Ce n'est pas avant de perdre sa réputation que l'on se rend compte du fardeau qu'elle était et de ce qu'est vraiment la liberté.
Scarlett O'Hara n'était pas belle, mais les hommes en avaient rarement conscience une fois sous son charme, comme l'étaient les jumeaux Tarleton. Sur son visage se mêlaient trop crûment les traits délicats de sa mère, une aristocrate d'origine française de la côte de la Géorgie, et ceux, épais, de son père, un Irlandais rubicond. Mais c'était un visage saisissant, un menton pointu, à la mâchoire carrée. Ses yeux étaient vert pâle, sans une seule touche de noisette, légèrement étirés aux extrémités et étoilés de cils raides et noirs. Au-dessus, ses sourcils noirs touffus partaient vers le haut, traçant une surprenante ligne oblique sur sa peau d'un blanc de magnolia - cette peau si prisée des femmes du Sud et si soigneusement protégée par des capotes, des voiles et des mitaines contre les soleils brûlants de Géorgie. (p.15)
Scarlett s'efforçait de détourner les yeux de ces deux-là mais en vain, et après chaque coup d'oeil, elle redoublait de gaité avec ses cavaliers, riant, tenant des propos osés, les taquinant, rejetant la tête en arrière quand ils lui faisaient un compliment pour faire danser ses boucles d'oreilles. Elle répéta "Taratata " plusieurs fois, déclara qu'aucun d'eux ne disait la vérité, et jura qu'elle ne croirait jamais ce qu'un homme lui racontait. Mais Ashley ne semblait pas la remarquer du tout. Il regardait Melanie et continuait de parler, et Melanie baissait les yeux vers lui avec une expression qui indiquait qu'elle lui appartenait.