AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,82

sur 234 notes
5
9 avis
4
1 avis
3
6 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un ciel de verre brisé. Un dôme noir. Je m'engouffre dans une brèche de vie qui file à toute allure sous le regard blafard des réverbères. Vingt ans ont passé et pourtant le verre crisse toujours autant sous mes pieds. Je déambule, fidèle noctambule, dans toutes ces rues qui me parlent de toi, de nous, d'eux. Une plainte, presqu'un appel résonne. Un coup de chaleur sans doute, je manque d'air depuis que je revis cet ultime printemps parisien. Oh Jean, mon Jean ! « Jean Dekker ?... ! Vous voulez dire : Ambrose Guise ? » Pourquoi faire revenir les spectres de ce milieu interlope ? A vingt ans que connaissais-tu de la vie ? Tu regardais ces quarantenaires avec parfois des piques de jalousie, mais tu percevais la vie plus que tu ne vivais. Et moi ? je ne vivais que la nuit, pour oublier la ruine. « Et si le fantôme, c'était moi ? »
Commenter  J’apprécie          260
Je relis, pour la troisième ou la quatrième fois, « Quartier perdu » et le charme va croissant. On retrouve Patrick Modiano en Jean Dekker à vingt ans en 1965, à Paris, flottant. Il a attiré l'attention d'une femme plus âgée que lui, Carmen Blin, riche, désoeuvrée qui l'emmène, la nuit, avec un groupe d'amis dans diverses débauches. Elle habite Place de l'Alma, quartier perdu ? où flânera Jean. Un drame lui fera quitter précipitamment Paris pour Londres où il deviendra un écrivain célèbre sous le nom d'Ambrose Guise avant qu'un hasard ne le ramène vingt ans plus tard sur les lieux du drame.
Un livre où les deux, voire trois, strates temporelles s'emboîtent harmonieusement, chacune avec une « dramaturgie » précise et où différents quartiers de Paris s'animent sous la plume envoutante de PM. La place de l'Alma : « Par l'une des portes-fenêtres, un courant d'air m'apportait la rumeur de Paris. Dehors, derrière les grilles du jardin, la place de l'Alma et la terrasse du café où j'attendais, après avoir marché tout l'après-midi, au hasard. Je me confondais avec cette ville, j'étais le feuillage des arbres, les reflets de la pluie sur les trottoirs, le bourdonnement des voix, une poussière parmi les millions de poussières des rues » ; Les abords Parc Montceau et la pagode de Courcelles où l'on tourne un film « Les rendez-vous de juillet » ; Les arcades de Rivoli et le jardin des Tuileries.
En 1965, PM ne doutait pas de Paris, « En ce temps-là, Paris était une ville qui correspondait aux battements de mon coeur. Ma vie ne pouvait s'inscrire autre part que dans ses rues. Il me suffisait de me promener tout seul, au hasard, dans Paris et j'étais heureux. ».
C'était la période où il avait aussi une fascination pour les bords de Marne : « Jamais mon arrivée dans aucune ville ne m'a causé une aussi forte impression que celle que j'ai éprouvée en pénétrant à La Varenne-Saint-Hilaire, cet après-midi-là, avec elle. ». Les bords de Marne auront une grande place dans son livre suivant « Dimanches d'août ».
Les personnages du livre, qui ont pour la plupart un fond neurasthénique, sont attachants : Carmen Chauvière née en 1925 à Paris, danseuse au cabaret « L'étincelle », a une liaison avec Bernard Farmer. L'un des ses amis l'a présentée à Lucien Blin, son futur mari, né en 1906 ; Daniel de Rocroy, avocat, mentor de Jean et d'Ambrose, radié du barreau en 1969 et son assistante et maîtresse, Ghita Wattier.
Un livre lumineux. Quel plus grand plaisir que de lire un roman de Patrick Modiano ?
Commenter  J’apprécie          71
J'ai particulièrement aimé ce roman de l'écrivain Patrick Modiano, prix Nobel de Littérature 2014. Fidèle à son style, Modiano plonge dans le passé et nous entraîne à sa suite. L'écriture est fluide et l'atmosphère lourde de nostalgie.
Chaque fois que je lis Modiano, j'admire combien il connaît Paris, ses rues et ses boulevards. Dans Quartier perdu, il nous guide dans Paris, au gré des pérégrinations de son héro, Jean Dekker, de passage à Paris après 20 ans à l'étranger.
Lors de ce séjour, Jean Dekker va renouer avec une partie des personnages rencontrés 20 ans auparavant, il fera remonter ses souvenirs au fur et à mesure des rencontres et nous comprendrons alors la raison de son départ précipité à l'étranger.
Commenter  J’apprécie          60
Ambroise, un écrivain habitant l'Angleterre, retourne à Paris après vingt ans. Il vient rencontrer son éditeur.
Des images de son passé surgissent, ce qui permet de nous faire découvrir cette ville merveilleuse à l'aide d'anciens souvenirs, d'amis d'antan. Un joli voyage dans le passé et le présent.
Commenter  J’apprécie          40

Après avoir lu Dora Bruder (1997) et Un pedigree (2005), j'achève la lecture de Quartier perdu. Ce dernier roman a été publié en 1985. L'auteur avait alors 40 ans. Il avait déjà signé une douzaine de romans et s'apprêtait à en écrire environ le même nombre jusqu'à aujourd'hui.

Dora Bruder est l'histoire d'une jeune fille juive recherchée par ses parents à la fin des années 30. Des dizaines d'années plus tard, l'auteur mène l'enquête pour retrouver la trace de la jeune fille.

Dans Un pedigree, l'écrivain, de 54 ans à l'époque, part à la recherche de ses parents. Il explore la période précédant sa naissance jusqu'au moment où lui-même se trouve au seuil de l'âge adulte. Ses parents étaient le plus souvent absents. Ils évoluaient dans un monde aventureux, à la limite de la légalité, un monde mêlant tout à la fois la jeunesse, la beauté, la brillance, l'affairisme et la superficialité.

Quartier perdu est, quant à lui, l'histoire d'un homme de 40 ans qui habite Londres. Il est un écrivain à succès (il écrit l'équivalent des James Bond). Il est fortuné, marié et père de famille. Ses vies familiale et professionnelle semblent sereines et épanouies. Il se rend à Paris pour rencontrer un éditeur et choisit d'y rester afin d'explorer son passé. L'écrivain avait fui Paris à 20 ans pour une raison que l'on découvre en fin de roman. Il s'interroge sur les deux années, de 18 à 20 ans qu'il vécut dans la capitale. Ce fut une période trouble. Il fréquentait un groupe qui vivait la nuit et qui lui-même cultivait la nostalgie d'un passé plus brillant, plus animé, plus passionnant que le moment présent. le présent avait l'allure d'un déclin.

De même que Dora Bruder et Un pedigree, Quartier perdu est le livre d'un retour sur un passé flou, évanescent, perçu comme un rêve. Ces trois romans sont des romans de la nostalgie.

De même que dans Dora Bruder et Un pedigree, le personnage principal est jeune. Il ne sait comment appréhender sa vie future.

Enfin, comme dans Dora Bruder et Un pedigree, l'amour de Paris est au coeur de Quartier perdu. Dans ce dernier roman, il s'agit de l'ouest de Paris, un Paris nocturne, désert et accablé par la chaleur.

Quartier perdu possède cependant sa spécificité propre.

Du point de vue de la forme tout d'abord, ce roman s'apparente à un roman policier. L'intrigue comporte un meurtre, une enquête, une fuite vers l'étranger et un changement d'identité. Ce « scénario », d'une grande précision, forme la colonne vertébrale du livre. le danger est un élément indispensable pour que Jean Dekker soit amené à fuir soudainement la capitale. La nostalgie éprouvée vingt ans plus tard est d'autant plus forte que la rupture fut brutale et involontaire. le contraste entre le début de vie de Jean Dekker (manque d'argent, absence de projet) et la vie actuelle de l'écrivain qu'il est devenu (une vie installée et bourgeoise) suscite également la curiosité du lecteur.


Mais c'est sur le fond que ce roman affirme, me semble-t-il, sa singularité profonde. Il m'apparaît être le roman de l'amour (et également celui de l'amitié) qui sauve(nt). Jean Dekker, le jeune protagoniste parisien, qui est un être jeune, peu déterminé, flottant et indéfini, se trouve soudain « empli » par le sentiment amoureux. Il s'attache à une femme séduisante, de 20 ans son aînée. À ses côtés, il ressemble à un enfant perdu.
Le roman dresse le tableau d'une jeunesse perdue, sans structures, sans « tuteurs », ni direction, ni projet (sans désir ?). Pas de famille pour soutenir le jeune Jean Dekker. Celui-ci est essentiellement contemplatif et cet état de contemplation (proche de la passivité) trouve à se cristalliser dans l'amour qu'il éprouve pour Carmen, cette femme qui pourrait être sa mère, la mère absente justement.

De forts sentiments d'amitié attachent également Jean Dekker au groupe qui gravite autour de Carmen.

Jean Dekker est comme un enfant, qui ne peut qu'aimer. Il ne peut qu'aimer les gens qui l'entourent, des personnes qu'il n'a pas réellement choisies. le hasard de bagages à rapatrier sur Paris est en effet le prétexte de la rencontre avec Carmen. Un enfant choisit-il ses parents ? Jean Dekker a-t-il choisi Carmen ? Rien n'est moins sûr. Tout se passe comme s'il s'attachait à la première personne qui permet la rencontre, à la première personne qui se prête à être aimée.

Quartier perdu m'apparaît donc comme un livre qui, pour posséder nombre de caractéristiques propres à l'univers construit livre après livre par Patrick Modiano, n'en possède pas moins également sa couleur et son originalité propres.



Commenter  J’apprécie          30
Une histoire mais surtout une ballade dans Paris, celui de ma jeunesse des années 60 aux années 80. Plaisir de lecture, souvenirs.
Commenter  J’apprécie          30
On reconnaît tout le style et l'univers de ce grand écrivain selon moi. Alors voilà j'ai déjà tout dit, on se retrouve dans ses chaussons comme on ne dit pas alors si on aime les autres, on aimera celui-ci qui a d'autant plus un univers peuplé de fantômes fantasmagoriques. On sent que cela va mal tourner et cela tourne mal.... on a un sentiment de malaise tout au long du livre, trop de fêtes et de pertes se dessinent au fur et à mesure. Un mystère qui loin de s'éclaircir s'opacifie pour notre plus grand plaisir de lecteur.
Commenter  J’apprécie          10
Commenter  J’apprécie          10
Comme aurait dit ma grand-mère, « j'ai eu du mal à rentrer dedans ». Parfois, cela a du bon aussi. Sans doute un effet de cette chaleur étouffante qui écrase Paris, la rue de Castiglione, la chambre d'hôtel du narrateur, et ce, dès les premières pages du livre. Lui-même d'ailleurs, de retour en France après un long exil durant lequel il est devenu l'écrivain Ambrose Guise, n'a pas prévu de rester. Juste un contrat à signer, et retour en Angleterre.
Pourtant comme le narrateur, on s'installe progressivement dans ce Paris fantômatique, étrange, que l'on croirait peint par Delvaux. Au fur et à mesure que se décillent les événements et les silhouettes du passé, qu'Ambrose Guise s'efface pour laisser reparaître Jean Dekker, on s'intéresse à ce Quartier perdu, quartier lointain resurgit de la mémoire. le bureau de la rue de Courcelles livre ses secrets ; on se plaît à imaginer les traits de Carmen Blin ; et pour qui a passé du temps à marcher dans Paris, on suit les itinéraires avec attention.
Car dans les livres de Patrick Modiano, Paris n'est pas qu'un décor d'arrière-plan. La ville, ses rues, ses cars de touristes, ses transformations, sa pagode du 48 rue de Courcelles, devient un lieu intériorisé, vecteur de souvenirs, au même titre que chez Proust : « La topographie d'une ville, c'est toute votre vie qui vous revient à la mémoire par couches successives, comme si vous pouviez déchiffrer les écritures superposées d'un palimpseste. » écrit Patrick Modiano.
Et l'on découvre, au fil d'une enquête analepsique, ce qui a suscité la fuite de Jean Dekker. Fuite du temps, de la mémoire, d'une période trouble de sa vie, et sa jeunesse auprès d'un petit groupe de personnages fort bien brossés, qui m'a rappelé un certain cinéma français, celui de Verneuil par exemple.
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (569) Voir plus



Quiz Voir plus

Patrick Modiano, presque...

La place de ... ?

l'étoile
la comète

5 questions
176 lecteurs ont répondu
Thème : Patrick ModianoCréer un quiz sur ce livre

{* *}