Les narrateurs, souvent Patrick mais aussi un acteur de théâtre, Edmond Claude et d'autres, se souviennent des garçons et des professeurs qu'ils ont connus au collège de Valvert à Jouy-en-Josas. Douze chapitres leur sont dédiés qui portent, chacun, sur l'un d'entre eux.
L'ancrage temporel se fait au début des années 60 (période du collège) et souvent 20 ans plus tard, lors de rencontres fortuites.
L'auteur déroule une galerie de personnages, blessés, en détresse, parfois proches du suicide. Ils seront récurrents dans l'oeuvre postérieure de
Patrick Modiano : M. Jeanschmidt, alias Pedro, directeur énergique du collège de Valvert, Kovnovitzine, professeur de gymnastique et de tennis, son labrador Choura (chapitre I) ; Thierry Lafaure, vieux professeur de chimie, homosexuel en détresse ; Sylvestre-Bel, Edmond Claude, comédiens (chapitre II) ; Gino Bordin, professeur de musique, jouait à la guitare hawaïenne « How high the moon » ; Michel Karvé ; sa mère, une beauté, « Andrée la pute » ? ; ostracisé par ses parents, nourri d'une maigre tranche de jambon, Michel part plus tard s'engager dans l'armée (chapitre III) ; Robert Mc Fowles, fantasque, proche de la folie, marié à
Anne-Marie, une jeune femme versaillaise, fille de commerçants, les Lebon (chapitre IV) ; le narrateur gardait «
La petite bijou » qui avait eu un petit rôle dans un film où jouait sa mère, la Comtesse (chapitre V) ; Philippe Yotlande, Bourdon et Winegrain, élèves du collège, un peu plus âgés que le narrateur. La rencontre la plus marquante de Yotlande, à 19 ans, avait été celle d'Annette Stroyberg, une danoise belle et célèbre à l'époque ; fiançailles rompues ; Pour Yotlande, le bar « Scossa » était un peu le dernier vestige de sa jeunesse, le dernier point fixe dans la débandade générale. A trente-huit ans, il ne pouvait se résoudre à ce que le monde ne fut pas une éternelle surprise-party (chapitre VI) ; Daniel Desoto, très riche et le docteur Réyon, son inquiétant et mystérieux tuteur (chapitre VII) ; Martine (soeur d'Yvon l'ami de Patrick) amoureuse de Da Silva, surnommé « Baby », en réalité Richard Mouliade, truand au casier judiciaire chargé (chapitre VIII) ; Johnny (Kurt), 22 ans, ancien élève du collège dont la mémoire est portée par Pedro, raflé en haut de l'escalier du métro Trocadéro en 1942 (chapitre IX) ; Christian Portier et Eddy Pagnon, ami d'Asnières de Mme mère Portier, qui travaillait pour les allemands pendant l'occupation et qui avait fait libérer Mme et le père de Christian quand ils avaient été arrêtés (chapitre X) ; Alain Charell, riche héritier et sa femme Suzanne, toxicomanes, tombés dans la déchéance (chapitre XI) ; Marc Newman, sa femme Suzanne et la mère de celle-ci, Françoise lui demandent de liquider « le vieux », Grout de l'Ain, jaloux, avare, qui les entretient (chapitre XII) ; Retour au collège de Valvert, enfant, avec Charell : « Nous étions
de si braves garçons » (dernière phrase du livre, chapitre XIII).
Ce livre publié en 1982, le huitième roman de l'auteur a une structure particulière, inhabituelle chez PM. Chacun de douze premiers chapitres est comme une nouvelle qui permet à l'auteur d'esquisser les traits de personnages ou de figures que nous retrouverons dans des
romans écrits plus tard, parfois sous d'autres noms.
La tonalité du livre est pessimiste. Tous ces personnages ont mal vieilli, sont en bout de course, sans espoir.
C'est certainement l'un des livres les plus déroutants, les plus difficiles à suivre de
Patrick Modiano en raison de la multiplicité des personnages et de leurs dramaturgies personnelles. A première lecture, il doit paraître peu accessible. En revanche, quand on est familier de l'oeuvre du grand Patrick, on est en alerte et on essaie de retrouver toutes les pistes qu'il trace : Un grand plaisir !