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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Avec «Te souviendras-tu de demain ?» (Le titre est «Comme d'habitude», en Polonais), Zygmunt Miloszewski continue de nous étonner et de nous ravir.
Les aventures du procureur Teodore Szacki à Varsovie, Sandomierz et Olsztyn nous avaient fait découvrir un jeune auteur amoureux de son pays, de ses errances post communistes, et maîtrisant parfaitement les règles du polar.
Inavouable montrait qu'il maîtrisait aussi parfaitement les règles du polar historique, l'action nous emmenait dans les Tatras à la fin de la seconde la guerre mondiale, et différents personnages s'affrontaient pour percer un secret en lien avec la disparition d'un tableau pendant la guerre. Une écriture cinématographique assumée comme par exemple cette poursuite de voitures sur la Mer Baltique gelée !!!
A chacun de ses romans, l'auteur scanne la société polonaise avec talent et justesse en l'abordant sous de angles et des points de vue différents mais complémentaires.
C'est ce qu'il fait une fois de plus dans «Te souviendras-tu de demain ?» en jouant la carte du voyage dans le temps, ses décalages, ses farces et ses surprises, ses déconvenues.
A la différence de nombre de romans de SF, où les voyageurs dans le temps sont volontaires, ses personnages sont des voyageurs dans le temps malgré eux.
Ludwik et Gazyna se connaissent depuis cinquante ans. Nous sommes en janvier 2013 et ils veulent revivre l'anniversaire de leur rencontre de façon intense. Ce sont deux octogénaires plein de vie et d'amour, mais cela ne leur évite ni le Viagra pour lui, ni la lingerie coquine pour elle.
Milosewski donne une description de la vieillesse très juste et pleine d'humour :
« C'est ce qu'il se disait en accomplissant sa toilette matinale qui, ces derniers temps, se rapprochait de la vérification point par point de la check-list du décollage d'une navette spatiale.
Uriner – une seule minute. Ah, vraiment, il était rempli de fierté à l'idée qu'à son âge, la prostate lui causait si peu de soucis ; il était persuadé qu'il fallait mettre cette prouesse au crédit de ses rapports sexuels réguliers et de la masturbation qui, dans son cas, l'était encore davantage.
La douche – prise.
Les dents – brossées.
Les fausses dents – extraites du boîtier, lavées, réajustées.
La bouche – rincée
L'appareil auditif – mis. Il n'en avait pas véritablement besoin, mais ne voulait pas passer pour ce vieillard irritant réclamant sans cesse qu'on lui répétât des phrases.
Les yeux – gouttes versées.
La crème à paupières – appliquée.
Les cheveux – peignés, légèrement aspergés de spray.
La barbe et la moustache – taillées.
Les lunettes – essuyées.
Les genouillères stabilisatrices – enfilées avec moult geignements et difficultés.»


Le lendemain au réveil : surprise ! Ludwik et Grazyna se retrouvent dans le Varsovie de 1963, dans leur corps de jeunes gens, mais avec l'expérience de deux octogénaires qui ont vécus la guerre, l'occupation allemande, le régime communiste et la chute du mur.
Autant dire qu'ils sont vaccinés contre toutes les idéologies que le monde a connu au XXème siècle, et qu'ils ont subis.
Mais voilà, la Varsovie de 1963 dans laquelle ils se retrouvent n'est pas celle qu'ils ont connue.
Les mêmes événements ont eu lieu, la guerre notamment, mais leurs conséquences diffèrent. L'URSS n'a pas imposé sa loi à un bloc de l'Est incluant la Pologne. Celle-ci est dirigée par une Union France Allemagne qui veut l'amarrer à l'Europe Occidentale et une Union Slave dans laquelle se retrouve le Communiste Gierek et le Général Jaruzelski lutte pour une Pologne indépendante attachée à ses valeurs traditionnelles.
Très vite, Ludwik et Grazyna sont confrontés à des contraintes dont ils ignorent tout. La francisation du pays, le rôle joué par l'armée polonaise dans la guerre d'Algérie et d'autres tout à l'avenant les laissent rêveurs.
Ils se retiennent pour ne pas divulguer leurs connaissances de sujets qui n'ont pas encore été abordés par la société de 1963.
Ils jouent le jeu, mais étonnent leurs amis, ou parfois les choquent. de plus dans ce Varsovie-là, ils ne sont pas encore mariés.
Le tout est traité avec humour, comme cette scène au restaurant :
«On leur apporta leurs plats : un tajine aux légumes et un couscous aux saucisses d'agneau. « La Maisonnette blanche » s'avéra une interprétation polonaise du nom Casablanca et on y servait, comme l'annonçait l'enseigne, une «cuisine des pays du Maghreb», ce qui combla Ludwik parce qu'il adorait les mets épicés, or, précisément dans les années où une nourriture relevée avait fait son entrée en Pologne, son gastro-entérologue lui avait interdit de s'en approcher.
- Merci, Ahmed, ça semble délicieux, comme toujours, dit Iwona dans un français impeccable.
Elle sourit à l'homme qui les avait servis et donnait l'impression d'être le propriétaire de l'établissement.
- C'est moi qui vous remercie, répondit-il en polonais, mais avec un fort accent français. Vous être toujours très gentille, chère madame. Moi je préparer la nouveauté à goûter de ça Turquie. Doneh kebab, viande du mouton grillé dans le pain. Nous aller vendre ça de la fenêtre dans la rue, comme chez nous. Ça être…
Les mots lui manquaient.
- le tube de l'été  ! précisa-t-il en revenant au français.
- Un triomphe, Ahmed. Ou une prouesse. Mais ajoute peut-être quelque chose de polonais à ce plat pour que ça se vende ?
- Une salade de chou peut-être ? lança Ludwik, sans parvenir à se retenir, songeant aux kebabs polonais du XXIème siècle. Ahmed grimaça.
- du chou, mais cher monsieur…
Soudain, il devint songeur.
Ce n'est pas une idée mauvaise, qui sait. Vous être génial, cher monsieur ! Moi aller goûter ça.»

Le roman se lit facilement et sous ses airs de ne pas y toucher traite de sujets contemporains.
Dans cette nouvelle réalité de 1963, Ludwik et Grazyna font face à une famille et à des amis engagés dans leur époque comme ils l'étaient eux-même et ne le sont plus. En confrontant les deux réalités vécues par Ludwik et Grazyna, l'auteur revient à l'un de ses sujets de prédilection, l'évolution de la société polonaise et le divorce progressif entre des citoyens qui bénéficient des progrès du capitalisme triomphant dans le pays et ceux qui en sont exclus.
A la façon d'un Montesquieu ou d'un Voltaire il nous livre un conte philosophique où cette société imaginaire est en fait pour lui un moyen de critiquer sans le faire directement les travers de nos sociétés, comme l'immigration, mais aussi les tromperies de la démocratie.
A lire assurément.
Zygmunt MilosZewski n'a pas fini de nous étonner.
Lien : https://camalonga.wordpress...
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Disons le tout net : ce roman n'est pas sans défauts, je l'ai pourtant a-do-ré !
On y rencontre Grazyna et Ludwik à Varsovie au moment de l'anniversaire de ce dernier, il va fêter (à leur manière…) ses quatre-vingt trois ans. Grazyna n'a encore, elle, que soixante-seize ans. Ayant accès à leurs pensées intimes, on voit bien qu'ils ne sont pas autant sur la même longueur d'onde que lui en tout cas semble le penser. Tout à coup (et on ne saura jamais ni pourquoi ni comment) ils se réveillent cinquante ans plus tôt, dans une Pologne colonisée par la France. Rien n'est pareil et eux, surtout, ont leur âge réel dans des corps d'une trentaine d'années…
Zygmunt Miloszewski s'amuse beaucoup dans ce roman, et c'est extrêmement communicatif. Il mélange les genres et on a droit à une comédie romantique teintée de SF (avec mon sous-genre préféré, le voyage dans le temps !) sous-tendue par une uchronie permettant de délivrer un solide message politique, le tout nimbé d'observation sociale avec un très amusant jeu de traductions. On y est à fond, tout à tour ému, secoué de gloussements, mal-à-l'aise, mais toujours fermement accroché et intéressé. Ça aide si on connait un peu l'histoire de la Pologne mais ce n'est pas un préalable nécessaire, et on n'en revient pas de la manière si franche dont les sujets dérangeants sont abordés. Il faut voir Ludwik tentant par tous les moyens d'utiliser sa connaissance du futur (mais de « son » futur, qui n'est pas celui de la Pologne où ils se retrouvent…) pour se faire de l'argent ou Grazyna lutter à sa manière contre le sexisme forcené des années 60. C'est très, très drôle et on aurait bien aimé un tout petit peu de notes de bas de page pour quelques points qu'on ne comprend pas toujours (je pense par exemple au passage du restaurant avec les deux visiteurs français).

« Bon, je vais être honnête avec vous.
– Je n'espère rien d'autre.
– Vraiment ? Ça serait une première dans le milieu des belles lettres polonaises. Ce que vous proposez, monsieur, c'est de la mauvaise littérature, vous vous en rendez certainement compte, un orphelin magicien à la Dickens, un Hitler armé d'une baguette magique, un cadavre dans une mare de sang au pied de « La dame à l'hermine » de Vinci et la petite-fille de Jésus qui couche avec un scientifique de Cracovie peu dégourdi. C'est ignoble, mais puisque je dois être honnête, alors je dois avouer que ça recèle aussi une sorte de potentiel pervers de littérature de gare, à condition qu'on aime les voyages dans les wagons à bestiaux, j'entends. le pire cependant, c'est que vous ne savez pas écrire.
– Vous n'êtes pas très sympathique. »
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Ludwik et Grazyna sont un couple de personnes âgées qui vivent en Pologne. Ils fêtent les 50 ans du début de leur relation. le début du roman nous montre donc un couple autour de 80 ans avec leur complicité et leur ressentiments après toutes ces années passées ensembles. Grazyna semble regretter de ne pas avoir vécu plus d'aventure tandis que Ludwik se satisfait de leur années de vie tranquille.

Et puis, le lendemain de leur anniversaire, ils se réveillent ensemble mais ils ont retrouvé leur corps de jeunesse tout en ayant gardé tous leurs souvenir de 50 ans de vie commune. Ils sont toujours en Pologne, dans le passé mais le pays qu'ils ont rejoint a changé et leurs vies dans ce nouveau présent n'est pas exactement le même que quand ils l'ont vécu la première fois.

Ils vont devoir deviner ce qui se passe et comprendre de nouveaux codes. Certains aspects du passé ont bien eu lieu (la 2e guerre mondiale par exemple) mais la Pologne ne fait pas partie du bloc communiste, au contraire, elle entre dans une union avec la France. Les opinions de la population s'opposent entre ceux qui veulent cette union et ceux qui y voient une colonisation.

Les circonstances de la vie de Ludwik et Grazyna font qu'ils ne sont pas ensemble dans leur nouvelle vie et découvrent même qu'ils ne sont pas forcément très compatibles… Ils ont même du mal à comprendre et accepter leurs personnalités de cette nouvelle époque et leurs choix de vie. C'est d'ailleurs l'occasion de vivre une autre vie… Et pourtant, on n'efface pas 50 ans de vie commune comme ça.

Je me suis entièrement laissée emporter par cette aventure à la « Retour vers le futur » (et pour la petite anecdote, le hasard a voulu que j'ai revu ce film au moment de ma lecture!) avec des questions politiques sur la situation de la Pologne, passée et présente (ou future?) et sociales. Par exemple, Grazyna est une femme de 80 ans qui arrive dans les années 60 et qui essaie d'insuffler des idées plus progressistes et féministes aux jeunes femmes qu'elle fréquente. Et pendant qu'on parle des petites touches rapportées du futur, Ludwik essaie de vendre à un éditeur un « Da Vinci Code » et « Harry Potter » à la polonaise pour devenir riche mais les idées ne suffisent pas ses talents d'écrivain n'étant pas à la hauteur…

Je n'ai pas été gênée de ne pas connaitre Varsovie mais je pense que ce roman aura encore plus de saveur pour ceux qui connaissent la ville car ils verront tout de suite ce qui a changé et qui ne correspond pas à la réalité du 21e siècle. J'ai vraiment apprécié ma lecture mais je dois avouer avoir été un peu déçue par la fin. J'ai eu l'impression qu'après avoir monté tout un monde parallèle très réussi l'auteur avait un peu de mal à trouver une fin à la hauteur. La fin est assez réaliste en rapport avec l'histoire mais elle est tombée un peu à plat pour moi mais pas au point de me gâcher le plaisir de lecture que j'ai eu avant.
Lien : https://ennalit.wordpress.co..
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En quelques mots, je voulais saluer la prouesse de l'auteur - à mes yeux du moins - à nous faire éprouver ce que nous ressentirons peut-être lorsque nous serons âgés. Certes, le roman m'a également plu pour ses autres aspects (narratif, documentaire, ...); mais il m'a vraiment frappé sur ses comparaisons détaillées et précises de ce qu'est être vieux pour un trentenaire, et ce qu'est être jeune pour un octogénaire. du coup, j'en retire la conviction qu'il faut profiter de sa jeunesse, s'aimer tel que nous sommes car il y a de fortes probabilités pour que nous le regrettions plus tard. C'est du moins ce que j'ai appris de ce livre.
Et pour le reste, je le recommande, il m'a captivée, même si je ne connaissais rien à l'histoire de la Pologne. L'idée d'une Union différente pour la Pologne est originale et bien traitée !
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