Dans les premiers temps historiques, la grande majorité du sexe masculin était esclave comme la totalité du sexe féminin. Il s'est écoulé bien des siècles, et des siècles illustrés par une brillante culture intellectuelle, avant que des penseurs aient eu l'audace de contester la légitimité ou la nécessité absolue de l'un et de l'autre esclavage. Enfin ces penseurs ont paru ; et, le progrès général de la société aidant, l'esclavage du sexe masculin a fini pat être aboli chez toutes les nations chrétiennes de l'Europe (il existait encore il y a cinq ou six ans chez l'une de ces nations), et l'esclavage de la femme s'est changé peu a peu en une dépendance mitigée. Mais cette dépendance, telle qu'elle existe aujourd'hui, n'est pas une institution adoptée après mûre délibération pour des considérations de justice et d'utilité sociale ; c'est l'état primitif d'esclavage qui se perpétue à travers une série d'adoucissements et de modifications dues aux mêmes causes, qui ont de plus en plus poli la rudesse des manières, et soumis dans une certaine mesure toutes les actions des hommes au contrôle de la justice et à l'influence des idées d'humanité : la tache de sa brutale origine n'est pas effacée. Il n'y a donc nulle présomption à tirer de l'existence de ce régime en faveur de sa légitimité. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il a duré jusqu'à ce jour, tandis que d'autres institutions, sorties comme lui de cette hideuse source, ont disparu ; et, au fond, c'est bien cela qui donne un air étrange à l'affirmation que l'inégalité des droits de l'homme et de la femme n'a pas d'autre origine que la loi du plus fort.
C'est toujours une lourde tâche que d'attaquer une opinion à peu près universelle. A moins d'un très grand bonheur ou d'un talent exceptionnel, on n'arrive pas même à se faire écouter. On a plus de peine à trouver un tribunal qu'on n'en aurait ailleurs à obtenir un jugement favorable. Parvient-on à arracher un moment d'attention, il faut, pour le payer, subir des conditions inouïes. Partout la charge de faire la preuve incombe à celui qui affirme.
Toutes les conditions sociales et naturelles concourent à rendre à peu près impossible une rébellion générale des femmes contre le pouvoir des hommes. Leur position est bien différente de celle des autres classes de sujets. Leurs maîtres en attendent plus que leur service. Les hommes ne se contentent pas de l'obéissance des femmes, ils s'arrogent un droit sur leurs sentiments.
Je crois que les relations sociales des deux sexes, qui subordonnent un sexe à l'autre au nom de la loi, sont mauvaises en elles-mêmes et forment aujourd'hui l'un des principaux obstacles qui s'opposent au progrès de l'humanité ; je crois qu'elles doivent faire place à une égalité parfaite, sans privilège ni pouvoir pour un sexe, comme sans incapacité pour l'autre.
La femme la plus illustre qui ait laissé des oeuvres assez belles pour lui donner une place éminente dans la littérature de son pays, a cru nécessaire de mettre cette épigraphe à son ouvrage le plus hardi : "Un homme peut braver l'opinion ; une femme doit s'y soumettre."
La liberté d'expression est le sujet d'ardentes polémiques depuis plusieurs années.
D'un côté, l'abondance de commentaires, d'analyses "à chaud" et de polémiques donnent l'impression d'un brouhaha permanent. de l'autre, de nombreuses voix s'inquiètent de l'apparition de nouvelles formes de censures qui émaneraient de la société civile elle-même et redoutent la "cancel culture".
Des juristes s'inquiètent quant à eux des appels à durcir la législation dans le cadre de la lutte antiterroriste et redoutent que l'État ne finisse, au nom de la protection de la liberté d'expression, par s'en prendre à cette dernière. Dans un essai dense, "Sauver la liberté d'expression", la philosophe Monique Canto-Sperber retrace l'histoire de ce principe moral, élevé au pinacle du système de valeurs dans nos sociétés libérales. Elle rappelle que pour de nombreux auteurs fondateurs de nos modèles politiques comme le philosophe John Stuart Mill, c'est de l'échange public et contradictoire qu'émerge le progrès intellectuel et, éventuellement, la vérité.
L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer, l'invité était Monique Cantos-Sperber (07h40 - 08h00 - 23 Avril 2021)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr
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