AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,86

sur 52 notes
5
7 avis
4
5 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis
Il y a dans l'oeuvre de Dave McKean une approche de la surface et du trait digne d'un archéologue. Les strates de la couleurs, des matières se chevauchent tel des palimpsestes, plusieurs styles de graphisme semblent se superposer sur la même image, plusieurs histoires aussi.
L'aquarelle s'étale sur le papier, semble sauvage, livrée à elle-même, la tâche devient personnage, animal, les formes surgissent de l'encre ou du brouillard, entre la précision la plus poussée, chaque plume de l'oiseau émerge de l'encre, et l'abstraction la plus libre, simple expression des émotions.

Pour le scénario, c'est un peu la même chose, du coup ça reste évasif, mais d'une belle force poétique et gothique.
Arthur l'écrivain vit douloureusement son veuvage, Ed, son ami, l'emmène à leur club ésotérique. Qui est alors ce fauconnier, un personnage issu de son imagination, le personnage de ses écrits ? C'est un peu flou, Dave McKean aime perdre son lecteur et le laisser se débrouiller avec sa propre interprétation, laissant nos propres fantasmes s'accaparer l'histoire.

Le thème de l'inspiration, ou simplement une écriture surréaliste ? Une première lecture ne vous dira peut-être pas grand-chose, alors il faut le relire, tel un vieux grimoire énigmatique, le déchiffrer doucement, et le lecteur se fait archéologue.

On a le droit de dire j'ai rien compris mais j'ai beaucoup aimé ? C'est un peu comme de la danse contemporaine, il faut accepter de se laisser emporter par le mouvement, ici, c'est l'encre qui coule sur le papier qu'il faut suivre.
Commenter  J’apprécie          263
Voir n'est pas croire.
-
Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première parution date de 2021, sans prépublication. Elle a été réalisée par Dave McKean pour le scénario et les illustrations, le lettrage, tout.

Si vous avez marché seul dans les bois, ou sur un chemin des douaniers, ou dans un sentier en bordure de la mer et de la terre, ou si vous avez écouté avec attention le souffle du monde, ce livre est pour vous. Je suis revenu à moi, voilà une expression qui interroge. Un rapace plane haut dans le ciel, le long d'une falaise, au-dessus de l'océan. Il effectue un piqué sur un petit oiseau, le lacère de ses griffes et coupe sa moelle épinière d'un coup de bec. le narrateur éprouve l'impression de pouvoir sentir le sang, métallique, chaud, avec une petite montée d'acide dans sa gorge, à la fois de la faim et de la répulsion. Puis il sent qu'il revient à lui. Et il descend. Un homme emmitouflé, avec un capuchon et un masque sur le visage, une écharpe masquant le bas de son visage : Sokól. Il descend un escalier taillé à même la roche de la falaise, vers la grève. Il voit les veines de roches dans le flanc, trois bondrées apivores dans volant haut dans le ciel. Il atteint la plage, et se fait la remarque que c'est un lieu de transition, parfaitement adapté à son rendez-vous. Il avance entre les poteaux de bois rongés par la marée, étendant son bras gauche en avant : le rapace vient se poser sur son gant de fauconnier. Il regarde ses deux yeux totalement blancs, puis le rapace va se percher sur le sommet d'un des poteaux. Sokól continue d'avancer se rendant au poteau suivant, comme un mot sans contexte sur une page vierge. Il y a un bruit non identifiable.

Sokól attend car il est sûr d'avoir correctement interprété les signes. Mais il n'y a rien, juste des mots, comme de petites floraisons bactériennes sur un papier de Petri. Il n'y a rien de tangible, alors que dans le brouillard devant lui la silhouette d'un monstre d'une vingtaine de mètres de haut semble se dessiner. le reste de l'après-midi se déroule dans le calme. le rapace s'envole de son perchoir et se dirige vers la silhouette fantomatique du monstre. Il effectue un passage devant lui et le griffe, faisant gicler un peu de sang. le silence continue de régner. Des hommes approchent de Sokól sur la plage. le monstre s'agit en tous sens, alors que les serres du rapace lacèrent à nouveau sa carapace. Il semble cracher une pièce au loin. Puis s'effondrer. Sokól se baisse et ramasse la médaille, usée par le temps. le rapace vient se poser sur le gant de fauconnier. Les hommes se sont rapprochés de Sokól : celui en tête lui demande s'il veut bien être leur maire. Sokól lui jette la médaille en la qualifiant de pourboire. Dans un village du pays de Galle, dans le cimetière à l'arrière de l'église, une cérémonie d'enterrement prend fin, à laquelle assiste une douzaine de personnes. Arthur est assis à sa table de travail en train d'écrire un roman. Il relève la tête et regarde le portrait de son épouse défunte. Ed, son ami, entre dans la maison.

C'est un événement : Dave McKean a réalisé une nouvelle bande dessinée, la précédente étant Black Dog: The Dreams of Paul Nash (2016). Ce créateur a durablement marqué le monde des comics de la bande dessinée, avec Arkham Asylum (scénario de Grant Morrison), puis ses collaborations avec Neil Gaiman, et sa bande dessinée Cages (1998) sur l'acte de création artistique. le lecteur sait qu'il va plonger dans un monde à nul autre pareil sur le plan graphique, et certainement dans une histoire racontée de manière très personnelle. Il commence par s'immerger dans ce monde mangé par le brouillard, aux côtés de ce personnage tellement emmitouflé qu'il est impossible de voir une zone de peau. Il regarde le rapace voler, le monstre à la consistance douteuse, à la forme indiscernable dans le brouillard, cette plage sans autre élément visible que les poteaux de bois rongés par la mer et l'air. Il lit les dessins qui racontent l'histoire. Il se demande si le flux de pensée qui les accompagne est bien celui du personnage représenté, ou celui d'un autre qui sera montré plus tard. Il s'imprègne du vocabulaire recherché qui est utilisé pour décrire les lieux. Il ressent que les dessins oscillent entre descriptif et impressionniste. Il ne perçoit pas d'intrigue à proprement parler, mais l'expérience esthétique est agréable et divertissante.

Rapidement, le lecteur comprend qu'il suit deux fils narratifs distincts. Celui de Sokól à une époque médiévale dans une région côtière d'un pays qui peut être la grande Bretagne, mais ça n'est pas précisé. Celui d'Arthur, récemment veuf, écrivain, vivant dans une petite ville du pays de Galle, et recevant régulièrement son ami Ed. Ces deux fils narratifs sont racontés de manière linéaire et traditionnelle. Ils se côtoient, et s'intriquent de temps à autre, à un degré plus ou moins élevé. Ça va d'une sensation similaire dans l'un et l'autre, à une forme de rencontre des deux personnages principaux. D'un côté, Sokól est un voyageur qui séjourne plus longtemps que d'habitude dans un village et ses abords. de l'autre côté, Arthur essaye de se remettre à écrire, espérant ainsi faciliter son travail de deuil pour son épouse. le lecteur suit Sokól se baladant dans les bois au gré son inspiration, jusqu'à l'incendie d'une ville. Il voit Arthur essayer d'écrire, papoter avec son ami Ed jusqu'à une surprenante séance de spiritisme, impliquant une douzaine de personnes. L'histoire est donc celle de ces deux hommes, le premier semblant prendre la vie comme elle vient et vendant ses services guère précisés, à des villageois, le second subissant son deuil, affecté d'un vague à l'âme. Il règne une forte composante introspective, sans qu'elle ne devienne psychanalytique, plutôt nourrie par des états d'esprit.

S'il ne connaît pas déjà d'autres oeuvres de cet artiste, un simple coup d'oeil à la couverture indique au lecteur qu'il possède une forte personnalité graphique. La première page s'apparente à une image à l'aquarelle (la paroi de la falaise), illustrant un texte qui est une citation du premier chant des Enfers de la Divine Comédie de Dante Alighieri (1265-1321). Les deux pages suivantes ressemblent également à de l'aquarelle, avec des cases à fond jaune Flave, sans bordure, avec une représentation impressionniste beaucoup plus évocatrice que descriptive, et deux cases pouvant relever de l'abstraction car incompréhensibles sur le plan figuratif et narratif si on les détache des cases adjacentes. Au fil des pages, le lecteur relève plusieurs particularités graphiques qui transcrivent la personnalité de l'artiste, et qui confèrent un caractère totalement unique à cette bande dessinée. Régulièrement, mais pas systématiquement, McKean gauchit ses perspectives pour leur donner un caractère étrange, mais aussi pour indiquer l'état d'esprit du personnage qui contemple ou qui habite cet environnement. Il joue également sur les proportions des visages, les allongeant, les penchant, exagérant la dimension d'un front, ou des joues, ou des yeux. Ces écarts avec les proportions anatomiques rendent les visages plus expressifs, mais aussi plus vivants, comme si l'artiste avait saisi un soupçon de la trace d'un mouvement de tête, de bouche ou des yeux. le lecteur se rend compte que le mode de dessin ou de peinture varie en fonction des séquences : formes détourées avec un trait de contour encré, aquarelle diaphane, peintre à l'huile ou à la gouache pour des séquences oniriques muettes, motif complexe intégré en arrière-plan. le lecteur ne retrouve pas de manière flagrante des photomontages comme pour les couvertures de Sandman, mais l'artiste a expliqué qu'il avait dessiné chaque planche de manière traditionnelle ou en tout cas sur un support physique, avant de les traiter l'infographie, soit simplement pour les nettoyer et les rendre propres à l'impression, soit en les complétant, modifiant, triturant avec des effets spéciaux.

Il ne s'agit pas pour l'artiste d'étaler sa maîtrise de telle ou telle technique picturale, mais d'exprimer ce qu'il souhaite avec les outils appropriés. le lecteur peut d'ailleurs n'y prêter aucune attention car il est plus absorbé par ce que racontent les pages, que par la manière dont elles ont été réalisées, cet aspect n'étant pas démonstratif. En fonction de sa sensibilité, certaines images ou certains propos attirent plus fortement son attention, ou génèrent une émotion ou un écho plus parlant. Il peut ressentir plus d'empathie pour la mélancolie d'Arthur que pour les pensées teintées d'ésotérisme de Sokól. Il peut se sentir emporté par le vol du rapace, ou plutôt par l'utilisation d'un registre de vocabulaire sortant de l'ordinaire (bondrée apivore, bécasse, huard, mouette tridactyle, bécasse arctique, le papillon sphinx, bractée, crécelle, tégument…). Ainsi, l'auteur emmène le lecteur sur cette grève, dans les bois pour une balade avec une personne en parlant avec le vocabulaire spécifique approprié. de la même manière qu'il ferait connaissance avec une personne, cherchant les points en commun, les thèmes familiers pour établir un premier contact, les prémices d'une nouvelle relation, il se sent plus intéressé par telle ou telle remarque ou tel thème : la responsabilité du pouvoir, la relation entre le réel et l'imaginaire, la révélation que peut amener l'usage des cartes du tarot, les métaphores (le miroir est la porte, le livre est la clé), Sokól qui se sent piégé entre deux états (celui du chasseur, et celui de la proie). Il perçoit également l'amour de la nature qui se dégage de plusieurs passages, l'écart en vie civilisée et vie sauvage, les interactions à double sens entre rêveur et rêve, la vie de l'esprit qui donne un sens personnel aux événements. Il peut aussi être rétif à certains passages, par exemple la cérémonie ritualisée d'une séance de tarot divinatoire.

Dans le même temps, il se dit que l'auteur l'invite à plusieurs reprises à prendre chaque passage comme une image, comme une interprétation de la réalité, une représentation sciemment biaisée pour en faire ressortir une facette sous un éclairage choisi et orienté. Il perçoit plus ou moins consciemment que le thème de l'entre-deux, de la transition est présent dans chaque séquence, la mise en scène d'un déséquilibre entre deux états opposés, réalité ou fantaisie, humain ou oiseau, artiste ou public, réalité matérielle et vie spirituelle, etc. Avec ce point de vue en tête, il se surprend à sourire quand un personnage dit que Voir n'est pas croire, comme si l'auteur encourageait le lecteur à ne pas croire les images qu'il voit. À un autre moment, Arthur affirme que ce n'est pas lui qui a écrit les phrases qui se trouvent dans le livre qu'il écrit, à nouveau proposant au lecteur de prendre du recul et de ne pas attribuer littéralement chaque image ou chaque phrase à l'auteur. Il apprécie la manière dont l'auteur imagine en toute liberté et en toute sensibilité. Il comprend mieux pourquoi Arthur a choisi le mot d'Apophonie pour le titre de son livre : l'accent que le lecteur met sur une phrase ou une image en change significativement le sens. Il y a autant d'interprétations de l'oeuvre que de lecteurs : la bande dessinée est différente à chaque fois qu'elle est lue.

Dès la couverture, le lecteur sait qu'il va plonger dans une bande dessinée singulière. Il en a immédiatement la confirmation par la personnalité diverse de la narration visuelle, et par l'intrigue dont la nature ne se discerne que très progressivement. Il se laisse bien volontiers emmener dans ces déambulations sortant de l'ordinaire, une expérience esthétique, émotionnelle et spirituelle, un flottement entre deux réalités, entre deux états, une liberté imaginative incomparable qui lui donne la sensation de se détacher d'un monde convenu et prévisible pour dériver dans un monde imaginaire qui lui permet de considérer autrement son existence, d'y retrouver du merveilleux. Chef d'oeuvre.
Commenter  J’apprécie          232
Un individu masqué et accompagné d'un faucon parcourt un territoire de bord de mer. le faucon attaque une proie, un monstre qui recrache une pièce, une insigne. L'homme faucon remet l'insigne à un homme issu d'un groupe venu à sa rencontre. Cette insigne permet d'avoir du pouvoir. Celui qui la détient peut être maire. L'homme faucon la refuse.

Dans un autre univers, Arthur un auteur, se tient devant un livre tristement. Il vient de perdre sa femme. Ed un ami, lui propose de rejoindre un groupe lors d'une réunion secrète où il pourra se mettre en connexion avec son passé.

On navigue entre ces deux univers, ces deux personnages, Arthur et l'homme faucon qui remplit sa mission de chasse à monstres. Mais leur désirs, leurs pensées pourraient être plus liées que l'on ne le croit.

Entre un homme qui cherche à être soi, à s'incarner depuis longtemps et un homme qui voudrait revoir sa femme, comment le fantastique, le mystique peut-il intervenir ? L'un et l'autre vont cheminer et se croiser pour réaliser leur destin. le message est dans le livre d'Arthur, le miroir en est la clé.

Superbe fresque mystique, proche de l'oeuvre de Dante, incorporant des rites de type sociétés secrètes, Raptor est une quête de deux êtres perdus qui se trouvent, s'entraident pour dépasser un état de malaise.

Superbement illustré dans des tons sepia, voire bleutés dans certaines scènes particulières, ou des tons flous beige/marron quand le faucon est à l'oeuvre.

Cette histoire est fascinante, presque envoûtante.

























Commenter  J’apprécie          70
Parfois, un livre te fait peur. Tu ne t'autorises pas à le lire, … tu l'ouvres, tu trouves ça beau, incontestablement, mais tu penses que c'est pour d'autres, pas pour toi.

Raptor est de ces livres-là. Et la conclusion, c'est qu'il faut oser !

La claque graphique est évidente, à chaque page, elle est partout. Dave McKean nous offre une variété impressionnante - peinture, collage, dessin - des ambiances envoûtantes, des impressions, rien n'est évident, tout est là mais chacun y composera son oeuvre.

Le récit permet également au lecteur de chercher sa place… j'ai parfois cru tout comprendre puis le fil m'a échappé… j'ai navigué entre 2 mondes, un monde sensible et un autre imaginaire… j'ai réussi à me laisser porter, manipuler, j'ai juste tourné les pages.

Tu l'as vu venir, je ne te dirai rien de plus sur le sens car chaque lecteur saura y trouver le sien. Sache juste qu'il y est question de création, de démons intérieurs, de littérature, de politique aussi et d'amour évidemment. Et de frontière, entre un monde et l'autre….

Je vais tâcher de retenir la leçon : il ne faut jamais avoir peur d'un livre. Il ne faut jamais se priver d'une expérience de lecture comme celle-ci… Merci Thomas @librairiebd16 et @francinevanhee
Commenter  J’apprécie          62
Grandiose, fascinant, captivant … fantastique, dans tous les sens du terme. Rien que la couverture, mystérieuse et envoûtante, du graphic novel Sokól de Dave McKean paru aux Éditions Futuropolis, est une invitation à franchir la frontière entre réalité et fiction et pénétrer dans un monde où plutôt errer dans les limbes de deux mondes parallèles non seulement par le magnétisme des images mais également par la magie des mots.


Il rêvait d'autres mondes
Sokól est le type même de récit ou plutôt de récits pour lesquels il convient de ne donner que les grandes lignes sans trop en dévoiler et pour cela, je me contenterai de citer l'éditeur.
« Sokól erre dans un paysage féodal et fantastique, chassant les monstres pour le compte de ceux qui peuvent s'offrir ses services, tandis qu'Arthur, un auteur de contes fantastiques, qui pleure la mort de sa jeune épouse dans le Pays de Galles du XIXe siècle, s'en remet au surnaturel dans le vain espoir de la revoir. Tous deux vivent dans le crépuscule entre la vérité et le mensonge, la vie et la mort, la réalité et l'imaginaire. Raptor nous donne à voir tour à tour deux mondes et deux âmes en proie au conflit. »
Et si la lecture de Raptor, nous donnait accès à un autre monde, le mien, le vôtre en nous ouvrant les portes de notre propre conscience ? Outre cette incursion en terres inconnues, ce qui importe, c'est le sens que chacun d'entre nous donnera à ces planches empreintes de poésie, de fantastique, d'ésotérisme.


Quand les mots se font oiseaux et « descendent, tombent à pic au bas de la page ».
Dès la première planche, le ton est donné. En contrepoint de la virtuosité graphique, viennent s'ajouter la qualité littéraire, la puissance des mots, la poésie et la musicalité du texte composé par l'auteur, grand amateur de jazz. L'amour de la nature y est admirablement retranscrit par l'utilisation d'un vocabulaire recherché dans la description des lieux traversés et on se laisse bercer par la sonorité de ces mots tout comme de ceux prononcés en énochien, la langue occulte utilisée lors d'une séance de spiritisme.
Bravo à la traductrice Sidonie van den Dries qui a accompli un travail remarquable en conservant le rythme et la beauté de la langue.


« Le texte est la clé, le miroir, la porte »
« Je voulais faire quelque chose qui s'inspire de la nature contemporaine et de la littérature de voyage que j'ai lue, quelque chose qui exprimerait mon amour du monde naturel et quelque chose qui vivrait dans ce royaume entre la réalité et l'imagination. Mon personnage est pris au piège entre ces deux mondes, l'état de l'humain et de l'oiseau, ou la réalité et le fantasme, de la vie civilisée et de l'instinct animal brut. »
Tout est dit ou presque. Certes, entre ces deux mondes, espace et temps s'entremêlent et la frontière n'est pas hermétique… Mais Raptor, c'est aussi une réflexion sur la vie et la mort, le processus créatif, la puissance de l'écriture, le pouvoir politique ...


Un artiste à part entière
David McKean né en 1963, est un artiste britannique protéiforme à la fois illustrateur, photographe, graphiste, dessinateur de comics, réalisateur et musicien. Alors oui, c'est un géant de la bande dessinée anglo-saxonne à qui l'on doit notamment le magistral « Arkham Asylum » sur un scénario de Grant Morisson, plusieurs ouvrages avec Neil Gaiman au scénario ainsi qu'en tant qu'auteur « amphivalent » (selon la définition de la scénariste Loo Hui Phang qui réfute le terme d'auteur complet) de « Cages », un pavé de 500 pages, Alph-Art du meilleur album étranger à Angoulême en 1999 et enfin « Black Dog: The Dreams of Paul Nash » en 2016, une oeuvre de commande dans laquelle l'artiste a exploité toutes les facettes de son talent afin de dénoncer les horreurs de la Grande Guerre à travers le regard Paul Nash, artiste officiel durant les deux guerres. Mais Dave McKean est bien plus qu'un bédéiste : c'est avant tout un créateur en réflexion et création perpétuelles qui va puiser ses sources d'inspiration aussi bien dans l'art contemporain que la littérature.
Grand amateur de la littérature fantastique du XIXe siècle, nul doute que le personnage d'Arthur a été fortement inspiré par Arthur Llewelyn Jones, dit Arthur Machen, écrivain fantastique gallois qui après la mort de sa femme rejoignit une société secrète de mouvance occultiste.
Son travail pictural, ses compositions graphiques associant dessin, peinture, collage … réalisées sur feuilles avant d'être scannées et nettoyées (ou pas) par infographie sont d'une beauté à couper le souffle et on est ébloui de la première planche à la dernière.


Maintenant, vous savez ce qu'il vous reste à faire : précipitez-vous chez votre libraire, prenez l'album, ouvrez le et plongez dans ce superbe one shot certes étrange et complexe mais plus que tout envoûtant.
Commenter  J’apprécie          60
Extrait de ma chronique :

"Raptor est tout autant tiré de faits réels que Black Dog, et plus précisément de l'année 1899 : comme il l'avoue dans un entretien avec Brigid Alverson, Dave McKean s'inspire de la vie de "l'écrivain gallois Arthur Machen, et particulièrement son implication dans l'ordre occulte de la Golden Dawn après la mort de sa femme – son désir fou de la revoir."


Les patronymes employés en font foi : la femme morte d'Arthur s'appelle Amy (diminutif d'Amelia Hogg, la femme de Machen), et son ami le plus proche, Ed (diminutif d'Edward) Waite ; par ailleurs, l'usage de lames du tarot dans la cérémonie magique de Raptor rappelle que le même Waite est également le co-créateur, avec l'illustratrice Pamela Colman Smith, du fameux tarot Rider.


Dave McKean utilise toutefois sa propre version du tarot dans son oeuvre, et c'est l'un de ses arcanes mineurs, "le Deux de Denier – le Soi" (page 44), qui livre peut-être la clé de Raptor : Arthur et Sokol sont le recto et le verso de la même pièce, et pareillement en quête d'eux-mêmes"
Lien : https://weirdaholic.blogspot..
Commenter  J’apprécie          40
Tu sais quoi minou.e ? Je jure que Dave McKean compte parmi les meilleurs magiciens visuels qui ont su élargir l'étendu de mon imaginaire post-adolescent.

Je l'avais découvert dans un film qu'il avait réalisé avec Neil Gaiman (🖤) intitulé MirrorMask puis au hasard des publications grâce à ses magnifiques illustrations (Sandman, Mes cheveux fous, le jour où j'ai échangé mon père contre deux poissons rouges,…).

Raptor est à la hauteur de ce que j'attendais d'une nouvelle oeuvre sortie de ce petit génie de l'aquarelle et de l'encrage merveilleux.

L'onirisme à la fois magique, enfantin, aux accents de contes cruels sans jamais être ni violent ni (trop) macabres sont souvent au service de thématiques dures ; la maladie, le deuil, les terreurs de l'enfance.

Ce n'est pas rare qu'on ne comprenne pas une oeuvre de McKean à sa première lecture, mais ce que je sais pour vrai par contre c'est qu'on y revient toujours parce qu'il possède un nombre incalculable de clés pour ouvrir les portes de notre inconscient tant les illustrations regorgent de symbolismes !

Raptor est merveilleux, vive Raptor !

Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          40
Les dessins liés à Sokol et au monde imaginaire sont sublimes. Ceux qui représentent Arthur et le monde réel m'ont moins convaincus. C'est magnifiquement écrit mais assez déroutant. L'ensemble est très énigmatique et décousu. Je me suis laissée envoûter par la poésie du texte, des images et l'atmosphère brumeuse. Il me reste malgré tout plus de questions que de réponses.
Commenter  J’apprécie          30
Très beau travail d'illustration et histoire assez spéciale. Cet album est énigmatique, onirique et unique en son genre : visuellement accrocheur avec des dialogues poétiques parfois, mystérieux souvent. Un petit ovni littéraire à découvrir si vous êtes fan de beaux objets. J'ai voyagé dans un monde parallèle pendant ma lecture, comme transportée par les couleurs et les mots. Je le conseille sans hésiter.
Commenter  J’apprécie          30
Un écrivain endeuillé par la mort de sa compagne tente de la contacter via le spiritisme tout en bataillant pour écrire son dernier roman.

Bientôt, la fatigue et le chagrin prenant le dessus sur sa santé mentale, il va commencer à douter de la réalité.





Si, comme l'avait été Cages à son époque, le nouvel effort solo de Dave McKean est un véritable tour de force graphique, l'auteur continuant à explorer ce qui fait la réussite et l'originalité de ses visuels (mélange de techniques, collages, peinture, montage photo, dessin traditionnel et informatique…) son scénario, qui alterne entre la réalité du personnage principal et la quête d'un étrange aventurier (le héros de son roman?) est parfois un peu labyrinthique.



Les thèmes abordés sont intéressants et on sent une véritable envie d'aller au bout de son sujet mais l'artiste a parfois tendance à s'égarer dans sa narration, il aurait été intéressant de voir ce que, confié à son compère Neil Gaiman, ce Raptors aurait donné !
A lire en musique: http://bobd.over-blog.com/2022/05/errances-labyrinthiques/raptor-vs.donnie-darko.html
Lien : http://bobd.over-blog.com/20..
Commenter  J’apprécie          30




Lecteurs (91) Voir plus



Quiz Voir plus

Les personnages de Tintin

Je suis un physicien tête-en-l'air et un peu dur d'oreille. J'apparais pour la première fois dans "Le Trésor de Rackham le Rouge". Mon personnage est inspiré d'Auguste Piccard (un physicien suisse concepteur du bathyscaphe) à qui je ressemble physiquement, mais j'ai fait mieux que mon modèle : je suis à l'origine d'un ambitieux programme d'exploration lunaire.

Tintin
Milou
Le Capitaine Haddock
Le Professeur Tournesol
Dupond et Dupont
Le Général Alcazar
L'émir Ben Kalish Ezab
La Castafiore
Oliveira da Figueira
Séraphin Lampion
Le docteur Müller
Nestor
Rastapopoulos
Le colonel Sponsz
Tchang

15 questions
5233 lecteurs ont répondu
Thèmes : bd franco-belge , bande dessinée , bd jeunesse , bd belge , bande dessinée aventure , aventure jeunesse , tintinophile , ligne claire , personnages , Personnages fictifsCréer un quiz sur ce livre

{* *}