Elinor "Venus sortie des eaux" Dammert a réussi à se couler dans la famille Caskey. Notre créature aquatique s'est transformée en femme au foyer et même si la rivière qui l'a vu naitre semble avoir des vertus thérapeutiques dans certaines circonstances, elle reste également mortelle. La construction d'une digue n'y a rien changé.
Nous sommes en 1929, dix ans après la crue qui a vu Elinor sortir des eaux : les Caskeys règnent toujours sur Perdido dans l'Alabama. Les deux filles d'Oscar et d'Elinor grandissent séparées, comme deux inconnues. Miriam, toujours aussi arrogante, est élevée par sa grand-mère Mary-Love qui règne sur la famille avec une impérieuse passivité. Frances, petite fille timide et craintive, vit de son côté chez ses parents. James élève seul sa charmante fille Grace et Queenie Strickland, sa belle-soeur, élève tant bien que mal ses trois enfants craignant le retour en ville de Carl, son mari toujours aussi violent. Ils remarquent à peine la Grande Dépression qui, tout en les frappant, semble bien lointaine, contrairement à la rivière qui, elle, reste la véritable reine de cette jungle du Sud.
J'ai trouvé dans cette troisième partie que l'histoire s'approfondissait, s'élargissait, mais sans mollir. Bien au contraire, le niveau de la tension monte tranquillement et régulièrement jusqu'au dénouement final qui indique clairement une fin de cycle dans la saga. La lutte pour la domination entre Mary Love Caskey, le monstre figuratif matriarcal, et sa belle-fille Elinor, le monstre au sens propre, atteint son apogée. Les joutes verbales et les tripotages entre les deux femmes alimentent une tension émotionnelle alors qu'Elinor commence subtilement son ascension vers le trône des Caskey afin de contrôler la fortune familiale.
Lorsque Mary-Love tombe mystérieusement malade après avoir bu un nectar de mûres, qui s'occupe d'elle ? C'est Elinor qui l'installe dans la chambre d'ami, la pièce qui a tant effrayé Frances à la fin de la deuxième partie, un placard d'où émane une lumière surnaturelle… et peut-être autre chose. D'autres phénomènes étranges font surface, parfois littéralement lorsque Frances et Grace font une promenade en bateau jusqu'à la source de la Perdido, un lieu qui semble « être isolé de la civilisation, à l'écart du temps et de l'espace ». L'apogée de l'horreur est atteinte avec l'anéantissement d'un personnage, une mort impitoyable au-delà de toute endurance humaine, l'une des pires que j'ai jamais lues dans un roman.
Heureusement, tout n'est pas misérable. le style de
Michael McDowell est sûr et homogène, sa prose toujours aussi hypnotique, ondoyant avec fluidité entre description, évocation et action, combinée à des personnages profonds et épicée d'une touche régulière d'horreur.
McDowell tire pleinement parti du drame familial qui s'envenime et du cadre inquiétant de l'histoire. Les fils des intrigues précédentes se dénouent, les tensions n'ont jamais été aussi fortes bien que les éléments terrifiants soient secondaires et la chair de poule épisodique. Ce livre marque l'aboutissement des trois premiers tomes de la saga avec un passage de flambeau, la fin d'une génération et la montée d'une autre. Je ne peux qu'espérer que le reste de la série Blackwater soit aussi horriblement satisfaisant.