l'accepte finalement, mais on sent bien qu'elle recule pour mieux sauter.
La couverture fait allusion à une scène digne du vaudou qui se déroule dans la cuisine de Mary-Love à son insu, mais qui portera ses fruits, dont on se doute bien qu'ils ne seront pas sains. Deux autres scènes rappellent discrètement les doutes sur l'origine d'Elinor, dont une particulièrement violente. Frances semble avoir hérité de la nature de sa mère, elle est troublée par son attirance pour la rivière et sent qu'une présence étrangère rôde dans la maison, en particulier dans le placard de la chambre d'amis. Queenie n'est pas en reste commanditant pratiquement le meurtre de son mari.
Après la lecture de deux des six tomes, j'ai l'impression que sous cette saga familiale tranquille se cache un dénouement à la
Stephen King, sans doute est-ce pour cela qu'on l'a comparée à
La ligne verte. L'intrigue avance lentement, on
a presque l'impression d'être dans une petite ville ordinaire des USA durant les années 1920. L'extraordinaire arrive rarement, le fantastique est disséminé en touches discrètes, mais j'ai le sentiment qu'on assiste à la mise en place de rebondissements qui nous prendront au dépourvu le moment venu.
Elinor est toujours aussi intrigante, elle a accepté de laisser Miriam à sa belle-mère et n'essaie pas de la récupérer, ni même de créer un lien. Elle n'hésite pas à utiliser les autres pour ses projets, même si elle le fait de manière bien plus subtile que Mary-Love. Oscar est toujours aussi mou, en dehors de son travail, simplement il a changé d'emprise. Elinor n'a pas que des mauvais côtés, elle n'est pas raciste, veille à l'instruction de Zaddie et n'hésite pas à se montrer généreuse malgré le peu d'argent dont elle dispose envers les familles noires très pauvres regroupées dans un quartier périphérique de la ville. Elle met en place les éléments pour assouvir sa vengeance dans un avenir plus ou moins lointain. Les intrigues au sein du clan Caskey forment la trame de ce tome. Si on ne doute pas qu'Elinor ne soit pas vraiment une femme, l'auteur veut aussi montrer que malgré les apparences, sa belle-mère est aussi un monstre. Non pas au sens fantastique comme la jeune femme, mais en vertu de sa méchanceté crasse, de son désir maladif d'écraser les autres. Elle n'hésite même pas à s'en prendre à des enfants comme Grace, Zaddie ou la petite Miriam, donc il y a monstre et monstre, ce qui ne dédouane pas Elinor, aussi capable du pire, même si c'est dans un autre registre. Les hommes sont soumis et inexistants en dehors de leur travail, même Sister, présentée comme complètement écrasée par sa mère trouvera un mari.
Quant à la digue, on se doute qu'elle sera à l'origine d'une future catastrophe, on ne voit pas comment un tas de terre et d'argile pourrait contenir la fureur des eaux. Oscar connaît très bien la forêt et préfère choisir une activité moins rentable et plus durable, il sélectionne bien les arbres à couper et en replante de nouveaux. Il a déjà compris les ravages de la déforestation et comprend qu'il faut innover pour durer, là aussi il en récoltera les fruits plus tard. Sa vision de l'avenir lui permettra de prendre le dessus sur ses concurrents le moments venu et on ne doute pas que l'économie de la ville sera bouleversée par ces changements, d'ailleurs ce volume s'achève cinq ans avant la grande Dépression.
J'ai eu un immense plaisir à lire ce tome, dévoré en une longue soirée et j'attends avec impatience de découvrir la suite. Cette saga est excellente et je la recommande chaleureusement, je crois que ça sera un coup de coeur à chaque épisode.
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