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Zofia Lorentz tome 1 sur 2
EAN : 9782265116238
608 pages
Fleuve Editions (14/09/2017)
3.6/5   261 notes
Résumé :
Zakopane, chaîne des Tatras, 26 décembre 1944

Un résistant serre contre lui un étui métallique, À ses oreilles résonnent encore les dernières Instructions de l'officier nazi qui lui a confié « le plus grand secret de cette guerre »... Alors qu'il est pris dans une tempête de neige, sa formation d'alpiniste pourrait se révéler cruciale. Non loin de là, dans une auberge, un homme contemple par l'une des fenêtres la même bourrasque déchaînée. Après une u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (78) Voir plus Ajouter une critique
3,6

sur 261 notes
J'ai lu Inavouable, d'un auteur que je vais maintenant suivre, grâce à mon amie de Babelio Yaena, qui me fait décidément découvrir de bien beaux livres. Merci Yaena !

In...avouable, donc. C'est un thriller : je ne vais pas m'étendre sur l'histoire, la quatrième de couverture en dit bien assez. Et quoi d'autre ?

In...the-mood-for-love ? Eh bien oui. C'est un thriller, mais les personnages sont vivants, ils ont des sentiments, des émotions, ils tombent amoureux, ou pas, ils se trompent, ils se rachètent, ils vivent, ils meurent (un peu, pas trop), et c'est tout cela qui fait de ce livre un thriller bien supérieur, du moins selon mes critères, à ses confrères américains dont vous connaissez tous les noms. Oui, car l'auteur est polonais, je ne vous l'avais pas dit ?

In...compatible avec la vie normale pendant le temps qu'on le lit ? Carrément. Ce n'est pas le genre de roman qu'on a envie de lâcher, et ce, même s'il est une heure du mat et qu'on doit se lever à six. Ne croyez pas google qui vous dira qu'il est long : il passe vite, très vite, in...finiment vite. Mais c'est sûr que si on décide de le commencer pour se détendre juste avant "la" réunion dont dépend notre financement des cinq prochaines années, c'est se torturer in...utilement car il y a fort à parier qu'on aura envie d'expédier cette réunion vite fait pour le retrouver.

In...compréhensible ? Pas du tout, quelle idée ! Par contre, c'est vrai que ce livre m'a posé un vrai problème : son histoire se mélange subtilement à de véritables faits historiques, et on ne sait pas où termine la réalité et où commence la fiction. Il est question d'oeuvres d'art qui ont disparu pendant la seconde guerre mondiale (un tableau de Raphaël ; la "chambre d'ambre"...) : wikipédia raconte les mêmes histoires, et ajoute que ces disparitions restent des énigmes non résolues. Mais le roman est tout de même une fiction, et j'ai été régulièrement gênée de ne pas savoir où s'arrêtait la réalité. Les personnages qui gravitent autour de ces oeuvres d'art sont fictifs ; mais le sont-ils tous ? Parmi ceux des années 40, quels sont ceux qui ont réellement existé ? Je n'ai pas fait d'in...nombrables recherches sur le web pour avoir l'ensemble des réponses : de toute façon, on comprend parfaitement l'histoire sans cela. Mais j'ai découvert que ne pas le savoir, ne pas avoir accès à un petit appendice par exemple où l'auteur dirait "je me suis inspiré de ceci cela", pouvait être dérangeant.

In...utile de faire des mises en garde avant la lecture ? Eh bien si, puisque vous me posez la question, juste une : j'ai lu tout le début sans faire attention aux noms, à consonances polonaises, et j'ai très vite été perdue. Mais comme je me rendais bien compte que c'était captivant, j'ai recommencé. Pour éviter cette étape, je vous recommande donc de faire ce que j'ai fait la deuxième fois, i.e. de noter tous les noms sur une feuille, un peu comme quand on lit Tolstoï ou Dostoïevski, vous voyez ? Au bout de 50 pages, vous aurez fait le tour des personnages, et au bout de 100, vous n'aurez plus besoin de votre papier. Mais il est quand même in...dispensable pour commencer.

In...téressez-vous à ce livre, lecture parfaite pour les prochaines vacances au ski, par exemple (vous voyez, je prends soin de la préparation de vos réunions) !
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L'histoire débute le 26 décembre 1944, dans la chaîne des Tatras », avec la fuite, en pleine tempête de neige, d'un résistant chargé par un officier nazi de mettre un mystérieux étui métallique à l'abri. Il s'agirait d'un grand secret de cette guerre.

Mais notre homme, alpiniste réputé, s'épuise en tournant en rond dans la tempête et l'objet est perdu, l'officier avale une capsule de cyanure pour échapper aux Alliés aussi bien qu'aux russes.

Saut à l'époque actuelle, avec un « attentat » terroriste déclenché sur les cabines du téléphérique, dans les Tatras toujours. Mais un militaire réussit à déjouer en partie la manoeuvre, limitant à la casse, une seule cabine avec deux personnages à bord, faisant le grand plongeon. le militaire en question tient à rester un héros dans l'ombre, et s'apprête à prendre sa retraite.

Soudain, un tableau de Raphaël « le portrait d'un jeune homme », disparu des radars depuis fort longtemps réapparaît sur une photo chez un collectionneur lambda. Il s'agit d'une oeuvre dérobée par les nazis à la Pologne pendant la guerre. le premier ministre Donald Tusk charge Zofia Lorentz, une experte en art qui traque ces oeuvres pour les faire revenir dans les musées polonais.

On va lui constituer une équipe (à aucun moment, on ne lui a demandé son avis dans le choix des membres) qui comprend un marchand d'art, Karol, un ex-militaire Anatole dont on a déjà fait la connaissance, et une suédoise, voleuse chevronnée, qui purge une peine de prison après s'être fait prendre la main dans le sac lors de sa dernière opération.

Dans ce thriller haletant, un pavé de 635 pages, on suit cette équipe un peu étrange dont la première intervention pour récupérer le tableau est un échec, car des mercenaires, tueurs à gage, des espions tentent à tout prix de faire capoter l'opération. Qui est à la tête de l'opération ? c'est ce que doivent tenter de découvrir le quatuor. A qui peut-on faire confiance, quand l'ennemi en face utilise l'artillerie lourde, du matériel de guerre ?

Un mot sur les personnages féminins : Zofia, c'est l'intellectuelle obsessionnelle, sans concessions, qui tient les autres de haut, se lance dans des explications dithyrambiques, qui pourraient faire l'objet d'une thèse. Toute la partie consacrée à l'histoire du tableau de Raphaël que Zofia explique à ses compagnons est passionnante.

Lisa, c'est l'extravertie, qui à un langage de charretier, qu'elle met sur le compte de son passage en prison, amoureuse de son Claude (Monet) au point d'aller voler une (voire plusieurs) de ses oeuvres pour la conserver pour elle…

A noter une scène très drôle : Lisa, en tenue d'Eve, pro du piratage informatique et des dernières technologies en vogue, qui déjoue les systèmes de sécurité, pour aller s'emparer du « Jeune » …

L'auteur nous promène avec habilité dans le milieu de l'art, à tel point qu'on ne sait plus qui a existé ou pas : le collectionneur Ignace Korwin-Milewski et sa mystérieuse Catherine par exemple…

L'histoire est passionnante, le suspense au rendez-vous. En plus, on s'aperçoit que les quatre compères ont un passé compliqué, des secrets, des intérêts divergents, des amours blessées et chacun a une personnalité bien affirmée. On ne s'ennuie pas une minute, tant les rebondissements sont nombreux.

Ce thriller nous entraîne dans deux domaines qui m'intéressent particulièrement : la seconde guerre mondiale et l'histoire de l'art, les oeuvres dérobées par les nazis, et même si les explications de Zofia sont parfois trop « scolaires », je me suis fait plaisir car Zygmunt Miloszewski s'est extrêmement bien documenté, donc nous livre toute une réflexion sur l'histoire des impressionnistes, le milieu des collectionneurs, des antiquaires, les opérations douteuses, en mêlant habilement l'Histoire, les magouilles des uns et des autres.

Grâce à l'auteur, j'ai découvert le peintre polonais impressionniste Aleksander Gierymski, notamment sa « vendeuse d'oranges » par exemple…

C'est le premier livre de Zygmunt Miloszewski qui atterrit entre mes mains et j'ai beaucoup aimé. D'autres m'attendent et j'ai bien l'intention de continuer à explorer son univers. Ce n'est pas une découverte de hasard, cela fait un bon moment que je vois passer des critiques enthousiastes sur Babelio, et je l'avais sélectionné pour le Challenge il y a un an déjà…
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Zygmunt Miloszewski nous a habitués aux récits à secousses.

Romance, aventure, culture, Inavouable est une extraordinaire expédition aux allures de thriller d'espionnage qui embarque le lecteur dans le monde de l'art, où politique, machinations, faussaires et secrets d'Etat se disputent une place au soleil.

Ce roman contient tout ce que nous aimons chez le journalisme/romancier/scénariste polonais : des personnages cassés mais marquants, une langue crue, un humour féroce, une colère politique sous-jacente, beaucoup de suspense et une histoire percutante et des rasades de subversion.

Le quatuor infernal absolument hétéroclite et improbable qui nous fera transpirer de frayeur plus d'une fois est très attachant et l'auteur polonais se sert d'eux pour nous infliger son humour décapant et beaucoup de ses idées sur l'Amérique mais surtout sur la Pologne, sa terre natale.

Quel rythme, quel souffle !
Des courses poursuites, des embuscades, de l'action, des rebondissements,
Inavouable est aussi efficace dans sa mécanique comme virulent dans sa manière d'épingler et de dénoncer le vol des oeuvres d'art et des trésors pillés pendant la Seconde Guerre mondiale.
Erudit tout de même, parfois il y a quelques pépites aux multiples niveaux de lecture.

Du grand art !


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Lire Inavouable c'est comme devenir un des membres de l'équipe de mission impossible! Notre équipe de choc est composée d'une experte en arts, d'un marchand d'art, d'un militaire des forces spéciales et d'une voleuse, et leur entrée en scène donne tout de suite le ton et il n'y a pas à dire : ils ont la classe. Leur mission? Récupérer un tableau dérobé à la Pologne pendant la seconde guerre mondiale par les Nazis du moins c'est ce qui leur est annoncé...
Certes la mise en place peut paraître un peu longue, mais elle est nécessaire à la bonne compréhension de toutes les subtilités de l'histoire. Et quel régal quand les pièces du puzzle s'assemblent au fur et à mesure que l'on avance. Pas le temps de s'ennuyer, le rythme est soutenu. Les chapitres sont courts et percutants et pourtant les descriptions des lieux et des paysages sont réalistes et détaillés, c'est comme si on y était.
Le livre a d'ailleurs une dimension cinématographique très marquée (ce qui s'explique puisque l'auteur est aussi scénariste). A certains moments j'ai même eu l'impression de visualiser l'action au ralenti: l'auteur nous décrit une scène en détaillant simultanément l'action de chaque personnage.
Côté personnages pas de personnalités fades ni de caricatures. Même les personnages secondaires ont une vraie consistance. Les personnages principaux sont bien travaillés. Ils ont chacun leur personnalité et on évite les clichés. L'auteur distille tout au long du livre des détails sur leurs vies passées et lève progressivement le voile sur leurs différents traits de caractère ce qui les a rend crédibles et humains.

Espionnage, contre-espionnage, courses poursuites, thèses conspirationnistes, tueurs à gage, mensonges d'Etat, tout y est je jubile, et là paf une histoire d'amour pointe le bout de son nez et je me dis voilà qui va tout gâcher! et bien non. Pas de niaiserie ni d'histoire à l'eau de rose rien de tout cela, au contraire ça sonne juste. Et ça reste secondaire.

Il ne s'agit pas non plus d'un livre d'action de seconde zone, l'aspect historique est travaillé de même que tout ce qui concerne le milieu de l'art. L'auteur a du se documenter très sérieusement pour arriver à ce résultat et il est toujours appréciable d'acquérir quelques connaissances en profitant d'une bonne lecture. Pas de langue de bois non plus, l'auteur ne se prive pas d'égratigner au passage la politique des Etats-Unis et de se moquer de ses compatriotes. le ton est cynique, l'humour piquant. D'ailleurs il faut souligner la qualité de la traduction car l'ouvrage est bourré d'humour noir et de répliques ironiques et bien senties qui tombent à plat et n'ont aucun sens si la traduction est mauvaise.

Quant au dénouement je ne l'ai pas vu venir. C'est inattendu et plein de rebondissements.
Petit bémol, certains aspects sont parfois un peu tirés par les cheveux mais comme c'est bien fait et en cohérence avec l'ensemble ça passe.
Je ne connaissais pas cet auteur et je suis conquise. J'ai dévoré ce livre.
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Ce que j'ai ressenti:…Déblaiement artistique!

J'aime à me lire des briques, et m'enfoncer dans les secrets historiques pendant mes vacances, tout cela dans la chaleur d'un plaid en grignotant des fruits secs , donc vraiment cette lecture, elle tombait à pic dans mon planning, et je tenais à vous faire partager ce petit instant Inavouable de ma vie de lectrice…En voilà, un thriller glaçant, mis en scène comme une production cinématographique avec quelques jolies pistes de recherches personnelles, pour suivre ce quatuor tout-terrain!

"Mais depuis cette époque, je considère le temps différemment. Je profite de chaque instant, je m'efforce de l'exploiter, de l'apprécier, de le goûter au cas où il serait mon dernier."

Quelle passionnante escalade au sein de la montagne des oeuvres dérobées pendant la deuxième guerre mondiale! Zygmunt Miloszeski explore la part sombre de l'Art et nous sert sur un plateau d'argent en monochrome, un thriller de haute voltige à la recherche de peintures perdues dans les tréfonds de l'Histoire. Un petit pavé minutieusement orchestré, pour nous lancer à l'assaut d'incroyables beautés, dont un sourire, valant quelques milliers d'euros (au bas mot), et une multitude d'acquéreurs qui seront prêt à tous les pires stratagèmes pour mettre la main sur leur folle passion…

"-Quelle…misérable créature a accroché un Raphaël à côté d'une télé?"

J'ai adoré l'intensité de la plume de Zygmunt Miloszewski, sa façon de nous rendre vibrante toute action, qui d'un seul coup, prend des airs de cinéma, de véritables scènes à couper le souffle: dès l'incipit, on est happé au sein d'une bourrasque, et c'est presque si on ne se gèle pas sur place en tournant les pages, et l'auteur nous distille tout au long de son intrigue, des minutes de lectures vertigineuses et saisissantes qui rendent son thriller plus étourdissant et palpitant qu'il ne l'est déjà de par son thème. J'ai pris beaucoup de plaisir à me balader dans les secrets d'histoires, les filières de l'Art et les bouillonnantes années de la Seconde Guerre Mondiale. Avec beaucoup d'humour, l'auteur nous parle de la Pologne, de son passé ravagé, de ses trésors perdus, et cette lecture devient pour notre plus grand plaisir, un moment instructif et passionnant!

"Mais le savoir…le savoir, c'était le pouvoir."


Ma note Plaisir de Lecture 8/10

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Citations et extraits (180) Voir plus Ajouter une citation
Les femmes vieillissent de différentes façons, selon leur personnalité et leur beauté. Les gentilles filles du voisinage se transforment en vieilles souriantes et blanches comme des colombes, le genre super-mamie dont rêverait n’importe quel gamin. Les éternelles mouchetés, telle Glenn Close, gagnent en noblesse des traits et deviennent des dames élégantes aux allures de comtesses russes. Les plus chanceuses sont les reines des glaces du genre Lauren Bacall, qui peuvent bien avoir deux cents ans, on distinguera toujours chez elles les traces d’une ancienne beauté et la fierté qui l’accompagne. Le temps est moins clément avec celles qui, jeunes, étaient girondes et craquantes comme Elizabeth Taylor. Non seulement elles se transforment en matrones en surpoids, mais en plus, elles ne remarquent pas que le sex-appeal est comme l’esturgeon : un sex-appeal de fraîcheur douteuse, ça n’existe pas.
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Après trois heures de sommeil, le gouverneur en personne se réveilla avec la langue pâteuse et le sentiment du devoir accompli. Comme chaque matin, sa première activité fut d’arranger les rares cheveux qui lui restaient. Peignés en arrière et recouverts de brillantine, ils ressemblaient encore à quelque chose ; pointant pitoyablement dans tous les sens au réveil, ils lui donnaient des allures de personnage satirique et sombre de chez Dickens ou Andersen. Une fois coiffé, il se posta devant la fenêtre de son appartement et admira le monde blanc au-dehors. C’était beau mais ses Alpes lui manquaient.Par chance, si tout allait selon ses plans, il serait bientôt à la maison, et ses perspectives d’avenir ne le préoccupaient pas. Les Soviets l’auraient probablement fusillé sans attendre, il s’agissait après tout d’une imprévisible horde de Slaves, mais avec les Américains en Bavière, la conversation serait tout autre. Les Américains étaient des gens civilisés qui commenceraient par lui poser des questions. Or, il avait beaucoup à leur dire et énormément à leur offrir. Il possédait une carotte, mais avant tout, il disposait aussi d’un bâton à la vue duquel ils allaient se recroqueviller comme des chiens. L’une comme l’autre lui garantiraient aisément un avenir radieux. Quelque part en Amérique du Sud peut-être ? On disait que le climat était clément en Argentine. Cela vaudrait le coup d’y réchauffer ses vieux os.
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La douleur après une perte est comme un costume d'épines. Au début nous ne comprenons pas ce qui se passe, nous nous débattons dedans, nous déchirons notre peau avec les piquants et tout notre corps saigne. La souffrance devient l'unique préoccupation. Peu à peu, nous apprenons que nous débattre n'a aucun sens. Nous demeurons immobiles, les plaies se referment et nous nous répétons en boucle que nous allons recouvrer la santé. A la fin, il nous faut bouger; alors, nous réalisons que la combinaison restera pour toujours et que notre épiderme est parsemé de cicatrices roses et délicates, prêtes à se rouvrir, à saigner et à faire mal au moindre remous. Nous ne pouvons pas vivre dans la combinaison comme nous vivions avant. Nous ne pouvons pas oublier la douleur et faire comme si de rien n'était.
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Ce voyageur, persuadé de grimper sans cesse, avait à peine vingt et un ans et cela pouvait expliquer ses élans patriotiques. Il s’appelait Roman Kłosowicz, était originaire de Poznań et l’annonce de la guerre l’avait surpris en pleine formation d’alpiniste sur la face est du mont Kościelec, quand la nouvelle avait été hurlée par des touristes sur le sentier d’à côté. Il aurait dû rentrer à Poznań, mais l’oncle paternel qui l’élevait lui avait ordonné, dans un télégramme catégorique, de rester sur place, persuadé qu’une station de montagne serait un lieu plus sûr que la région de Grande-Pologne, frontalière de l’Allemagne, voïvodie que n’importe quel soldat désireux de se rendre plus à l’est devait traverser.Dans un premier temps, son oncle et sa tante avaient eu raison mais, à y regarder de plus près, ils s’étaient trompés. Les Allemands avaient occupé Zakopane à la vitesse de l’éclair, ils avaient posté des gardes-frontières dans tous les refuges des environs et suspendu une croix gammée en bois sur la face est du mont Mnich. Ils dirigeaient la population locale d’une main de fer pour qu’aucune idée stupide ne leur vienne en tête. Le nouveau pouvoir plaisait à certains montagnards, beaucoup moins à d’autres ; Roman, de son côté, arrondissait ses fins de mois en tant que serveur et résistait à sa manière, tentant ainsi d’aider la Pologne.Une Pologne qui, fidèle à ses habitudes, avait cessé d’exister une fois de plus. Les terres de l’Ouest, y compris Poznań, la ville natale de Roman, avaient été annexées par le Reich, les confins de l’Est étaient tombés sous le joug des Soviets, et le reste de la Pologne, dont Varsovie et Cracovie, avait été transformé en une créature étrange appelée Gouvernement général. Un certain Hans Frank en était devenu le dirigeant. Chouchou de Hitler, docteur en droit, il aimait à se présenter en tant que roi de Pologne et s’acquittait avec ferveur de sa mission de résolution définitive de la question juive, ainsi que de la résolution efficace de la question polonaise, avec pour objectif de ne laisser à court terme du peuple polonais qu’une collectivité d’esclaves obtus.Hans Frank, comme il sied à un roi de Pologne, avait pris ses quartiers dans le vieux château royal de Wawel, à Cracovie. Mais en découvrant Zakopane, situé aux pieds des montagnes, ville qui lui rappelait sa Schliersee bavaroise, il s’y était senti comme à la maison. Il avait rapidement ordonné qu’on rebaptise l’hôtel des Kalatówki – exceptionnel, car niché dans une clairière au cœur des montagnes et loin du reste de la station – en Berghaus Krakau ; il l’avait farci de SS et y avait établi une résidence de luxe où il passait presque tous ses week-ends. Il restait assis sur la terrasse, à contempler le mont Kasprowy et sirotait son thé préféré, diablement corsé et servi avec une goutte de lait par Roman Kłosowicz.En ce lendemain de Noël 1944, Roman avait effectué des allers-retours entre la cuisine et l’appartement numéro 17 du premier étage jusqu’à tard dans la nuit. Personne ne s’y amusait, personne n’y faisait la fête et, exceptionnellement, on n’y voyait même aucune putain. Roman avait vu et entendu des choses qu’il n’aurait pas dû. Mais les occupants de l’appartement sentaient déjà sur leur nuque le souffle des soldats de l’Armée rouge, stationnés non plus à des centaines, mais à des dizaines de kilomètres de Cracovie et prêts à une nouvelle offensive ; c’était donc eux le problème, pas un serveur qui en savait trop.À deux heures du matin, il tournait en rond dans sa chambrette sous les combles et n’arrivait pas à décider s’il devait se rendre chez Aniela ou si ce serait un acte précipité.À deux heures et quart, il avait pris sa décision. On était en pays occupé, on pouvait mourir à tout instant, il irait donc chez elle et c’est précisément de cet argument qu’il userait pour plaider sa cause : il était là parce qu’on pouvait mourir à chaque instant. C’est alors que la porte s’était ouverte et qu’il avait vu non pas Aniela, mais un SS gracieux qu’il connaissait de vue, l’un des prétoriens préférés de Hans Frank.Il songeait que s’il s’était rendu chez Aniela plus tôt, les Allemands l’auraient probablement retrouvé quand même mais, au moins, il n’aurait pas eu à mourir puceau.— Écoute-moi bien, car je ne vais pas me répéter, déclara l’officier allemand dans un polonais impeccable en lui tendant un objet métallique. Tu dois partir sur-le-champ et fuir en Slovaquie, trop de montagnards jouent sur les deux tableaux par ici. Cache-toi, la guerre sera finie dans quelques mois. Je n’ai aucune idée de ce qui arrivera ensuite, mais quand c’en sera terminé, tu devras remettre ceci à Karol Estreicher du gouvernement polonais en exil à Londres. Répète.
— Je devrai remettre ça à Karol Esterhaz.
— Estreicher. Répète.
— Estreicher.
— Bien. Et maintenant, dégage. Habille-toi chaudement, le temps se couvre.— Mais…
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Il s’était dit que c’était dommage pour tous ces gens si sympathiques. C’était dommage qu’ils soient nés dans ce pays qui n’avait jamais eu de bol. Vraiment, on avait de la peine à croire qu’ils avaient vécu ici toutes ces années en compagnie des Juifs. Les deux peuples les plus malchanceux du monde côte à côte, comme dans une putain de réserve naturelle de perdants. Si Dieu existait, sons sens de l’humour manquait de finesse.
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