La Proie

À présent, la journée et la nuit passées ne sont plus que des fragments, des images, des sensations, des émotions et des conversations qui moulinent dans sa tête. Un mécontentement, un malaise, un agacement qui ne parvient pas à formuler, sur lesquels il n'a pas prise.

Ces types, c'est un vrai cancer, Tyni. Tu l' opères d'un côté, il revient par une autre . Une hydre, on ne peut pas couper toutes les têtes du serpent. C'est endémique, indélébile, on ne peut pas mener une guerre conventionnelle contre ça.

Ils pénétrent dans le cagibi du sergent Reginald "Zazaie" Davids, derrière les locaux de l'IMC. David porte un jean de marque déchiré, un T-shirt et des sandales. Sur le T-shirt est écrit : L'univers est fait de protons, de neutrons, d'électrons et de petits cons. On a essayé de lui donner un autre surnom, "Sucette", à cause de sa coiffure afro massive plantée sur un corps long et mince, mais l'ancien sobriquet est resté....

il soupese tous les éléments. Son existence ici. Il sait que sa vie à Bordeaux n'est qu'un refuge, une échappatoire, un baume sur de vieilles plaies. Il sait que cette vie ne débouche pas sur une communauté, elle ne pèse d'aucune façon sur le monde, elle a peu de signification. Mais c'est sa vie. C'est le peu de bonheur qu'il a, probablement le plus qu'il puisse jamais en obtenir.
Il va falloir y renoncer. Le fait de tuer le chef d'Etat d'un autre pays fera de lui l'homme le plus recherché d'Europe.Il ne connaîtra aucun repos tant qu'on ne l'aura pas capturé. Ils finiront par savoir, un jour ou l'autre, qui il est. S'il survit, s'il leur échappe, il sera un fugitif. A vie.

Le souci, avec les caméras de videosurveillance du Cap, c'est qu'un enquêteur ne peut pas simplement entrer dans un bureau de police métropolitaine en disant : "Bonjour, montrez-nous vos enregistrements de mardi matin."
La ville possède en effet un total impressionnant de 1 541 caméras qui observent les faits et gestes de ses habitants. Mais elles appartiennent à trois systèmes différents et sont surveillés par trois équipes différentes dans trois lieux différents.

... Aurait-elle remarqué quelque chose .... ,
"Oui. Plutôt. Maintenant que vous le dites. Ce matin même. J'ai des marguerites de Barberon dans le jardin de devant, c'est la saison. Mais avec ces restrictions d'eau, la municipalité nous a méchamment pris au dépourvu. Ils n'auraient pas pu voir venir le problème ? Avec tous ces gens qui emménagent au Cap, ils auraient dû prévoir le manque d'eau. En tout cas, je dois arroser les marguerites avec l'arrosoir, rempli de l'eau grise du bain, et les marguerites n'aiment pas l'eau savonneuse, mais que peut-on y faire , ....

Benny a été heurté par les quatre ailes du moulin de la peur : culpabilité du survivant, culpabilité du divorce, culpabilité face à sa responsabilité omnipotente et haine de soi.

« Son gamin était là. Donovan, avec son nouveau copain, Brantley. Quel prénom, Brantley ! Sérieusement, Benny. À quoi pensaient les parents ? Pas étonnant que le gosse devienne un petit prétentieux de merde. Bref, Brantley, tout content de sa petite gueule, me dit : “Oom*, tu fais partie des Hawks ?” Je réponds : “Yebo*, mon vieux, oui, je suis capitaine chez les Hawks.” Et il me lance : “Mon père dit que vous êtes dévoyés.” Je demande : “Dévoyés, ça veut dire quoi ?” Il me dit : “Ouais, ces escrocs indiens qui ont dévoyé le président… Mon papa dit que les Hawks sont aussi corrompus, ils le sont tous maintenant, vous mangez dans la main de ces Indiens, vous vous enrichissez avec des enveloppes sous la table, et les gens deviennent encore plus pauvres avec tous ces dévoyés.” Jissis, Benny, tu sais comme j'aime les Hawks. C'est ma vie. Ma fierté. Et voilà que ce Brantley se met à me déconsidérer devant Donovan. Ce gamin que j'essaie d'amadouer depuis des mois, ce gamin dont je cherche à gagner la confiance, parce que je suis sérieux en ce qui concerne Desiree et que je sais que le chemin d'une vraie relation avec elle passe par son fils. Et voilà que Brantley balance cette histoire de dévoyés, et je vois que Donovan se met à me regarder d'un air entendu, genre “j'ai toujours su que ce type cachait quelque chose”.