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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une suite à la Grande Beune comme si les décennies n'étaient pas passées.
"Le présent se rencontrait enfin."
Dans la Petite Beune, l'atmosphère reste intacte, Yvonne si belle et toujours séductrice sort le narrateur de l'ombre.
Et toujours le même plaisir immense pour moi de retrouver le style et la densité de l'écriture de Pierre Michon.
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Le long de la grande Beune, le jeune Pierre arpentait les chemins et les sentes dans l'espoir d'y croiser Yvonne. du côté de la petite Beune, il l'a cherche toujours, mais l'attente est tout autre.
Ce récit très faulknérien ou le comté de Yoknapatawpha prendrait la forme périgourdine de la vallée de l'homme est un chant du désir et de la passion. Les pulsions de Pierre n'existent que pour Yvonne, elle n'est pas un simple "objet" comme j'ai pu le lire dans d'autres critiques, elle est une reine, une femme libre vivant seule avec son enfant dans un bled perdu. Cela ne courait pas les rues dans les années 1960.
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Même si j'ai eu quelques passages à vide, j'accorde, après tergi et versations, les cinq étoiles à cette oeuvre.
Le livre est court mais exigeant. J'avais lu la première partie (sortie en 1996) il y a... vraiment longtemps. Donc je l'ai relue pour pouvoir la relier à cette deuxième partie (sortant du four) , de longueur à peu près égale.
On est en 1961 et le narrateur, instituteur, vient d'obtenir son premier poste au pays de l'homme de Cromagnon. le style est éblouissant, l'histoire prenante, un mâle désire une femelle callypige.
On pourrait comparer la lecture de ce texte à la visite d'une grotte. Quelques diverticules mal éclairés nécessitent un peu d'imagination de notre part. Mais quelle richesse dans ce récit ! La nature, la pêche, la psychologie des hommes, des femmes, les métaphores inattendues, la façon de mener le récit jusqu'à la chute, quelle maîtrise et quel bonheur de lecture pour moi, qui ai préféré le lire lentement, un chapitre à la fois, comme un feuilleton ... tendu comme un arc.
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❝Ce n'est pas dans la jouissance que consiste le bonheur, c'est dans le désir.❞
Marquis de Sade, Les 120 journées de Sodome

❝Je ne crois guère aux beautés qui peu à peu se révèlent, pour peu qu'on les invente ; seules m'emportent les apparitions. Celle-ci me mit à l'instant d'abominables pensées dans le sang.❞

Il aura fallu patienter 27 ans pour lire la suite de la grande Beune (1996). La petite Beune a paru au printemps et voilà Les deux Beune publié chez Verdier. Heureusement, le lecteur de Pierre Michon sait l'être, patient. L'auteur, peu prolifique, affectionne la lenteur ; pour vous donner une idée, sa dernière publication, Les Onze, date de 2009, 144 pages après une gestation de 17 ans. Ses livres ne sont pas épais ; le temps gestationnel ne leur fait pas faire du gras. L'homme n'aime pas les bouffissures, peu de pages sont assez. La densité n'est pas dans le nombre de feuillets, mais ailleurs. Ici, dans la tension sexuelle immanente entre un jeune instituteur et une buraliste plus âgée.

Les deux Beune nous transporte au fin fond de la Dordogne : ses paysages troués de grottes profondes dont les parois abritent encore les premiers signes rupestres de l'occupation humaine ; ses forêts de noyers et de châtaigniers enveloppées de brouillards denses laissant croire que le ciel descend jusque sur Terre ; ses cours d'eau intranquilles ourlant les falaises de calcaire, on y pêche la carpe, la truite et le brochet ; ses ciels lourds où passe le V des grues. Un décor primordial, de début du monde, lavé de pluies galopantes, à l'écart de tout. Un décor archétypal, ❝un brouillard avec des gens dedans❞. Noyés derrière le rideau de pluie : le réel, l'allégorie et le mythe. Un pays baigné et de la noirceur des eaux d'une Beune/Styx et de la blancheur du lait sur laquelle le texte se referme sans vraiment conclure.

❝Il n'y a pas de gare à Castelnau ; c'est perdu ; des autobus partis le matin de Brive ou de Périgueux vous y larguent fort tard, en bout de tournée.❞

Pierre a été largué fort tard à Castelnau. Jeune instituteur de tout juste 20 ans en cette année 1961, il vient prendre son poste dans ce village ❝entre Les Martres et Saint-Amand-le-Petit, […] sur la grande Beune❞. La salle de classe sent la poussière de craie ; la pension où il loge, ❝[la] poussière immémoriale et comme fossile❞. le bureau de tabac niché sous les arcades sent, lui, la Marlboro. C'est là que Pierre découvre la sensuelle Yvonne qui élève seule son petit garçon de 7 ans que l'instituteur a dans sa classe.

❝C'est peu dire que c'était un beau morceau. Elle était grande et blanche, c'était du lait.❞

Ainsi résumée, la trame narrative est mince. On se dit que des histoires comme celle qui s'annonce, on en a lu des dizaines. Alors à quoi ça tient la magie Michon ?

L'auteur a un art et une maîtrise de la langue française incroyables ; il est capable, comme le disait Honoré de Balzac, de nous faire accomplir de délicieux voyages, embarqués sur un mot, sur une association de mots (métaphores, oxymores, etc.) formant une image à la fois très nette et inattendue qui alimente, ici plus qu'ailleurs, l'ambivalence du récit.

❝Moi, j'utilise le mot par effraction, pour sa sonorité, parce qu'il fait image, ou parce qu'il atteindra violemment le lecteur. J'en fais un coup de poing, pas un acte intellectuel.❞
Pierre Michon, le Roi vient quand il veut (Albin Michel, 2007)

C'est ça, je crois, la magie Michon. La puissance de la langue quand elle évoque des images fantasmées, la fureur du désir impatient, la blancheur soyeuse de la chair,

❝Là, les après-midi de congé, le plus souvent sous la pluie, je faisais mine de prendre l'air et de m'intéresser fort aux herbes ou aux cailloux – les instituteurs ont de ces lubies, de ces licences –, mais je tournais en rond dans les sentiers et l'attendais, raide, crispé dans une contention douloureuse qui faisait battre comme à même mon sang une femme parée puis nue, rhabillée aussitôt et nue, un rythme de nylons, d'or et de peau, mille soies battant cette chair de soie.❞

la tension sensuelle qui érotise le paysage et sexualise la nature

❝La lèvre de la falaise en bas de quoi coule la Beune.❞

ou

❝Et peut-être qu'enfin Jeanjean levait haut la main, lentement, et montrait à l'autre ce monde qui leur appartenait : ce monde voué à l'hiver avec un soleil pâle émergeant des brumes et découpant la grange, les trous de la falaise, la lèvre de la Beune, leurs ombres à tous les deux sur le mur de la grange ; et un moment ils se foutaient du monde, sans un mot.❞

ou encore quand Pierre court au rendez-vous

❝J'enfilais le pont […] Je fus sur l'autre lèvre.❞

Car oui, dans Les deux Beune, tout n'est que désir et tension. le livre est métaphoriquement tendu par le désir du narrateur d'enfin posséder Yvonne ; le texte est ponctué de répétitions (lèvres, soie, orgeat, lait, chair, etc.) qui tournent au vertige obsessionnel, et visité par un bestiaire sauvage et archaïque qui questionne notre animalité.

❝Nous nous dévisagions comme on déshabille. Nos regards étaient du nylon tendu. Dans le mien le fer du désir sans masque. […] Tout m'était immense : ses traits énergiques, que démentait l'exquise lascivité du léger double-menton ; le rouge catin de ses lèvres, le bleu catin de ses yeux ; sa peau de crème fouettée. Sous la robe, l'orgeat.
Elle était terrifiée et exultait : elle était la bête au gîte qui sent le furet, mais elle était aussi le furet. Privilège inouï de la femme ! elle a les deux rôles, quand l'homme n'est que furet.❞

Désir dans lequel Michon fait descendre son lecteur en spéléologue pour qu'il s'y enfonce comme dans un lieu où la lumière du jour travaille les ténèbres souterraines, comme dans une puissance secrète : l'abîme magique et mystérieux du désir originel, presque instinctif, entre le jeune monsieur Pierre et Yvonne. Je reconnais qu'il est facile de prendre Yvonne pour une femme-objet, mais c'est oublier que Pierre Michon est plus futé que cela. C'est Yvonne qui décide et choisit. C'est aussi Yvonne qui fait durer le désir, faisant passer le jeune Pierre par tous les états, de la frustration à l'assouvissement : la chasse plutôt que la prise. Que peut Mado, insipide étudiante en Lettres, face à Yvonne que le désir du pêcheur qu'elle a couru rejoindre à travers bois farde des mêmes couleurs que les femmes dessinées sur les parois souterraines ?

❝les lèvres en plaies et les yeux mâchés, les escarpins terreux, et parfois la grande trace, le trait de miel noir, le cassis enflé dans l'orgeat.❞

Lire Pierre Michon est exigeant ; écrire sur Pierre Michon est acrobatique. Il faut faire parler la langue, et ça résiste. J'ai repoussé plusieurs fois l'écriture de ce billet, car je voulais éviter à ceux qui allaient me lire de penser que Les deux Beune n'est qu'un fatras de concupiscence pornographique. Ce n'est rien de cela, bien sûr. Pierre Michon excelle dans l'art du dilatoire, à dire l'attente et les préludes amoureux qui exaltent le désir et le portent à son point d'incandescence. Son affaire n'est pas tant l'acte que les préliminaires. L'espace resserré de 160 pages laisse peu de place pour les péripéties ou les rebondissements dans lesquels ce genre de roman se perd parfois. Et même si le narrateur se dit ❝fou à lier, fou à tuer❞, il y a peu de risque de le voir passer à l'acte, ce qui nécessiterait des développements dont l'auteur ne veut pas.

En dépit d'une écriture très hétérogène (les phrases amples et voluptueuses de la grande Beune précédant les phrases courtes et irrégulières de la petite Beune), Les deux Beune forme un récit cohérent et unifié à 27 ans de distance : une autre prouesse.

❝Je revois ce fourreau que tissaient les eaux perfides et tricoteuses de la Beune, et qui le long de la falaise montait gainer les peupliers, l'auberge, l'église. le monde avait mis ses dentelles pour que je les froisse, il m'aguichait de toutes les façons ; le monde est une femme.❞

Bref, tendu, charnel, archaïque, primitif, violent, païen, ce récit des origines, écrit par n'importe qui d'autre, aurait eu peine à verser ni dans l'obscénité ni dans le grotesque. Mais c'est Michon...
Lien : https://www.calliope-petrich..
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Ça parle de désir, de chair, de saisons, de concupiscence, de renard, de pêcheur, d'effluves, de brouillard, d'attente, d'avidité, de rivières, d'ardeur, de bois, d'impatience, de grottes, de blancheur, de soie, de sensualité, de courbes, de sexe et c'est fantastique.

Si j'ai Vies minuscules dans mes
livres depuis longtemps, c'est avec ce nouveau roman que je découvre Pierre Michon.

J'ai adoré alors que j'ai eu un petit recul aux premières pages. Une fois l'écriture domptée, je me suis laissée bercer par sa puissance.
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Un jeune instituteur arrive à Castelnau. Il s'éprend de la buraliste plus âgée que lui et déploie autour d'elle son désir fantasmé. Dans un paysage de grottes et de rivières où les peintures rupestres viennent rappeler aux hommes leurs origines, une parade amoureuse s'installe et se tisse.

Le roman s'ouvre dans la salle de classe surannée et poussiéreuse du narrateur. Nous sommes directement entrainés dans un univers désuet et minéral. L'intrigue compte moins que la fulgurance des images charriées par la langue. Des visions de natures, de grottes, d'enfances et de pêches émaillent cette montée du désir. La tension amoureuse, comme un courant profond, tient le récit et le lecteur.

Les deux Beune est une lecture exigeante, de celle qui se déguste par petits morceaux dans le calme le plus absolu. L'effort vaut la peine car la beauté surgit très vite de l'écriture ciselée et de la puissance d'évocations de l'auteur. Entre des images de natures froides et de grottes profondes, entre les renards errants et les nappes de brumes opaques, nous rencontrons des personnages de chair. Pierre Michon sait autant dire les lieux que les êtres, ces mots emportent tout.
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L'un des plus grands écrivains français, dont le parcours m'inspirera toujours autant. Et quel plaisir de retrouver cette Beune, comme si le temps n'avait pas passé. Et de fait, le temps, lui, n'a aucun effet sur la plume et la talent de Pierre Michon.
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J'avais lu, il y a mille ans, la Grande Beune à laquelle un Michon presqu'octogénaire mais à la langue inchangée, ouvragée, somptueuse, ajoute sa petite soeur pour former les deux Beune.

Il y a une langue Michon : elle fait tout. Emporte tout. Ravage tout. Il faut s'y jeter, comme on jette son kayak dans un torrent en montagne, et se laisser porter, remuer, froisser, secouer - émerveiller...

Ici, sa langue fait corps avec une région, le Périgord noir, les Eyzies, la Dordogne, des rivières, la Vézère, les deux Beune, des hameaux habités depuis le Paléolithique - et la mémoire, sous forme de traces, silex, objets, grottes ornées (dont la Chapelle Sixtine de la Préhistoire : Lascaux) des 400.000 années d'occupation terrestre - le tout dans une nature sauvage, nourricière qu'on croirait inchangée.

L'histoire, celle d'un jeune instituteur qu'attire follement une buraliste aux formes de Vénus, Yvonne, danse comme la lumière des torches sur les peintures pariétales des grottes de l'endroit. Il y a la pluie, le calcaire, le marne, les animaux immémoriaux, les forêts, les poissons, les rivières - et ce désir qui embrase et qui brûle, et la folie des corps qui s'aimantent.

Un texte magnifique.


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Ce texte aurait pu, du (?) être un roman, c'est simplement un texte magnifique en deux parties
Ce texte aurait pu, (du ?) s appeler l'origine du monde, comme le tableau de G Courbet, comme la préhistoire, comme le désir.
Le désir dans un pays de brume, de forêt, de rivière, de grottes, dans une France rurale, encore archaïque, dans un village entre le café et l école.
Un très beau texte
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