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sur 235 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Avec ce livre qui m'a été offert judicieusement par une amie connaissant mes goûts, je découvre un nouveau genre littéraire original et passionnant. A la fois autobiographie et analyse littéraire, l'auteur s'adosse à l'Odyssée pour parler de son père et de leur relation.
Il nous propose une relecture approfondie de l'Odyssée et il est parfaitement légitime dans sa proposition puisque , professeur de lettres , il anime des séminaires à l'université autour de l'oeuvre d'Homère.
Son livre retrace le déroulement d'un séminaire en particulier : celui au cours duquel il a accueilli son père mathématicien en retraite, âgé de 80 ans, en auditeur libre.
La construction du récit mêle l'enseignement interactif : les étudiants sont sollicités, il ne s'agit pas d'un cours magistral mais d'un échange de vues souvent fructueux ( y compris pour le professeur ) et les évolutions d'une relation père/fils suscitées par cette situation originale.
On navigue entre l'intime et l'universel, cette étude de l'Odyssée sert de support à toutes sortes de réflexions fines , le fils redécouvre son père, cette expérience fait naître un désir d'aller plus loin, et c'est ainsi que père et fils partent ensemble sur les traces d'Ulysse faire une croisière en Méditerranée.
La relation qui se déroule sous nos yeux grâce à ce récit original et bien écrit est très belle et touchante, l'auteur dénoue des questionnements et se rapproche d'un père dont il connaissait finalement si peu.
L'Odyssée n'était qu'un très vague souvenir pour moi, je craignais d'être perdue dans des références trop érudites, au contraire, j'ai attirée et fascinée par l'éclairage qu'en apporte ce livre !


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En quelques mots, pour ceux qui n'en auraient pas entendu parler, Daniel Mendelsohn, professeur d'université à Bard College, y décrit l'année où son père, quatre-vingt-un ans, a décidé de rejoindre le cours que son fils consacrait à l'Odyssée, destiné à des élèves de première année. À la suite de cette année, ils ont aussi décidé de partir ensemble en croisière sur les traces d'Ulysse, en Méditerranée. Pourquoi lire ce roman, moi qui ne connais l'Odyssée que par des extraits de manuels scolaires ou des films qui l'adaptent de manière sans doute très libre ? Pourquoi être tentée par cette forme autobiographique, alors que c'est en général ce que je fuis dans la littérature ?
Les voies qui nous amènent à un livre sont impénétrables, celles qui font que ses pages nous repoussent ou nous aimantent aussi. C'est le deuxième cas pour ce livre qui m'a vraiment passionnée, tant par l'érudition de l'auteur, jamais pesante, que par des relations père-fils soigneusement décrites, avec humour et tendresse.

L'auteur a l'art de procéder par retours en arrière, par inclusions d'événements passés dans la narration, en une composition circulaire à la manière d'Homère, mais sans que cela semble une posture, un truc pour appâter le lecteur, et ça marche impeccablement. Le père ne manque pas de piquant, il a tout de suite une présence incroyable, il me semble impossible de ne pas avoir envie de le suivre dans son cursus universitaire tardif. Et bien sûr, le périple d'Ulysse pour retourner auprès de Pénélope, le long poème décortiqué avec sagacité par Daniel Mendelsohn, mais aussi ses élèves et son père, qui a pour lui l'expérience des années, est absolument passionnant ainsi analysé. Les nombreuses évocations des relations père/fils dans l'Odyssée trouvent des résonances dans les rapports entre l'auteur et son père, et c'est un aspect, parmi bien d'autres, tant ce livre est riche, qui m'a passionnée.
Que dire de plus, si ce n'est que je le recommande vivement ?
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L'Odyssée m'a toujours accompagnée.  Depuis mon enfance,  avec les Contes et Légendes. Malheureusement, j'ai abandonné le Grec ancien et je n'ai jamais été capable de lire Homère en VO.  Dans le livre de Mendelsohn , le père a délaissé l'étude du latin avant d'aborder Virgile....Mon meilleur souvenir de lecture de l'Odyssée : à Ithaque : assise sous un olivier, j'avais lu les passages  racontant le retour d'Ulysse.  Cet été, nous avons visité la Grotte de Calypso sur Gozo et celle de Polyphème à Himarë (Albanie) ....

Il fallait donc que je lise Mendelsohn!

Le narrateur, Dan Mendelsohn, professeur d'université, organise un séminaire autour de l'Odyssée. Son père, octogénaire, propose de le suivre.  Ils partent ensuite en croisière à la suite d'Ulysse...Une intimité d'établit entre le père, un mathématicien peu communicatif et son fils qui  le connait mal. Au cours du récit, vont se mêler intimement les deux récits, celui de l'Odyssée qui est la trame, et le récit familial qui se construit au fil du séminaire puis du voyage. 

Mendelsohn suivra scrupuleusement le plan de l'Odyssée : noté en grec PROEM (invocation) TELEMACHIE (Education) - APOLOGOI(aventures, racontée par Ulysse aux Phéaciens) - NOSTOS -(Retour)  ANAGNORISIS (Reconnaissance) - SÊMA(monument funéraire).

Le séminaire est très rigoureux, les vocables grecs sont soigneusement étudiés et traduits. La pédagogie est intéressante - classe inversée dirait-on aujourd'hui - les étudiants lisent 2 livres avant la séance, posent leur questions et continuent éventuellement la discussion par mail.

Jay, le père, joue un rôle non négligeable dans la  discussion autour du texte. Il n'aime pas Ulysse, et récuse le statut de Héros. Ulysse ou plutôt Odysseas, est pleurnichard, il ne triomphe des épreuves que grâce à l'aide des Dieux qui le sortent de pétrins dans lequel il se met lui-même par vantardise. 

La Telemachie donne le rôle principal à Télémaque, fils d'Odysseas, qui ne connaît pas son père. Athéna, l'envoie à Pylos auprès de Nestor puis à Sparte rencontrer Ménélas et Hélène. Ces voyages et ses rencontres lui servent d'instruction, il rencontre les héros de la Guerre de Troie qui lui parlent d'Odysseas, et apprend les difficultés du marriage avec le drame d'Agamemnon. On pourrait parler de roman de formation ou d'apprentissage.

Parallèlement Jay, le Père, et Daniel, le fils évoquent un voyage qui les a déjà réuni avec un retour "en cercles" . de cercles, de boucles, il sera souvent question dans ce livre. Comment naviguer très longtemps (dix ans, moins 7 ans dans la grotte de Calypso) pour parcourir la distance finalement courte entre Troie et Ithaque? En faisant de nombreux détours, des boucles, des digressions dans le récit. L'auteur suivra donc cette démarche. Comme dans le récit homérique certains épisodes sont contés à plusieurs reprises, parfois même doublés si on imagine que Circé et Calypso étaient peut être une seule et même nymphe. 

Les aventures Apologoi, retracent le périple d'Odysseas en Méditerranée. Le héros en fait le récit aux Phéaciens. Mais Ulysse est un menteur et un vantard. Quel crédit doit-on lui accorder? Autre grief de Jay à l'encontre d'Ulysse : il rentre seul, il a abandonné ses compagnons; quel chef de guerre oserait se présenter sans ses soldats au retour de la guerre? 

Nostos, le retour, est à l'origine de notre mot nostalgie. Il y seera question du retour à Ithaque, retour simultanée d'Ulysse et de Télémaque avec une histoire de chiens qui m'avait marqué autrefois. Dans la famille Mendelsohn, il y a aussi un épisode de chien enragé qui aurait marqué la personnalité de Jay. tout au long du livre, le fils reviendra à cette histoire qui lui paraît cruciale. Episode qui sera raconté selon différentes versions selon différents témoins. Tout au long du livre le professeur exercera le même esprit critique sur le texte ancien que sur le roman familial. 

Anagnorisis : Odysseas doit se faire reconnaître, Argos, le chien, Eumée, le porcher fidèle, la nourrice Eurycléia le reconnaîtront. Il en sera autrement pour Télémaque et Pénélope. Tout d'abord parce que Odysseas se cache sous l'identité d'un pince Crétois (encore les fameux mensonges crétois!) . La preuve finale est celle du lit d'Ulysse (en parallèle un lit que Jay avait bricolé pour son fils enfant). C'est aussi l'occasion d'une déclaration d'amour de Jay pour sa femme, la mère de Daniel. 

La croisière ne nous apprendra guère plus sur l'Odyssée, le séminaire est terminé, père et fils profiteront de cette occasion pour mieux se connaître. le père se révélera un personnage charmant,  apprécié en société, et même audacieux loin du mathématicien silencieux et rigide que son fils avait présenté au début de l'ouvrage. La croisière n'atteindra pas Ithaque : élégant remplacement de la visite de l'île d'Ulysse par la récitation du poème de Cavafy qui est mon poème préféré. 

Sêma : monument funéraire, monument funéraire d'Achille ou du marin Elpenor. On pressent le décès du père. le monument que son fils lui érige n'est-il pas l'ouvrage tout entier? 

Lecture passionnante, commentaire érudit, émouvante histoire d'une rencontre tardive entre un père et son fils, une Odyssée inattendue. 




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Ce livre.
Est une étrangeté.
Dont je suis vraiment, vraiment ravie qu'elle existe.

Elle est inclassable, cette Odyssée, à mi-chemin entre l'essai et le roman, trop précise pour relever de l'autofiction, trop concentrée pour qu'il puisse s'agir d'une autobiographie. C'est en quelque sorte un récit, mais aussi une profonde analyse littéraire d'une oeuvre d'une densité folle, bref, incroyable, précieuse et captivante somme de savoirs, de réflexions et de remises en perspective. On y trouve bien sûr une analyse poussée mais accessible de L'Odyssée d'Homère en elle-même, mais aussi de toute la littérature antique et de sa portée jusqu'à nos jours, et enfin de la relation entre l'auteur, Daniel Mendelsohn, et son père Jay, récemment disparu.

C'est avec Jay que commence en effet le récit, lorsque celui-ci, octogénaire déjà, demande à son professeur de fils (Daniel donc) s'il peut assister au cours qu'il s'apprête à donner au semestre de printemps. Daniel s'en trouve un peu étonné, son père n'ayant jamais étudié ni le grec ni la littérature antique (ce que les anglophones appellent les Classical Studies), mais finit par accepter, touché par cette demande. Il faut dire que lui et Jay ont certes eu une relation aimante, mais parfois chahutée, voire complexe. Jay a été absent, longtemps, dur, souvent, taiseux, pratiquement tout le temps, curieux malgré tout, attentif à ce que ses enfants ne manquent de rien, hâtif dans ses jugements cela dit. Ce séminaire, ce cours auquel le très retraité Jay n'a pourtant a priori rien à faire, c'est aussi (peut-être) l'occasion pour le père et le fils de partager un beau moment ensemble, de se voir chaque semaine, d'échanger, de se retrouver autour de la passion de l'un et d'une frustration (Jay n'ayant jamais pu poursuivre l'étude du latin pour une raison encore un peu floue).

Et c'est.
Captivant.

Alors, je le précise tout de suite, j'ai fait neuf ans de latin et quatre ans de grec, ça me manque terriblement à l'heure actuelle, et je pense très sérieusement à continuer d'étudier ces deux merveilleuses langues de mon côté quand bien même ça n'aura strictement aucun lien avec mon (vague) projet professionnel.
J'aime, passionnément, à la folie, le latin et le grec, le grec surtout (désolée le latin, toi et moi on s'aime fort, mais le grec ancien c'est encore autre chose). Alors forcément, pour moi, un bouquin comme celui-ci, c'est une pure sucrerie.
Mais même pour quelqu'un de moins frappadingue que moi, je vous le garantis, cet ouvrage a tout de captivant.

Ce que l'Odyssée de Mendelsohn a d'admirable, c'est qu'elle a quelque chose à apporter à absolument chacun de ses lecteurs, que celui-ci soit déjà initié de près ou de loin à l'Odyssée d'Homère, soit venu pour l'histoire du rapprochement entre le père et le fils, ou soit simplement curieux d'en apprendre davantage quant au monde de la littérature antique, et de la Grèce antique en particulier. le texte est à la fois très précis, très détaillé, très érudit, et vraiment accessible, clair dans son propos, admirablement traduit, synthétique, bref, en un mot maîtrisé. Mendelsohn parvient de façon assez admirable à mêler l'intime (son histoire familiale) à l'universel (l'étude et la portée d'une oeuvre comme celle d'Homère, le monde de l'académie, du professorat en général, et le thème même de la transmission, de la mémoire, de l'héritage). Tout se mêle, se traverse, se répond, mû par une structure claire de laquelle l'auteur ne se détourne jamais, sans créer de lassitude pour autant, bien au contraire. On suit à la fois le déroulé du cours en lui-même, mais aussi "l'historique" de la relation entre Jay et Daniel, et enfin la croisière que père et fils décideront plus tard de faire ensemble autour de l'itinéraire d'Ulysse vers Ithaque. C'est d'une spontanéité, d'une justesse et d'une sobriété telles qu'on n'a honnêtement d'autre choix que de se prendre de tendresse pour les protagonistes, de passion pour le contenu théorique de l'ouvrage, et de curiosité pour le mélange unique et incroyablement pertinent que l'auteur opère à partir de la mise en parallèle de toutes ces thématiques.

On aurait du mal à voir dans ce petit pavé une lecture de vacances, mais c'est pourtant ce que ce livre a été pour moi, une évasion, une immersion profonde et exigeante dans un univers à la fois très dépaysant et totalement familier. C'est là l'effet (à mon sens magique) de la culture antique : assez éloignée de nous pour qu'on la fantasme et qu'on y trouve un côté exotique, mais bien trop proche de notre culture, de nos références et de notre conception du monde pour qu'on n'y trouve pas une sorte de réconfort. Une Odyssée est précisément un réconfort, à la fois littéraire, culturel et humain, une parenthèse incroyable d'empathie et de transmission où l'idée de mémoire trouve un sens nouveau, à la fois intime et collectif. Fantastique !
Lien : https://mademoisellebouquine..
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Daniel Mendelsohn, professeur de littérature classique, héritier de générations de spécialistes de la littérature classique, entame un séminaire de première année au Bard Collège, pour un groupe de tout jeunes étudiants, naïfs et enthousiastes, sur le thème de l'Odyssée d'Homère. Une transmission intellectuelle qui reproduit celle que lui ont prodiguée ses maîtres, comme un cadeau à la génération suivante. Son père, un vieil homme dur, exigent, scientifique passionné de littérature, mort depuis – et dont la mort fait l'objet du bouleversant dernier chapitre - s'impose comme auditeur libre. Tout au fil des semaines, il va « ronchonner, pinailler et contester tout ce que je m'évertuais à leur enseigner », et le fils, quoique brillant professeur thèsé va souvent se retrouver « comme si j'avais 11 ans ». Quelques semaines après, ils vont partager une croisière thématique en Méditerranée « Sur les traces d'Ulysse », expérience qui vient couronner cette étude théorique.

On a dit que c'était un livre sur son père. Mais en fait, ça s'appelle Une odyssée, en référence à l'Odyssée d'Homère. Son père ? L'Odyssée ? Qu'importe ? N'est ce pas la même chose ? Car l'Odyssée, ne l'a t'on pas dit et répété, est un livre total, un de ces livres uniques et universels qui englobent tout, après lesquels il n'est plus besoin (possible ?) d'écrire quoi que ce soit, car tout est dit. Et cela, n'est ce pas la définition d'un être humain, unique, universel, in-reproductible ? L'analyse littéraire alterne avec le récit familial, l'un éclairant subtilement l'autre et ainsi, au fil des semaines, dans une traversée à haut risque qui le ramène au pays natal, l'Odyssée va lui donner en même temps les clés de son père et les outils pour sa propre remise en question.

Cheminant habilement, dans un acharnement érudit, entre fiction et réalité, Mendelsohn décortique, crée des liens, des correspondances, des résonances, part en digressions, réminiscences. L'Odyssée c'est la vie tout entière, à commencer par la transmission, la filiation, la fidélité, la ruse, la recherche du port d'attache et les difficultés de la vie. C'est un récit qui permet de tout comprendre, de « révéler les tendons d'Achille », un récit où le présent fait découvrir le passé (Mendelsohn appelle ça une composition circulaire) dans un miroir intellectuellement brillant et d'une incroyable émotion. On n'a plus aucun doute sur le fait que Daniel Mendelsohn a raison d'avoir consacré sa vie et son intelligence à décortiquer les textes antiques, puisqu'ils gardent cette actualité si prégnante, qu'on peut considérer ces fictions du passé comme une répétition générale de nos vies d'aujourd'hui.

Quelle audace bienvenue que d'offrir en partage ce décorticage chronologique et scrupuleux du texte ! Et quelle jubilation intellectuelle à suivre cette analyse progressive, intelligente, humaine, cette explication de texte en direct, vivante et accessible, tout à la fois rationnelle et subjective. Daniel Mendelsohn y mêle une sensibilité, au fil de la progression de sa quête, dans des détails touchants, ces relations implicites entre trois générations, des choses intimes qui se passent entre ce père et ce fils qui ne sont jamais parlé intimement et ébauchent un dialogue et une compréhension à travers la littérature.

Hommage magnifique à un texte unique et à un père unique, comme tous les pères, Une odyssée est un récit de transmission, palpitant et tendre, qui montre la littérature à l'oeuvre, indispensable, généreuse et porteuse de sens. Et si le père, Jay Mendelsohn n'en démord pas, plein d'aplomb et d'humour sous-jacent, de préférer le poème au réel, pour ma part, je dois dire que j'ai bien du mal à exprimer une préférence entre cette fiction et cette réalité, qui, étroitement entremêlées, s'unissent à lever le voile du mystère d'un homme.
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Ce livre n'est ni un roman, ni un essai, ni une biographie (quoique...). Il est comme un double récit à des millénaires d'intervalle, une mise en parallèle entre Ulysse et Télémaque d'une part, et, d'autre part, entre le père de l'auteur et l'auteur lui-même, professeur nord-américain contemporain de littérature classique.

Je n'ai jamais lu l'intégralité d'une traduction de L'Odyssée d'Homère, mais j'ai eu envie de lire (sans y être encore parvenu) Ulysse de Joyce après avoir refermé Beaucoup de jours de Philippe Forest. Autant le voyage de retour à Ithaque accompagné par Philippe Forest m'avait conquis, autant Une odyssée de Daniel Mendelsohn m'a "enchanté".

Quand un professeur, sans pédanterie, vous explique la construction narrative du texte fondateur de la littérature, quand il s'appuie sur l'étymologie pour mieux vous faire comprendre le texte originel, quand lui-même, par un mimétisme assumé, enrichit son texte de digressions, de panachages du passé et du présent, quand en un mot il fait revivre au XXIe siècle l'épopée plurimillénaire, vous ne pouvez qu'être vous-même fasciné par la démonstration du caractère universel de l'épopée grecque.

Mais le propos de Daniel Mendelsohn n'est pas principalement de plaider en faveur d'Homère ; il est d'essayer de comprendre ce qui est le plus dur pour un garçon qui n'a jamais connu son père : "Vivre sans père, ou bien le rencontrer à vingt ans et devoir apprendre à le connaître ?". Question d'actualité de nos jours comme du temps des Troyens.

Une grande partie de la saveur (et de la profondeur) de cet ouvrage tient dans sa merveilleuse mise en scène. le père du professeur qui organise un séminaire universitaire sur L'Odyssée assiste en auditeur libre à la conduite des débats entre son fils et des étudiants : trois générations discutent et commentent pour nous le texte d'Homère. Un régal !

La qualité évidente de la traduction renforce ici le plaisir de la lecture. En plusieurs endroits, j'ai pensé à Proust ("Ce soir-là, quand mon père fut parti se coucher, dans le lit étroit qu'il m'avait fabriqué un demi-siècle plus tôt, et tandis qu'il se glissait entre les draps en poussant un gros soupir sonore, chose qu'il faisait souvent [...]" p. 132).

Embarquez sans tarder pour une fabuleuse croisière initiatique !
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Cette année, avec mes élèves, je travaille sur l'aventure avec comme oeuvres imposées, entre autres, l'Odyssée d'Homère. Quel bonheur de travailler sur cette histoire à l'incroyable richesse !

Le livre de Daniel Mendelsohn y apporte encore un éclairage nouveau, stimulant, émouvant et très pertinent puisqu'il mêle sa lecture de l'Odyssée à sa propre histoire avec son père, Jay Mendelsohn, 81 ans, venu assister durant 5 mois, une fois par semaine, au séminaire que son fils faisait, en 2011, sur cette épopée. Il raconte cet épisode, puis, l'été suivant, leur croisière de 10 jours sur les traces d'Ulysse, en Grèce. En même temps, comme dans l'Odyssée, qui fait des allers-retours narratifs constants, il interroge le passé du père, le rapport pas du tout évident du jeune Daniel, homosexuel, peu sûr de lui, à ce père exigeant, autoritaire et jamais content, aux émotions toujours bridées, et devant son père de 81 ans, il s'interroge : « Combien de visages avait mon père au fond, me demandai-je ; et lequel était le « vrai » ? »

C'est étrange de devenir, pour quelques mois, le professeur de son propre père (pour l'anecdote : en 3e j'ai eu ma mère comme prof d'histoire-géo, c'était finalement une belle expérience pour elle comme pour moi, mais ce serait particulier si aujourd'hui, au milieu de mes étudiants auxquels je parle de l'Odyssée, de voir mon père au milieu d'eux prendre la parole sur ce texte ou critiquer ma manière de présenter les choses !!) Il raconte, avec beaucoup d'humour, le déroulement de ce séminaire, les interventions de ses étudiants et de son père qui ronchonne et râle sur ce héros qui n'en est pas un, selon lui , du style « Il n'y a que moi ici qui trouve que ce n'est pas des façons de traiter son équipage ?« , « C'est un menteur et il a trompé sa femme » ou « Pas du tout. A peine est-il en difficulté qu'il invoque l'aide des dieux« .

En même temps, il propose une lecture passionnante de ce texte antique qui d'après lui est, tout autant qu'un récit d'aventures ou une histoire d'amour conjugal, un texte sur la relation entre père et fils qui commence avec un fils (Télémaque) à la recherche de son père et se clôt par les retrouvailles émouvante entre un fils (Ulysse) et son père (Laërte).

Je me suis régalée, j'ai appris plein de choses et je vous recommande chaudement cette lecture !
Lien : https://dautresviesquelamien..
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Quelle merveille, ce livre. Je viens de le terminer, j'ai eu l'impression d'être hors du monde le temps d'une lecture, dans un cocon merveilleux.

J'ai tout aimé. Adoré. L'analyse du texte d'Homère, toute en finesse et rendue accessible par l'auteur. La relation avec son père, le rapprochement du père et du fils autour de l'Odyssée.

Ce livre est merveilleux. Je sais, cela fait trois fois que j'utilise ce mot, "merveille". Daniel Mendelsohn a su me faire tirer quelques larmes à la fin du livre, chose qui m'arrive rarement lors d'une lecture.

Rares sont les livres qui arrivent à nous faire penser autrement. A nous faire voir les choses autrement. A faire dévier nos schémas de pensées, vers quelque chose de profondément humain. C'est l'effet de ce livre sur moi.

Je suis heureuse également de découvrir l'auteur, Daniel Mendelsohn. Je suis allée l'écouter sur des émissions Radio France, et je l'ai trouvé très interessant, très humble aussi. C'est un auteur, un professeur, et une personne qu'il me plairait de rencontrer.

Ce livre est merveilleux, et je vous le conseille fortement.
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L'ouvrage de Daniel Mendelsohn est à nul autre pareil.. Il se dévore comme un page turner alors qu'il réunit sans jamais le moindre hiatus, une étude littéraire savante, originale et moderne de L'Odyssée d'Homère, une analyse de sa relation avec son père d'une grande finesse, et l'histoire de ses parents.
Son étude de L'Odyssée s'articule autour du sens de certains mots. On pourrait imaginer le propos abscons ; pas du tout, il éclaire le sens du texte grec avec une écriture simple et limpide. Peut-être parce que au centre de ses préoccupations trônent les personnages. Peut-être parce que son étude passe par le récit : celui du séminaire qu'il mena sur L'Odyssée et auquel son père déjà âgé, vint assister avec régularité et pendant tout un semestre, provoquant la curiosité, la surprise et pour finir l'admiration de ses étudiants ; récit auquel s'entremêle celui de la croisière qu'ils firent ensemble peu après "Sur les traces d'Ulysse". C'est à chaque fois, pour lui, l'occasion de redécouvrir son père, de s'interroger sur sa personnalité, de confronter son regard à celui des autres membres de la famille, à celui des amis de son père, d'admettre que jusque là il était passé à côté.
Il est étrange de constater combien les épisodes de l'épopée l'éclaire sur ses propres réactions ce qui souligne le caractère intemporel des sentiments humains.
Il y aurait encore beaucoup à admirer dans ce texte mais ce qui frappe enfin c'est l'infinie bienveillance du narrateur dans on rapport à autrui.
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L'auteur, Daniel Mendelsohn est professeur de littérature classique dans une université américaine. Chaque année, il organise un séminaire sous forme d'une série d'ateliers sur une période de quelques mois auquel participe un groupe de ses étudiants. Cette année-là, le thème est « L'Odyssée » d'Homère. Son père, âgé de 91 ans, avec lequel il entretient des relations « compliquées » lui demande s'il peut y participer. A la fois surpris et un peu inquiet, l'auteur accepte à la condition que le père n'intervienne pas dans les échanges du groupe.

Commence alors une sorte de voyage extraordinaire, une épopée comme le dit le titre. En effet, le livre suit le déroulement de l'Odyssée, épisode après épisode (ou plutôt livres après livres comme s'intitulent les chapitres de l'Odyssée). Pour rappel, l'Odyssée retrace notamment le voyage de retour d'Ulysse à Itaque après la guerre de trois mais est aussi une histoire de familles, celle que forment, d'une part, les Dieux antiques et les Héros mythologiques et, d'autre part, celle d'Ulysse, Andromaque et Télémaque. L'une après l'autre, les séances du séminaire vont transformer la représentation que l'auteur se faisait de sa famille et de son père en particulier. En effet, celui-ci ne va bien sûr pas respecter le pacte de départ et intervenir constamment pendant les séances de l'atelier. Ses réflexions et les relations qu'il va nouer avec les étudiants du séminaire et aussi avec les passagers de la croisière que père et fils décident d'effectuer en Méditerranée sur les traces d'Ulysse vont complètement remettre en question l'idée que Daniel Mendelsohn se faisait de son père et des différents membres de sa famille. Tous les thèmes de l'Odyssée sont donc réunis et entrelacés : le voyage, la famille, les relations père/fils comme celles qu'entretiennent Ulysse et Télémaque mises en regard de celles de l'auteur et de son père et aussi les relations conjugales comme celles d'Ulysse et Andromaque mises en regard de celles qui unissaient les parents de l'auteur.

Ce livre magnifique est une évocation de l'Odyssée érudite mais tout à fait accessible au profane et une réflexion sensible sur les relations intra-familiales et tout spécialement sur la relation entre un père et son fils. La construction du texte est virtuose et le lecteur en sort captivé, ému et enrichi.
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