Sale temps pour le pays

Voûtée, Maureen semble avoir toujours été là [à l'hôpital psychiatrique], sculptée dans un bois âgé aujourd'hui de trente et un ans. Si la vulnérabilité était une femme, ce serait elle. Une femme-enfant qui, les mains sous ses cuisses, contemple ses chaussons à carreaux jaune et marron.
- Bonjour, dit-il enfin.
Maureen marque un temps, puis relève la tête. Regard vide, mélange de calmants et de vie ratée. Ses cheveux courts, sa pâleur et sa maigreur l'intronisent clone de Mia Farrow, dans la dernière bobine de 'Rosemary's Baby'.
- Bonjour, monsieur.
- Vous me reconnaissez ?
- Non.
- Je suis l'inspecteur Knox, nous nous sommes rencontrés il y a deux ans.
- On avait baisé ?
- Hum... non. Je peux m'asseoir ?
(p. 205)

[avril 1979]
Permanente impeccable, tailleur de chez Aquascutum et élocution parfaitement travaillée, Thatcher est un pur produit de la tradition victorienne axée sur la famille et le travail. Des valeurs contraires au consensus d'après-guerre qui prévalait depuis 1945, notamment sur la protection sociale avec l'Etat providence. Farouche opposante, elle a toujours condamné ce 'système d'assistanat' et sa fiscalité redistributrice. Au lendemain de son élection, elle a déclaré que son premier combat était celui, non pas du chômage, mais de l'inflation et qu'il impliquait des réformes draconiennes.
(p. 154-155)

Dans un coin, un agent fouille les tiroirs d'une commode. Un autre retire les coussins du canapé et, découvrant une petite liasse, la met aussitôt dans sa poche. Aucun d'eux n'a remarqué la présence de Mark [détective], lequel a tout vu. Il ne dit rien, car il n'y a rien à dire. Juste à déplorer que les flics touchent trois fois moins que les dealers et les macs.
(p. 57)

[...] Je suis fatigué… ça fait deux ans qu’on fait chou blanc, je commence vraiment à en avoir marre.

[...] Une affaire de cette ampleur, tant sur le plan criminel que sur celui de la durée, Rubin n’en avait jamais vu.

[...] Un chaos à l’image d’une société ébranlée par un million et demi de chômeurs, d’interminables grèves de mineurs et d’ouvriers, des émeutes raciales, ainsi que des attentats perpétrés par l’I.R.A. Bref, une Angleterre loin, bien loin de ses sixties euphoriques et de son Swinging London.

[...] Leeds-Manchester-Bradford : jadis richissime cœur de l’Empire, aujourd’hui friche industrielle et terrain de chasse d’un tueur en série.

[...] Anarchy in the U.K. Sale temps pour la Reine.

[...] – Une femme ? s’esclaffe l’économiste en chef. À la tête du pays ?
– Ne riez pas, Sanders. Au regard des derniers sondages, c’est une éventualité fort probable…

Fulford Cemeetry, York

"Je suis la résurrection et la vie. Lui qui a cru en Moi et qui est mort, vivra pour toujours. Celui qui vit et croit en Moi ne mourra jamais..."

Un flocon s'immisce dans l'oeil droit du révérend henry. Il frotte sa paupière, cligne à deux reprises et poursuit devant ces gens, émus par son sermon pourtant exigeant : la Résurrection, dernier des sept miracles de Jésus et le plus difficile à faire gober. Changer l'eau en vin, multiplier les pains, marcher sur l'eau... tout ça peut être accepté avec un peu d'ouverture d'esprit et beaucoup d'alcool, mais la Résurrection de Lazar de Béthanie, quand même, c'est autre chose. Pourtant, tout le monde y a cru, à l'époque, Jésus lui-même, bien sûr, mais aussi l'intéressé, sa famille et Jean, qui s'est empressé de caser ce fait pour le moins insolite dans son chapitre 11. Sacré Jean.