Noire , obscure, sombre,
très noire, cette suite
de " poèmembrements "
(poèmes-
démembrements).
On voit des corps s'enfuir à la dérive :
«Nous en sommes à la pétrification,
et nos crânes sont des pierres bientôt gélives.»
des vies se laisser glisser,
des voix s'égosiller :
« Qui rassemblera les membres épars ? »
…
« Il faut parler avant l'effritement des lèvres,
dire des mots comme on verse de l'eau. »
Rechercher l'être et le lieu premier d'où
l'on pouvait dévisager le monde, telle est
la quête du poète :
« J'étais cet enfant dans l'arbre… »
« Je demande l'enfance majeure avant
que son visage ne se brise en un cri »
Dans " Tes mains savent ",
Emmanuel Merle
s'interroge, puis tente une conclusion non
définitive :
«Comment vas-tu récupérer tes mains ?
Quel piège peux-tu assembler dans ton esprit
pour qu'elles reviennent se poser devant toi ?
Deux oiseaux fous, elles frappent
aux carreaux. Peut-être que la vie t'a quitté,
qu'elle est désormais toute rassemblée
sous les paumes, dans les articulations, jusqu'aux
ongles ébréchés comme des insultes.
…
Ton corps veut sortir, tes mains savent.»