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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Que sont mes amis devenus

Que j'avais de si près tenus

Et tant aimés »

La Complainte de Rutebeuf, c'est un peu la trame de ce court roman ou cette longue nouvelle. On croise un héros dont on ne sait pas d'où il vient ni où il ira. Dans les rues de Paris, il rencontre un couple avec lequel il se lie pour quelque temps. En fuite, ce sont les quartiers de Londres qu'il explore ensuite, avec d'autres amitiés nouées et délaissées.

Qui sont ces gens qui deviennent des intimes pendant quelques semaines ou quelques mois et qui disparaissent ensuite de nos vies ? de ces affections réelles ou de ces sympathies trompeuses, que reste-t-il quelques années plus tard ? Une image floue ou un instantané indélébile, les reconnaîtrions-nous encore s'ils croisent notre chemin ?

Les personnages de Modiano, Prix Nobel de littérature 2014, ne m'ont pas beaucoup touchée, je n'en garderai pas un souvenir ému. Par contre, je suis bien contente de m'être arrêtée un instant pour évoquer des figures du passé…

Souvenirs, oubli, que sont mes amis devenus…
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N°704 - Décembre 2013.
DU PLUS LOIN DE l' OUBLIPatrick Modiano – Gallimard (1995)

D'emblée, le titre nous fait pénétrer de plain-pied dans cet univers modianesque consacré à la mémoire et à son pendant naturel, l'oubli.

Nous sommes dans les années 60 à Paris, près du métro St Michel. le narrateur rencontre par hasard un couple un peu bizarre, van Bever et Jacqueline, qui vit dans de petits hôtels et qui subsiste grâce à leur fréquentation des casinos des environs de Paris où ils pratiquent une martingale gagnante. Assez bizarrement, ils semblent surtout désireux de ne pas laisser de trace de leur passage, apparaissant et disparaissant sans explications. Ce jeune homme, le narrateur, âgé d'une vingtaine d'années fait quelques pas dans leur vie tout en étant fasciné par Jacqueline, la jeune femme qui se drogue à l'éther pour éviter de tousser. Elle lui accordera ses faveurs tout comme elle sera, le temps d'une passade, la partenaire d'autres hommes de passage. Il reste en retrait et adopte avec eux un type de relations détachées, un peu comme celles qui existent entre cet homme et cette femme. Il est en quelque sorte un observateur qui se contente d'une existence personnelle vide, uniquement consacrée à la vente de livres aux bouquinistes. Ce jeune homme passe sa vie à les attendre au café Dante où ils lui parlent de ce voyage à Majorque qui semble être leur but commun et de cet improbable hôte américain. C'est un peu comme si cette attente était pour lui un justificatif de sa propre vacuité. Cette fréquentation va durer quelques mois pendant lesquels ils vivront pratiquement ensemble mais sans jamais chercher à en savoir davantage les uns à propos des autres. Les relations entre van Bever et Jacqueline semble complètement impersonnelles, tout juste axées sur leurs gains au casino. le narrateur se laisse subjuguer par cette femme qui le pousse à dérober une valise contenant quelques billets de banque et l'invite à partir avec elle comme pour tourner la page sur une phase de sa vie qu'elle voudrait oublier. Ils se retrouveront à Londres où il mèneront une sorte de vie de bohème sans véritable but puis, sans raison apparente, cette liaison se termine. Là aussi, un thème cher à Modiano, celui de la fuite revient avec une connotation agréable cependant. [« Mes seuls bons souvenirs jusqu'à présent, c'était des souvenirs de fuite »].

D'autres personnages apparaissent puis disparaissent, Pierre Cartaud le dentiste, Peter Rachman, l'homme d'affaires un peu mystérieux, des silhouettes fantomatiques qui passent dans la vie de Jacqueline mais dont le couple profite parce qu'ils servent leurs intérêts. de cette escapade londonienne, Jacqueline ressort encore plus mystérieuse puisque tous les hommes qui la croisent semblent tomber sous son charme. le narrateur ne sait d'ailleurs pas très bien et probablement ne souhaite pas savoir tant il est détaché de cette aventure, si elle a été vraiment la maîtresse de Rachman. Cet épisode anglais accentue pour le narrateur le mal du pays qu'il combat par l'écriture d'un improbable roman qui ne verra peut-être jamais le jour et la vie de bohème avec laquelle il renoue ne parvient pas à combattre cette véritable nostalgie de Paris.

De nombreuses année plus tard, le hasard, toujours lui, fera que le narrateur rencontrera à nouveau Jacqueline mais dans des circonstances bien différentes et en compagnie d'un autre homme. Il hésite à lui parler au point qu'il suppose une erreur sur la personne puisqu'elle a changé d'apparences, de prénom, s'est mariée, a refait sa vie comme on dit. Pour cette raison sans doute elle feint de ne pas le reconnaître. Elle est même assez convaincante dans ce rôle composition [« Cela n'avait servi à rien. La surface était restée lisse. Des eaux dormantes. Ou plutôt une couche épaisse de banquise qu'il était impossible de percer après quinze ans »]. Dans sa nouvelle condition elle ne veut laisser aucune place au passé et il semble ne rien lui rester de cette tranche de vie un peu tumultueuse qu'elle a partagée avec le narrateur qui, de son côté, mène depuis une existence apparemment recluse, sans pour autant l'avoir oubliée. Il ne l'oubliera jamais ! Une dernière fois et dans l'intimité ils se reconnaissent et se parlent, mais c'est pour mieux se séparer à nouveau, définitivement cette fois !

Comme toujours, ce qui me frappe et (et m'intéresse) dans les romans de Modiano c'est cet apparent détachement des personnages par rapport à leur vie, un peu comme s'ils en étaient étrangers. Cette impression est corroborée par la perte de mémoire du narrateur «  Mais j'avais beau rassembler d'autres souvenirs plus récents, ils appartenaient à une vie antérieure que je n'étais pas tout à fait sûr d'avoir vécue ». Dans ce roman comme dans bien d'autres, les relations entre les êtres sont soulignées. Qu'elles soient tissées au nom de l'amour, de l'amitié ou simplement du hasard, elles sont fragiles et ne durent jamais très longtemps, tout comme dans la vraie vie. Même si ceux qui les bâtissent jurent qu'elles seront perpétuelles, que seule la mort pourra y mettre fin, elles ont la solidité d'un château de cartes édifié dans un courant d'air et le hasard, le temps, l'oubli volontaire, l'évolution des choses humaines mais aussi la trahison, le doute, le mensonge se chargeront d'y mettre un point final.

J'ai retrouvé avec plaisir l'atmosphère des romans de Modiano. J'en apprécie le style dépouillé et fluide, la construction étonnante, même si parfois elle est déroutante, et surtout le mystère qui baigne ces récits. Je me demande toujours, sans que cela ait la moindre importance, si l'auteur se livre à une authentique exploration de son propre passé ou s'il lui préfère une création imaginaire complètement fictive.



©Hervé GAUTIER – Décembre 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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les rencontres de jeunes mineurs désoeuvrés,
il y a plus de cinquante ans-d 'ici, “la bohème”, on se croise et se décroise, Paris, Londres. des chambres d'hôtels au mois.
Nous suivons le narrateur sur les pas de Jacqueline, qui n'a qu'un but, trouver les moyens financiers pour partir à Majorque.
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Oui, bien sûr, rien ne ressemble plus à un roman de Modiano qu'un autre roman de Modiano. Paris, les années soixante, une femme étrange, fascinante, des personnages multiples qui passent, jouent leur rôle (important ou secondaire)

et disparaissent. Et puis un narrateur, nostalgique, bien sûr, terne et lymphatique, également, et romancier velléitaire. Et, comme souvent, il semble n'être là qu'en tant qu'observateur, comme si, au moment où il avait vécu les évènements qu'il raconte, il savait déjà qu'il ne serait que narrateur, et surtout pas acteur. Alors il se laisse porter là où le vent le mène, en fonction des rencontres, des coups de pouce que lui donnent certains personnages et, surtout, en fonction de ce que décide pour lui la femme fascinante qui reste le centre du roman.

Tous ces ingrédients sont donc classiques, mais Modiano ajoute quelques épices particulières : une virée à Londres, des personnages un peu moins "clean" que dans "De si braves garçons" ou "Dans le café de la jeunesse perdue" et quelques moments de tension plus forts, plus inquiétants que dans ceux de ses autres romans que j'ai pu lire.
Mais, quelles que soient les habitudes ou les nouveautés que l'on retrouve dans ce roman, il y a surtout un élément qui en fait tout le charme et que l'on retrouve évidemment à chaque fois :le style Modiano.
Suave comme les souvenirs, même s'il devient parfois plus nerveux, parce qu'il évoque une fuite, une inquiétude, un malaise, il reste toujours limpide, fluide, évident.
Alors, oui, bien sûr, rien ne ressemble plus à un livre de Modiano qu'un livre de Modiano, mais c'est pour cela que je les aime.
Lien : http://sebastienfritsch.cana..
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Étrange histoire que celle de la remémoration précise d'une tranche du passé qui resta longtemps "congelée sous une épaisse couche de glace..." [citation approximative]. le personnage principal, dont on ignore l'activité (si ce n'est qu'il aimerait écrire) rencontre par hasard à Paris un couple bizarre. Il a une courte liaison avec la jeune femme et s'enfuit avec elle à Londres après avoir perpétré un vol. Quinze ans plus tard, ils se retrouvent, de nouveau "par hasard" (comme cela arrive chez Modiano...), pour un second et court épisode. le lecteur ne sait rien de ce qui se passe entre temps, pas plus qu'il ne saura ce que sont devenus des personnages introduits précédemment dans le récit et dont on se dit qu'ils traversent la scène sans intervenir, un peu comme Hitchkock dans certains de ses films.
J'avais gardé de "Villa triste" la mélancolique description des stations thermales en hiver. Dans ce roman qui lui est postérieur de près de trente ans, je retrouve le soin de la description précise des itinéraires, que ce soit à Paris ou à Londres, mais aussi la peinture nettement plus floue des personnages dont on ignore les sentiments. Cela me fait penser à Edward Hopper : on perçoit bien le cadre et les personnages, mais on ne ressent pas la morosité qui semble les habiter ni je ne sais quelle indifférence qu'ils éprouvent vis-à-vis de leur environnement.
le roman traite de la résurgence du souvenir et du désarroi qui peut résulter du décalage perçu entre une situation objectivement vécue dans le passé et la perception que l'on peut en avoir en se la remémorant. " Heureusement, j'avais dans ma poche cet extrait d'acte de naissance, comme les chiens qui se sont perdus dans Paris mais qui portent sur leur collier l'adresse et le numéro de téléphone de leur maître".
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Comment parler d'un livre d'un homme qui a reçu le Prix Nobel de Littérature en 2014 ? Un homme dont on apprécie l'humilité, qui se montre magnanime, qui excelle par son silence, avec une aura de présence indéniable.
L'atmosphère est dépouillée. Comme dans un poème, la ponctuation donne la cadence. La lenteur. le pas du narrateur entraine le lecteur. Une sensation bizarre vous enveloppe à la lecture. le passé. L'avoir vécu. Vouloir le revivre. le revivre. Et repartir vers d'autres horizons !
Paris, Londres, Paris ! Les rues, l'envie de divaguer dans ces rues et de suivre cet homme solitaire, de les parcourir en sa compagnie.
Il s'introduit, il s'invente, il s'invite… !
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Dans ce court roman, l'histoire du narrateur, dont on ne cite jamais le nom, semble liée à cette courte histoire d'amour pour Jacqueline, quelques mois à Paris et à Londres, une entrevue furtive 30 ans plus tard à Paris, dont on apprend qu'elle est la deuxième après leur séparation. Jacqueline, liée à une odeur d'éther, qui traverse tout le livre (tiens, je n'ai pas essayé pour voir si je peux l'ajouter aux rares odeurs que je perçois), Peter Rachmann est précédé par une odeur de Synthol… Sinon, les personnages arrivent, peu de détails sur eux, disparaissent (de la vie du narrateur et du livre), un néant dont ne submerge que la mystérieuse Jacqueline…
Lien : http://vdujardin.com/blog/mo..
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