AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur La Nuit remue (125)

LE VENT

Le vent essaie d'écarter les vagues de la mer.
Mais les vagues tiennent à la mer, n'est-ce pas évident, et le vent tient à souffler... non, il ne tient pas à souffler, même devenu tempête ou bourrasque il n'y tient pas. Il tend aveuglément, en fou et en maniaque, vers un endroit de parfait calme, de bonace, où il sera enfin tranquille, tranquille.

Comme les vagues de la mer lui sont indifférentes! Qu'elles soient sur la mer ou sur un clocher, ou dans une roue dentée ou sur la lame d'un couteau, peu lui chaut. Il va vers un endroit de quiétude et de paix où il cesse enfin d'être vent.

Mais son cauchemar dure déjà depuis longtemps.

p.38
Commenter  J’apprécie          30
NOUS AUTRES

Dans notre vie, rien n'a jamais été droit.
Droit comme pour nous.
Dans notre vie, rien ne s'est consommé à fond.
A fond comme pour nous.
Le triomphe, le parachèvement,
Non, non, ça n'est pas pour nous.

Mais prendre le vide dans ses mains,
Chasser le fièvre, rencontrer l'ours.
Courageusement frapper l'ours, toucher le rhinocéros.
Être dépouillé de tout, mis à suer son propre cœur.
Rejeté au désert, obligé d'y refaire son cheptel,
Un os par-ci, une dent par-là, plus loin une corne.
Ça, c'est pour nous.

Dire que les sept vaches grasses naissent en ce
moment.
Elles naissent, mais ce n'est pas nous qui les
trairons.
Les quatre chevaux ailés viennent de naître.
Ils sont nés.
Ils ne rêvent que de voler.
On a peine a les retenir. Ça ira presque aux astres,
ces bêtes-là.
Mais ce n'est pas nous qui y serons portés.
Pour nous les chemins de taupe, de courtilière.
De plus, nous sommes arrivés aux portes de la
Ville.
De la Ville-qui-compte.
Nous y sommes, il n'y a pas de doute. C'est elle.
C'est bien elle.
Ce que nous avons souffert pour arriver... et pour
partir.
Se désenlacer lentement, en fraude, des bras de
l'arrière...

Mais ce n'est pas nous qui entrerons.
Ce sont de jeunes m'as-tu-vu, tout verts, tout
fiers qui entreront.
Mais nous, nous n'entrerons pas.
Nous n'irons pas plus loin. Stop! Pas plus loin.
Entrer, chanter, triompher, non, non, ça n'est
pas pour nous.

1932
p.81-82
Commenter  J’apprécie          30
MON DIEU

Il y avait un jour un rat
Et tellement on avait dû le maltraiter,
Je dirai mieux, c'était un mouton,
Et tellement on avait dû l'écraser,
Mais c'était, je le jure, un éléphant,
Et d'ailleurs, qu'on me comprenne bien,
Un de ces immenses troupeaux d'éléphants
d'Afrique.
Qui ne sont jamais assez gros,
Et bien donc tellement on l'avait écrasé.
Et les rats suivaient, et ensuite les moutons,
Et tellement écrasés,
Et il y avait encore la canaille,
Et tellement écrasée
Et non seulement la canaille
Non seulement écrasée... non seulement ren-
trée...

Oh! poids! Oh! anéantissement!
Oh! pelures d'Êtres!
Face impeccablement ravissante de la destruc-
tion!
Savon parfait, Dieu que nous appelons à grands
cris.
Il t'attend, ce monde insolemment rond. Il t'a-
ttend.
Oh! Aplatissement!
Oh! Dieu parfait!

p.187
Commenter  J’apprécie          30
NOTES DE ZOOLOGIE

... Là je vis aussi l'Auroch, la Parpue, la Darelette, l'Épigrue, la Cartive avec la tête en forme de poire, la Meige, l'Émeu avec du pus dans les oreilles, la Courtipliane avec sa démarche d'eunuque; des Vampires, des Hypédruches à la queue noire, des Bourrasses à trois rangs de poches ventrales, des Chougnous en masse gélatineuse, des Peffils au bec en couteau; le Cartuis avec son odeur de chocolat, des Daragues à plumes damasquinées, les Pourpiasses à l'anus vert et frémissant, les Baltrés à la peau de moire, les Babluites avec leurs poches d'eau, les Carcites avec leurs cristaux sur la gueule, les Jamettes au dos de scie et à la voix larmoyante, les Purlides chassieux et comme décomposés, avec leur venin à double jet, l'un en hauteur, l'autre vers le sol, les Cajax et les Bayabées, sortant rarement de leur vie parasitaire, les Paradrigues, si agiles, surnommés jets de pierre, les singes Rina, les singes Tirtis, les singes Macbelis, les singes « ro » s'attaquant à tout, sifflant par endroits plus aigu et tranchant que perroquets, barbrissant et ramoisant sur tout le paysage jusqu'à dominer le bruit de l'immense piétinement et le bruflement des gros pachydermes.

De larges avenues s'ouvraient tout à coup et la vue dévalait sur des foules d'échines et de croupes pour tomber sur des vides qui hurlaient à fond dans la bousculade universelle, sous les orteils de Bamanvus larges comme des tartes, sous les rapides pattes des crèles, qui, secs et nerveux, trottent, crottent, fouillent et pf... comme l'air.

On entendait en gong bas la bichuterie des Trèmes plates et basses comme des punaises, de la dimension d'une feuille de nénuphar, d'un vert olive; elles faisaient dans la plaine, là où on pouvait les observer, comme une lente et merveilleuse circulation d'assiettes de couleur; êtres mystérieux à tête semblable à celle de la sole, se basculant tout entiers pour manger, mangeurs de fourmis et autres raviots de cette taille.

Marchaient au milieu les grands Cowgas, échassiers au plumage nacré, si minces, tout en rotules, en vertèbres et en chapelet osseux, qui font résonner dans leur corps entier ce bruit de mastication et de salivation qui accompagne le manger chez le chien ou chez l'homme fruste.

p.145-146
Commenter  J’apprécie          30
PETIT

Quand vous me verrez.
Allez,
Ce n'est pas moi.

Dans les grains de sable,
Dans les grains des grains,
Dans la farine invisible de l'air.
Dans un grand vide qui se nourrit comme du sang,
C'est là que je vis.

Oh! Je n'ai pas à me vanter : Petit ! petit !
Et si l'on me tenait,
On ferait de moi ce qu'on voudrait.

p.166
Commenter  J’apprécie          30
Un bruit monotone ne calme pas forcément. Une foreuse ne calme personne, sauf peut-être le contremaître.
Commenter  J’apprécie          30
Le village de fous

Autrefois si gai, maintenant un village désert.
Un homme sous un auvent attendait la fin de la pluie, or il gelait ferme, il n'y avait aucune apparence de pluie avant longtemps.

Un cultivateur cherchait son cheval parmi les œufs.
On venait de le lui voler.
C'était jour de marché.
Innombrables étaient les œufs dans d'innombrables paniers.
Certes, le voleur avait pensé de la sorte décourager les poursuivants.

Dans une chambre de la maison blanche, un homme entraînait sa femme vers le lit.
— Veux-tu! lui dit-elle.
S'il se trouvait que je fusse ton père !
— Tu ne peux être mon père, répondit-il, puisque tu es femme, et puis nul homme n'a deux pères.
— Tu vois, toi aussi tu es inquiet.

Il sortit accablé; un monsieur en habit le croisa et dit :
« Aujourd'hui, il n'y a plus de reines.
Inutile d'insister, il n'y en a plus. »
Et il s'éloigna avec des menaces.

Commenter  J’apprécie          30

Tu t'en vas sans moi, ma vie.
Tu roules.
Et moi j'attends encore de faire un pas.
Tu portes ailleurs la bataille.
Tu me désertes ainsi.
Je ne t'ai jamais suivie.
Je ne vois pas clair dans tes offres.
Le petit peu que je veux jamais tu ne l'apportes.
A cause de ce manque, j'aspire à tant.
A tant de choses, à presque l'infini...
A cause de ce peu qui manque, que jamais tu n'apportes.
Commenter  J’apprécie          30
Je me couche toujours très tôt et fourbu, et cependant on ne relève aucun travail fatigant dans ma journée.
Possible qu’on ne relève rien.
Mais moi, ce qui m’étonne, c’est que je puisse tenir bon jusqu’au soir, et que je ne sois pas obligé d’aller me coucher dès les quatre heures de l’après-midi.
Commenter  J’apprécie          20
LE LAC

Si près qu’ils approchent du lac, les hommes n’en deviennent pas pour ça grenouilles ou brochets.
Ils bâtissent leurs villas tout autour, se mettent à l’eau constamment, deviennent nudistes… N’importe. L’eau traîtresse et irrespirable à l’homme, fidèle et nourrissante aux poissons, continue à traiter les hommes en hommes et les poissons en poissons. Et jusqu’à présent aucun sportif ne peut se vanter d’avoir été traité différemment.
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (941) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

    Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

    Paris
    Marseille
    Bruxelles
    Londres

    10 questions
    1229 lecteurs ont répondu
    Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

    {* *}