Menton3 est peintre avant d'être illustrateur, c'est peut-être ce qui fait toute la différence.
The Memory Collectors permet, avant la sortie de son livre d'art Katabasis, de se délecter une fois de plus de son immense talent.
The Memory Collectors relate le combat de trois femmes, toutes de latex vêtues, contre des vampires dévorateurs de souvenirs : les Memory Collectors. le comic (coédition IDW/44Flood, 2014) apparaît comme un prequel de l'excellent
Monocyte (IDW), paru en 2012. Il s'inscrit dans un univers ténébreux et cryptique peuplé d'immortels dont la mythologie avait commencé à se dessiner dans
Ars Memoria (Prudentius, 2009).
Menton3 reprend ici la formule de
Monocyte. Il multiplie avec grâce les techniques graphiques : huile, aquarelle, dessin classique ou numérique. le rendu est somptueux, terriblement sombre, tout est affaire du noir brillant du latex, des fonds en nuances de gris et d'ocre sur lesquels sont tracés finement des symboles ésotériques, puis soudain d'un blanc qui resplendit, d'un rouge sombre qui éclate, emplit la page et envoûte. Nombre de doubles pages mériteraient de finir sur mes murs plutôt qu'enfermées dans un livre. Comme dans
Monocyte, l'histoire est complétée par des chapitres de la patte de
Ben Templesmith (avec lequel Menton3 partage un atelier), et des duos Menton3/Tony Moy, Jason Mote/
Christopher Mitten et
Ben Murphy/
Ben Templesmith (respectivement auteurs/illustrateurs). le contraste de style, de ton, est étonnant, peut même être déroutant, mais ces chapitres développent l'univers de Memory Collectors et explicitent ses liens avec
Monocyte.
Le reproche majeur que je ferais à ce comic est la qualité insuffisante de son texte. L'impression que j'ai est qu'un gros vilain éditeur à demander à l'artiste d'expliciter son histoire, lui demandant de développer sur des pages et des pages qui étaient ses personnages, pourquoi elles étaient vêtues de latex, comment elles s'étaient rencontrées, bla, bla, bla... le résultat est un prologue trop long et des colonnes entières d'un texte assez médiocre dans lequel les clichés s'enchaînent. La tueuse de vampires vêtue de latex devient un mannequin fétichiste violée dans son enfance. Ça n'apporte rien. À mon sens, les personnages n'ont pas besoin de noms ; elles n'ont pas besoin de passé. Une ellipse a souvent plus de force qu'une longue explication. L'éditeur a peut-être voulu s'assurer que Memory Collectors ne serait pas critiqué comme avait pu l'être
Monocyte sur son contenu opaque au point d'en devenir sibyllin. Il voulait probablement toucher un public moins restreint, sans réfléchir à la déception des fans de la première heure. Ce n'était pourtant pas un défaut de
Monocyte, c'était au contraire une de ses qualité et c'est avec délice que je m'étais égarée entre ses pages.
The Memory Collectors, bien que très réussi graphiquement, n'a pas la puissance de
Monocyte ou d'
Ars Memoria ; il ne parvient pas au même niveau de réflexion sur les souvenirs, sur la création littéraire ou artistique, sur les concepts d'immortalité, d'humanité... Même s'il se présente comme un prequel, il s'intègre assez mal à la mythologie de ses prédécesseurs. Peut-être doit-il être conseillé en priorité aux lecteurs ne maîtrisant pas l'anglais ? Pour ma part, j'attends Katabasis.
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