Que si l'on nous taxe de partialité en faveur des artisans français, nous ferons remarquer que la France a le droit de revendiquer comme siens les ateliers d'Arras et ceux des États de la maison de Bourgogne jusqu'au jour où les provinces flamandes furent incorporées dans l'immense Empire de Charles-Quint. Autre argument encore plus décisif peut-être en faveur de notre thèse : depuis trente-cinq ans et plus que nous avons entrepris l'étude de l'histoire de la tapisserie el la recherche des monuments qui subsistent encore après tant de pertes et de ruines, nous avons constaté que nul pays ne possède actuellement, dans ses églises, dans ses musées, ses châteaux et ses collections particulières aussi, une collection aussi nombreuse, aussi remarquable d'anciennes tentures que la France.
C'est en France et dans les régions limitrophes ayant participé de tout temps au développement économique et artistique de notre nation que l'art de la tapisserie a jeté ses plus profondes racines. A toutes les époques, depuis le XIVe ou même le XIIIe siècle, on constate l'existence de nombreux ateliers dans les grandes cités industrieuses du Nord. A Paris même, — la preuve de ce fait n'a été acquise que tout récemment, — les tapissiers déploient déjà une activité remarquable sous le règne des premiers Valois, et ces ateliers parisiens, après avoir traversé les désastres de la guerre et de l'occupation étrangère, se retrouvent encore pleins de vie au début de la Renaissance, sous les règnes de François Ier et de Henri II.