Après avoir refermé son livre «
Croire sans voir », ma première remarque spontanée fût que
Vincent MICHEL pouvait être fier de lui. A double titre. Pour la qualité du texte d'une part ; et d'autre part, l'exemplarité de son parcours. J'avoue avoir été submergé d'émotion et d'admiration à la lecture de l'histoire de cet homme.
J'y ai ressenti pleinement l'appétit de vie de l'enfant (merveilleusement exprimé par le dessin de la couverture), l'enthousiasme indéfectible et la persévérance dans l'effort de l'étudiant (cf page 163 : « Colère , rage. Je ferai une thèse ! »), et bien sûr l'exaltation de l'homme engagé.
Un mot sur le titre : quand on referme le livre, on trouve une beauté particulière à la référence biblique du titre, référence développée à la page 224 où l'auteur sublime la démarche de croire avec cette acuité précieuse du regard absent.
L'écriture est riche, imagée, spirituelle. Les mots sont justes, à leur place. Les phrases coulent avec grâce, sans lyrisme envahissant, parsemées de touches poétiques heureuses et d'allusions littéraires ( page 48 : le bureau de travail dans la Tour de
Montaigne, au grenier) et musicales ( page 127 : ... « à toi Ludwig, qui a sublimé dans ta musique le vertigineux des tempêtes affrontées » ) qui, personnellement, ont touché mes cordes sensibles.
L'enchaînement des chapitres est parfaitement mené. le rythme des étapes est fluide et vivant. le récit chronologique s'arrête page 221 par une note finale qui résonne comme un plaidoyer lumineux pour la cause des aveugles.
Je pense que ces pages (221 à 233) constituent le sommet de l'ouvrage où, dans une espèce d'apothéose sertie de convictions,
Vincent MICHEL livre une analyse pertinente, lucide et argumentée, de la condition des aveugles, appelant les uns et les autres, voyants et non voyants, à se rencontrer.
J'y ai perçu un accent de colère face à ce qui est vécu comme une injustice, une « discrimination à coup sûr » : la difficulté matérielle d'accéder au Livre, à la lumière de « l'univers des mots écrits ».
J'ai trouvé judicieuse l'idée de convoquer
Homère,
Ray Charles et
Jacques Lusseyran pour affirmer que nombre d'esprits privés de vision n'en sont pas pour autant privés d'une subtile sensibilité aux arts, de la marque du génie, et, concernant le dernier cité, d'une grande noblesse d'âme.
Page 230, l'auteur dessine quatre belles images bucoliques et sensuelles, gorgées d'un bonheur de vivre rayonnant : le bruit de la source, les parfums de Provence, la caresse des doigts sur la peau, les senteurs du vin. Une suite poétique sensitive dont la chute claque à l'oreille des voyants comme une leçon de vie : pour goûter ces plaisirs simples, « il faut savoir fermer les yeux » ; sous-entendu, ces plaisirs simples qui illuminent nos jours, nous, les aveugles, les connaissons bien mieux que vous sûrement (ceci renvoie à la page 226 : « la clé de l'incompréhension loge par ici » ).
Les mots de la page 232 sont admirables. Ils couronnent le chemin de l'auteur d'une manière touchante et transcendent sa supplique ( « Regardez nous » ). Lorsqu'il écrit la dernière phrase de ce chapitre ( « c'est le chemin que j'ai choisi pour servir la cause des aveugles » ), tout est limpide dans le coeur du lecteur attentif et ému que je suis.
Dans les premières pages de son livre,
Vincent MICHEL parle de son enfance.
Moi-même enfant de la campagne, grandi à l'ombre d'un clocher de village et des figures tutélaires d'un brave instituteur et d'une grand-mère vénérée, je ne pouvais rester insensible au bruit du vent et aux senteurs mêlées des confitures, des cèpes et des épices dans le boudin.
Page 49 : avec quelle élégance de style l'auteur célèbre la vie du mas ! Et avec quelle pudeur il évoque le malheur !
Dans les pages 77 à 92( « Cécités »), pour raconter l'histoire de la fratrie, il a su trouver les mots justes ; et le récit qu'il nous livre, sans effusion de larmes, est poignant.
Vient ensuite le chapitre de la vie en institution.
Page 124, il y a cette dernière phrase sibylline : « les soutanes noires, le cauchemar...... c'est surtout ce qu'elles font ». Mais pourquoi donc à cet endroit ai-je dessiné de gros points d'interrogation ,
Le récit chronologique se termine page 233.
Viennent ensuite deux chapitres magnifiques, « L'intime » et « Convictions », fondamentaux d'après moi en ce sens qu'ils contiennent tout ce qui, on le devine, anime cet homme, le porte et fait sa raison de vivre.
C'est avec beaucoup de pudeur et de délicatesse qu'il introduit le lecteur dans l'écrin intime de son foyer.
Page 241 : les aléas de « la navigation conjugale » : belle métaphore maritime !
Page 248 : arrivée de Claire (premier enfant). « Je ne vois pas son visage. Je ne le verrai jamais ». Mais grâce à ses autres sens en éveil, il s'empare de ce petit corps, comme d'une offrande bénie. Un moment fort, magnifiquement restitué.
Page 252 : la mort de sa maman. Autre moment bouleversant de tendresse, où l'auteur rend à sa mère le plus beau des hommages en lui donnant la parole pour un dernier mot évangélique : « Vincent, il faut vivre avec les vivants ...... Continuez à vous aimer ».
Place ensuite, et pour finir, aux nobles convictions.
Dans le coeur et la mémoire des siens et de celles et ceux qui l'auront connu, le livre de
Vincent MICHEL marquera sa précieuse empreinte et brillera comme un cadeau.
Aux autres, il apportera, c'est certain, un sublime message d'espoir, qui résonnera comme une injonction : Aimez la Vie !