Moi, je dois reconnaître que j'aime encore me battre, dit Augustus. Ça garde l'esprit éveillé. La seule autre chose qui me fait cet effet, c'est de parler avec les femmes, ce qui est généralement plus dangereux.
Mettant à profit la brève accalmie, Augustus fit le point et conclut que le plus pénible dans sa situation, c'était de n'avoir personne à qui parler.
- Comment est-ce qu'on peut avoir l'idée de conduire du bétail dans le Montana ? demanda Dixon.
Il avait un regard insolent.
- On pensait que ce serait un bon endroit pour s'asseoir et le regarder chier, répondit Augustus.
De son point de vue, rien de ce que l'on racontait au sujet des indiens n'était jamais exact.
Il s'était souvent senti responsable de leur bien-être et, maintenant, ce vieux sentiment de responsabilité l'avait si bien abandonné qu'il lui arrivait souvent de se demander comment il avait même pu l'éprouver.
En plus, sans une femme à portée de main, tu risques pas d'avoir d'enfants, et les enfants, c'est une source formidable de main-d’œuvre gratuite. Ils coûtent sacrément moins cher que les esclaves.
C'était comme si sa vie toute entière était venue se loger dans sa gorge, comme un morceau de viande crue trop dur à avaler et trop dur à recracher.
Mais bientôt les Blancs arriveraient. Ainsi le spectacle qu'il avait sous les yeux était une sorte d’intermède. Ce n'étaient plus les plaines telles qu'elles avaient été, ni ce qu'elles allaient devenir, c'était un moment de vide véritable constitué de milliers de kilomètres d'herbe sauvage et peuplé seulement de quelques survivants- spectres de bisons, d'Indiens et de chasseurs.
- C'est un monde qui me convient, même s'il est parfois riche en épreuves, dit Augustus.
Il n'aurait pas pu rêver meilleure cible qu'un Indien immobilisé à cinquante mètres sur un cheval qui refusait d'avancer.