Citations sur Âme brisée (235)
Yanfen dormait encore lorsque Rei ouvrit timidement la porte. Le luthier s'assit sur la chaise à côté du lit sans faire de bruit. Il regarda la vieille dame allongée. Il scruta son visage lézardé de rides, sa bouche entrebâillée, les joues pâles et creuses. Il se souvint de l'émotion qui l'avait secoué, ce dimanche-là, à la vue de son visage d'une éclatante beauté et de son corps frêle et élancé. C'était la première fois, pensa-t-il, qu'il sentait son coeur renversé par une force obscure montant de ses entrailles...
Les amis de Yu étaient de nationalité chinoise. (...)
Les trois jeunes musiciens amateurs faisaient partie des rares étudiants chinois qui ne s’étaient pas laissés enfermer dans l’étroite vision d’un nationalisme exacerbé face à l’animosité réciproque sans cesse croissante depuis l’incident de Mandchourie en 1931 entre leur pays du Milieu envahi et l’Empire nippon gagné par l’expansionnisme colonial.
Chacun devrait pourtant se définir d'abord et avant tout comme un individu au-dessus de toute appartenance. Je suis certes chinoise, je parle chinois, mais je ne voudrais pas qu'on me réduise à cela... Mon individualité est tout de même autre chose que ce qui est défini par le hasard de ma naissance.
« ——- La mélancolie est un mode de résistance , déclara Yu.
Comment rester lucide dans un monde où l’on a perdu la raison et qui se laisse entraîner par le démon de la dépression individuelle ?
Schubert est avec nous, ici et maintenant .Il est notre contemporain .
C’est ce que je ressens profondément . »
[...] la langue, en l'occurrence le français, est un bien commun que ses usagers partagent équitablement. Les relations sociales de supériorité et d'infériorité ne sont pas encastrées dans la langue... comme c'est le cas du japonais.
Le thème que je vais jouer est d'après moi l'expression de la nostalgie pour le monde d'autrefois qui se confond avec l'enfance peut-être, un monde en tout cas paisible et serein, plus harmonieux que celui d’aujourd’hui dans sa laideur et sa violence.
En revanche, j'entends le motif présenté par l'alto et le violoncelle 'tâ...takatakata....., tâ...takatakata......" comme la présence obstinée de la menace prête à envahir la vie apparemment sans trouble.
La mélodie introduite par Kang-san traduit l'angoissante tristesse qui gît au fond de notre coeur...
La mélancolie est un mode de résistance, déclara Yu. Comment rester lucide dans un monde où l'on a perdu la raison et qui se laisse entraîner par le démon de la dépossession individuelle ?
...son art entièrement dévoué au service des émotions humaines n'était rien d'autre que la tentative d'apaisement de la douleur traumatique issue de la destruction foudroyante de ce qui vous attache le plus intensément au monde et à la vie.
Rei se mit à parler tout bas, d'une voix d'outre-tombe, comme s'il dialoguait avec quelqu'un qui habitait en lui :
− Le lieutenant Kurokami était un rescapé de la bombe atomique, si j'ose dire. C'était un mort-vivant ou un vivant-mort... Quelqu'un qui était mort une fois et qui continuait à vivre... ou quelqu'un qui était vivant mais qui vivait comme un mort...
Qu'est-ce qui resterait à l'extrême fin, à la fin de tout, de la civilisation, de l'humanité, de la planète, du système solaire ? La vie ne serait-elle pas au bout du compte une gigantesque hécatombe ? Pourquoi alors en ajouter d'autres, celles innombrables que les guerres engendrent impitoyablement, celle des tranchées, celle des camps d'extermination, celle provoquées par les armes de destruction massive allant jusqu'à la bombe atomique (...) ?