[...] la musique militaire enlevait à l'homme son essence individuelle.
La musicienne se mit à parler. Sa voix était claire. Brusquement, un grand calme s'installa. Tous les bruits disparurent instantanément comme les eaux de pluie absorbées par une terre sèche et aride.
La jeune femme était à côté d'un apprenti qui amaigrissait une longue baguette orangée à l'aide d'un minuscule rabot. De longs copeaux comme les cheveux bouclés d'un ange tombaient en abondance sur l'établi.
Mais j’ai voulu sauver tout ce qui était sauvable… C’est pour cela que j’ai voulu procéder lentement, très lentement, pas à pas, pièce par pièce, point par point. Je tenais à ce que chaque geste, chaque étape visant à réparer une partie de l’instrument soit parfait, sans bavure.
Le morceau avait duré à peine trois minutes. Trois minutes pendant lesquelles les notes de musique s’égrenaient comme une enfilade de gouttes d’eau argentées sur une feuille de bambou après une forte averse. Lorsque l’archet se détacha des cordes, la dernière note fut suivie d’un long silence.
Mon père voulait faire de moi un jeune homme capable de garder sa lucidité en toute situation, de ne pas succomber à la folie collective et de s'insurger contre les aberrations...
Le second mouvement, d'une rare violence, montrait l'irruption du mal et son inexorable marche vers la mort.
Le violon se tordait de douleur, se détachant du foisonnant déploiement sonore de l'orchestre. Les violoncelles semblaient indiquer la sourde menace suscitée par le déclenchement de la maladie, les cuivres évoquer la puissance redoutable de l'affection morbide, les tympans signaler le paroxysme des souffrances qui s'emparaient du corps de la jeune fille.
Il fallait que j'aille me former à Crémone aussi. Parce que la grande affaire, je dirais même l'unique affaire de ma vie, dès l'instant de mon engagement dans l'art de la lutherie, était la réparation ou la restauration de violon détruit de mon père.
Trois minutes pendant lesquelles les notes de musique s’égrenaient comme une enfilade de gouttes d’eau argentées sur une feuille de bambou après une forte averse. Lorsque l’archet se détacha des cordes, la dernière note fut suivie d’un long silence.
Midori laissa son archet pour prendre celui d’Hélène. En se plaçant à l’endroit exact où elle avait joué deux heures auparavant la Gavotte en rondeau, elle interpréta de nouveau la pièce de Bach. Les aigus sonnaient comme une longue enfilade de gouttes d’eau pure versées par un ciel bas et tourmenté, étincelant aux premiers rayons du soleil pénétrant obliquement les feuillages verdoyants d’une forêt boréale luxuriante, tandis que les médiums et les graves étaient comme ouatés, glissant sur une étendue de velours, suscitant une impression de chaleur intime émanant d’une cheminée de marbre restée allumée toute la nuit.