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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Avec Odette Froyard en trois façons, Isabelle Monnin part sur les traces de sa grand-mère pour en reconstituer la vie. Comme pour réaliser un puzzle, elle va ramasser des pièces, d'abord dans ses souvenirs puis dans les archives. Ensuite la fiction viendra étoffer la vie de cette aïeule décédée en 1993.
Leur relation a duré vingt-deux ans, de la naissance de l'écrivaine à la mort d'Odette.
C'est presque trente ans après sa disparition que la narratrice, quinquagénaire, en plein confinement, et en phase dépressive, a eu alors comme une illumination. Ayant la conviction que toutes les vies méritaient d'être non seulement vécues mais distinguées, elle pense qu'à l'heure de son propre effacement, elle se doit de mettre en lumière cette femme invisible, cette femme ordinaire qu'a été Odette Froyard sa grand-mère.
Au fil des pages, elle fait ressurgir des souvenirs. Des souvenirs d'enfance qu'elle convoque d'ailleurs avec maestria.
Mais ce sont surtout des silences, une symphonie de silences dont elle se souvient et elle dresse même une liste de tout ce qu'Odette ne dit pas et cette phrase récurrente dans sa bouche « Oh ben y a rien à dire, motus et bouche cousue, allez allez on n'en parle pas ». Ces mots lui posent question, de quoi ne faut-il pas parler ?
Ainsi, n'arrivant pas à trouver de réponse, elle décide d'élargir le champ de ses recherches et celles-ci la conduiront de Gray, village de Haute-Saône où elle est née pendant la Première Guerre mondiale, au 19, rue de Crimée à Paris dans ce mystérieux orphelinat maçonnique dans les années 1930, jusqu'aux camps de la mort.
Pour pallier aux trous restés sans réponse, Isabelle Monnin va jongler enfin, avec tous les éléments en sa possession et inventer ce que ne lui avait pas confié sa grand-mère et arrive à faire revivre sous nos yeux ébahis l'histoire romanesque superbe de vérité, d'une femme en apparence sans histoire.
Odette Froyard en trois façons est un magnifique roman dans lequel Isabelle Monnin parvient avec talent mettre en lumière des vies effacées, s'attachant à montrer qu'il n'existe pas de vies qui ne valent rien.
À l'heure où il n'est question que de femmes puissantes, ce roman est une belle manière d'attirer l'attention sur des vies simples, ordinaires.
Au travers de cette vie minuscule, ce récit nous offre une traversée du siècle tout aussi bouleversante.
Isabelle Monnin réussit avec habileté et avec brio à faire de ce personnage de l'ombre une véritable héroïne, un des pouvoirs de la littérature.
Dans une langue imagée, où elle met en avant de nombreuses coïncidences troublantes qui ajoutent du piment à l'histoire, Isabelle Monnin nous livre un roman original et vibrant d'humanité.
L'incursion dans le fantastique avec ce court chapitre Au lac des Oubliés m'a par contre, laissée un peu sur le rivage…
Je souhaite bonne route à ce superbe roman en lice pour le Prix Orange du Livre 2024 et le Prix de la Closerie des Lilas 2024.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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L'énigme poignante d'une si proche inconnue.
2020, comment évacuer l'angoisse d'une vie en suspens si ce n'est en se plongeant dans la vie d'Odette Froyard, une grand-mère qui a fait de l'effacement une forme de bonheur paisible ? Une femme qui semblait se satisfaire de sa vie domestique entre les quatre murs de sa cuisine et n'a jamais débordé l'image de discrétion qu'on a voulu lui assigner.
La pudeur est une vertu, et on est tenté de lui en prêter mille face à l'hypertrophie de soi actuelle. Mais n'est-elle pas abdication ? le silence gardé sur son passé, sa jeunesse et l'histoire de sa famille ne dissimule-t-il pas un secret derrière la blouse de ménagère ?
Isabelle Monnin s'est lancée dans un travail d'exhumation mû par des fils invisibles, « il y avait des fils, je ne pouvais faire autrement que les suivre, et qu'importe si je m'y emmêlais ».
Avec une écriture pénétrante, magnétique, l'auteure mène un véritable travail documentaire, fouillant ses souvenirs, les archives. Elle se met à l'écoute de ce qui est muet, fait son miel des détails dévoilés pour imaginer une histoire qui s'écrit entre les lignes lorsqu'elle découvre que sa grand-mère n'a pas été préservée des grandes tragédies du XXe siècle. le silence se cristallise alors en secret que l'écriture interroge sans cesse.

Ce livre ne se contente donc pas de donner un ordre biographique, il dramatise avec force le silence obstiné pour en révéler des significations non visibles. Les impasses, les trous dans l'histoire, ce sont autant de chances de réinventer une grand-mère que sa petite-fille raconte d'un oeil ému.
Après tout, la fonction du roman n'est-elle pas de retrouver l'éblouissement au coeur de la banalité ?

En quelques pages, Isabelle Monnin vous emporte dans une fiction d'une belle intensité, qui puise cependant sa force dans la quête qui devient enquête, et dans l'observation singulière faite par l'auteure de ce qui est machinal. Sa démarche littéraire que je trouverais bouffie chez d'autres, et même beaucoup d'autres, est passionnante sous sa plume. L'écriture est lumineuse, on a le sentiment chez l'auteure que le geste d'écrire ne fait qu'un avec l'enquête.
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Cachée dans sa tanière de modestie, qui est Odette Froyard ?
Une grand-mère universelle ? Une sorte de couteau Suisse de l'intendance : cuisine, lavage, biberonnage, ménage, élevage, repassage comme l'époque l'inflige aux femmes comme elle née en 17. Sur les ruines d'un champ de bataille, aurait-elle été pire ou meilleure que ces gens ?

Pour la narratrice, sa petite fille : « Toutes les vies méritaient d'être non seulement vécues mais distinguées. Il y avait de l'extraordinaire dans chaque destin, fût-il éphémère ou apparemment sans relief. Odette Froyard n'avait aucune raison d'échapper à la règle, elle qui les respectait tant. Que se passe-t-il lorsque qu'il ne se passe rien d'autre que la vie qui passe ? Existe-t-il des vies qui ne valent rien ? »

Ce roman est une quête de vie, un refus de l'effacement de la moindre parcelle du passé.
La narratrice s'érige en rempart pour enrayer l'oubli à tout prix, parce qu'il est dit que personne ne meurt jamais vraiment tant que l'on pense toujours à lui.
« J'étais devenue la gardienne des petits riens, l'obsessionnelle chasseuse de traces. »

Malgré les lourds silences et les mystères impénétrables d'Odette Froyard, l'auteur, par la finesse et la délicatesse des mots agencés tresse à sa manière les trois façons de cette femme sensible, soumise, amoureuse, toujours attachante et très émouvante.

« A sa façon, discrète et efficace, Odette Froyard était ainsi une redoutable gardienne de l'ordre, dont elle était à la fois la matonne et la prisonnière. »

Par les souvenirs révélés, les petits riens, les dessins, les photos jaunies, les bouts de papier, avec l'aide de sa fratrie et de ses fréquentations rencontrées dans le tumulte de la France de l'occupation, de la guerre, des orphelinats, des déportations et des loges maçonniques ainsi qu'avec l'appui de ses aïeux appréciés pour leur conduite émérite et détestés pour leur attitude lâche que son histoire, celle de n'importe qui, fût en partie reconstituée et a donc de cette façon esquivé le puits sans fond de l'oubli.

« On est les histoires qu'on se raconte, elles sont des tremplins ou des pansements. »

Merci infiniment à Babelio pour la découverte de ce roman, de cette auteure à la très belle écriture et à Gallimard pour l'envoi de cet ouvrage.







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Que cache la vie minuscule d'Odette Froyard, entièrement rassemblée au départ dans les quelques souvenirs d'une femme sans histoire, invisible et rendue depuis bien longtemps au silence et à l'oubli ? Comment penser que sa petite fille, Isabelle Monnin peut partir d'un tel sujet et en faire un roman passionnant de près de 300 pages ? En plein confinement covid, une époque si étrange qu'accorder les agendas semblait compliqué alors qu'ils étaient « globalement vides », elle trouve une bonne raison de combattre sa dépression en réfléchissant à l'invisibilité de sa grand-mère. Femme de presque cinquante ans, les enfants sur le départ, une carrière bien entamée, elle a de plus en plus conscience que son propre effacement se rapproche...

Le titre du roman annonce le plan, une construction particulièrement originale puisque cette femme va être mise en lumière dans trois parties de nature très différentes et pourtant complémentaires. Un triptyque abouti, servi par une écriture maîtrisée, limpide, se jouant de l'aridité des méandres familiaux. J'ai a-do-ré !!!

Première partie au titre mystérieux « La phréatique des souvenirs ». On a une idée de la richesse de l'écriture avec cet emprunt à la géologie. La phréatique c'est le monde souterrain - au cours d'une éruption volcanique, est phréatique ce qui est causé par le réchauffement et l'expansion des eaux souterraines. Odette Froyard est morte depuis plus de trente ans quand Isabelle Monnin entreprend de visiter le monde souterrain des morts où a disparu sa grand-mère. Elle entend la symphonie des silences, fait parler une vieille photo indiquant une date, 1933, où Odette était la reine du jour, pimpante sur un char lors d'une fête de village. Cette longue partie quasi philosophique se termine « Au lac des Oubliés » qui s'est formé après un terrible orage. La narratrice, dans un songe, s'immerge dans ce lac peuplé de tous les morts des générations successives, croise sous la surface la foule des oubliés, va jusqu'au fond « tapissé d'objets ayant appartenu à l'humanité disparue ». Elle suit alors en songe sa grand-mère, mais celle-ci a la bouche cousue par un fil doré. Ce passage est tellement bien écrit qu'il en est envoûtant, sorte de voyage dans un monde apaisé réunissant les débris des oubliés, sans hiérarchie divine ni peuple maudit, où tout est conservé sauf la parole.

« Sous la surface c'était tout un peuple. Les disparus oubliés, errant comme des âmes sans repos, attendaient qu'on les visite[…] Qui êtes-vous cheveux d'algues ? Connaissez-vous mes perdus ? Les avez-vous rencontrés, savez-vous à quelle roche ils s'abritent ?[…] le fond du lac était tapissé de milliers d'objets ayant appartenu à l'humanité disparue. »

Deuxième partie, « Le chantier de fouilles ». L'autrice se rappelle d'une grand-mère du verbe : préparer, servir, ranger… Surtout ne pas de faire remarquer. Elle disait souvent : « on n'en parle plus... » Pas d'adjectifs – jamais – ils auraient pu dévoiler les sentiments. Alors elle parcourt les sites généalogiques, visite les archives, enquête sur les frères et soeurs, interroge les enfants et petits-enfants, collectionnant les pièces du puzzle qui vont permettre de composer la fiction de la troisième partie. Quel brio : le style permet de suivre ces fouilles généalogiques comme s'il s'agissait d'une enquête policière.

Troisième partie, « Le roman d'Odette ». Voici l'explosion du verbe, cette irruption de la fiction comme une synthèse entre le projet de mémoire et l'enquête, réunissant les indices récoltés patiemment. Superbe ! « La fiction n'est pas fausse, tous les romans savent cela. Elle ouvre un passage vers la réalité que le réel tente d'occulter. »

Isabelle Monnin réussit à nous faire voyager dans la vie de sa grand-mère, distinguant les éléments connus et ce qu'elle imagine, terminant par une fiction de haute volée. On vit au rythme de la ville de Gray en Haute-Saône pendant la Première Guerre mondiale. On découvre Odette pensionnaire d'un mystérieux orphelinat franc-maçon dans les années 1930. On imagine ses amours contrariées pendant la guerre. Traversée du siècle passant par les camps de la mort à Auschwitz et explorant la part sensible, romanesque de toute existence.

Son écriture est parfaite de clarté, d'images, de poésie. Elle se fait archéologue des petites gens : « Le premier lieu de fouilles était un site de généalogie. C'était une autre sorte de lac où la mémoire de toute une humanité était conservée. » Elle rend hommage à ceux qui conservent les traces du passé : « Thanatopracteurs des papiers, ils prennent soin de nos traces comme des embaumeurs. » Elle passe des heures « à bêcher des yeux les listes de noms ».

Je comprends seulement maintenant ce qui m'a tellement attiré et fasciné dans cette lecture. J'ai moi- même une mystérieuse grand-mère paternelle recueillie par l'assistance publique et dont on ne savait rien, pas même sa date de naissance. Mes recherches généalogiques sont restées longtemps infructueuses jusqu'à retrouver par chance, via un notaire proche de la famille, le dossier complet de l'assistance publique, où tout avait été consigné. La généalogie permettant alors de reconstituer une grand partie de son histoire oubliée. Plaisir de plonger dans ce lac de mémoire, de redonner une existence à celle qui en avait eu une à la marge.

L'étude généalogique est fastidieuse, complexe et souvent ingrate, nécessitant la consultation de multiples documents. Réussir à en faire un roman aussi abouti relève de l'exploit. Odette Froyard en trois façons peut toucher un grand nombre de lecteurs et lectrices : qui n'a pas de zone d'ombre, de mystères dans sa famille ? On peut interroger les tables pour entrer en communication avec les morts – Victor Hugo l'a pratiqué – ou bien lire Isabelle Monnin racontant Odette Froyard, sa grand-mère. Je vous recommande sans hésiter la deuxième solution… Rien que pour l'écriture il vaut la peine (ou plutôt le plaisir…).

J'ai lu ce roman dans le cadre de ma participation au jury Orange du livre 2024. C'est un des 20 livres de la première sélection établie lors des échanges et votes du 26 mars. Sera-t-il dans la sélection des 5 finalistes le 13 mai prochain ? Encore un roman de très grande qualité qui va rendre les choix difficiles…
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Il y a des auteurs dont on attend impatiemment le nouveau livre.
Depuis les vies extraordinaires d'Eugène, Isabelle Monnin est entrée dans mon monde, ses mots ayant un écho troublant à mes propres pas sur le chemin de ma vie.
J 'attends donc depuis 2017 son nouveau roman comme quelqu' un d 'assoiffé attend de trouver une fontaine où boire de l' eau fraîche dans la balade de son existence.
Et voilà qu'un matin, j 'apprends que son nouveau livre sort le 11 janvier.
Je me précipite à la librairie, serrant contre moi l' excitation d'un nouveau rendez vous avec une amie pas vue depuis longtemps.
Le roman arrive à la maison et je sais que ce week-end je vais me plonger dans ses mots.
Je ne veux pas l'emmener avec moi dans le tram qui me dépose au travail, je veux le lire dans la douceur de mon foyer, dans la quiétude de mon monde, dans la lumière du matin et dans la promesse d'un nouveau jour qui se retire pour aller embrasser les étoiles.
Me voilà plonger dans la vie d'Odette, grand mère de l'auteure, et de ses silences que nous allons découvrir au fil des pages.
Isabelle Monnin convoque les fantômes de sa famille et je retrouve les miens, jamais bien loin.
Se dessine sous les phrases la cuisine d'Odette, le brouillard de novembre, les chemins qu'elle emprunte pour aller "au pain".
Je connais chaque bruit, chaque silence, chaque odeur.
Fille de l'Est de la France comme elle, la musique des expressions, du vocabulaire me parle comme à une des leurs.
Mes fantômes dansent avec les siens et Odette prend successivement le visage de ma maman dont le prénom est Odette, le visage de ma grand mère dont le prénom se termine par ette, Georgette qui dans son jardin emprunte les sabots d'Odette du livre.
Tout s'emmêle et tout devient clair.
Odette, sixième enfant de la fratrie, ma place dans la mienne et ce petit frère qu'elle aime tant qui porte le prénom de mon papa, Jean.
J'ai commencé ce livre le jour du quinzième anniversaire de son décès.
Je convoque, moi aussi, mes fantômes.
Isabelle Monnin, encore une fois, me trouble.
Sa plume si belle que je relis plusieurs fois des passages au service de la quête de son passé familial comme un besoin de respirer, sa difficulté de vivre, il me semble, qui pourtant fait d'elle une femme incroyablement vivante, ses morts si présents qui dans leur invisibilité sont partout font de ses livres un miroir à ma vie.
Isabelle Monnin rentre dans mon âme et je suis triste d'avoir terminé son livre mais heureuse d'avoir passé ces quelques heures avec elle, je suis troublée mais apaisée, je suis avec mes vivants et avec mes morts, je suis bavarde mais je suis silencieuse, je suis abîmée mais pleine d'envies.
Je suis en manque d'eux mais remplie d'eux à tout jamais.
Isabelle Monnin s'insinue dans la profondeur de nos silences et les fait parler dans une langue bouleversante, celle de notre humanité.
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J'aime la littérature comme j'aime la gastronomie.
Certaines expériences culinaires nous font découvrir des denrées rares, produits d'exceptions, aux alchimies gustatives sophistiquées, d'autres des produits d'une grande simplicité que seul sublime le talent d'un chef ou encore des produits vrais, issus du terroir, sans prétention qui, par la magie des odeurs et des goûts imprimés dans notre mémoire olfactive, nous replongent dans l'enfance.
Et chacune d'elles est un voyage qui nous nourrit.

Pour ce roman-là, on serait plutôt dans le deuxième cas de figure. Mais dans mon cas personnel dans le troisième aussi. Rien de plus banal et insignifiant que cette grand-mère dont Isabelle Monnin nous livre le portrait. Celui d'une femme sans relief, presque transparente, que rien ne distingue d'une autre. Pourtant, j'y ai associé instantanément le souvenir d'une de mes grands-tantes, la soeur de ma grand-mère paternelle dans ce contexte géographique de la Haute Saône, Gray, Devecey la ville de Isabelle Monnin, qui est aussi le berceau de ma propre famille paternelle, un contexte qui m'a immédiatement replongé dans des souvenirs d'enfance lorsqu' expatriés dans le département voisin, nous visitions les membres exotiques de la famille restée au village natal de mon père.
Et c'est là qu'intervient le talent du chef !
Une écriture fabuleuse qui transforme l'ordinaire en extraordinaire.
En trois façons, car il y a trois parties, trois points de vue, on découvre ce qui se cache derrière Odette, cette grand-mère que rien ne distingue de la masse des êtres apparemment sans histoire. Et là, peu à peu, au fil de cette écriture d'un grande finesse et j'oserais dire d'une grande intelligence, nos yeux se décillent et on est embarqué dans son histoire imbriquée dans L Histoire.

J'ai a-do-ré ! le Michelin ne dépasse pas trois macarons, le Gault et Millau cinq toques et Babelio 5 étoiles. Encore sous le charme de ce magnifique roman, pudique, introspectif, subtil, écrit de main de maître, je lui décerne le maximum de chaque!

NB : Merci au libraire Gérard Collard, qui dans l'extrait vidéo associé au livre sur Babelio, m'a convaincu d'ouvrir cette pépite que j'aurais ignorée sans son enthousiasme communicatif et dont on peut regretter et s'étonner qu'elle n'ait pas davantage brillé dans les médias.
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Odette Froyard en trois façons - Isabelle Monnin
Gallimard

C'est un voyage au plus près de l'intime que nous propose Isabelle Monnin, celui de la mémoire, du souvenir. Elle nous raconte Odette Froyard, sa grand-mère, tellement discrète qu'on pourrait penser qu'elle a traversé sa vie sur la pointe des pieds.
L'auteur sait mieux que personne dérouler le fil des vies passées. Elle s'interroge alors, que sait-elle finalement sur cette grand-mère décédée depuis quelques années ? Quels ont été les soubresauts de sa petite vie ? Une vie résumée en quelques lignes dans les archives poussiéreuses de son département, des souvenirs tantôt édulcorés, tantôt délavés dans le fond de sa mémoire et de celle de ceux qui restent et qui l'ont connue autrefois.
Isabelle Monnin mène son enquête, elle remonte à l'enfance de sa grand-mère Odette au sein de sa nombreuse fratrie, Odette si différente de ses soeurs exubérantes, si attachée à Jean ce petit frère et à leur secret. L'adolescence, la mort de son père et l'orphelinat des Francs Mâcons.
« Les enquêtes sont souvent des cimetières ».
Isabelle Monnin convoque les fantômes d'Odette, ceux qui ont traversés sa vie, elle explore par ricochet d'autres destins croisés, les époques se succèdent, la guerre, la déportation, pourtant si Odette semble épargnée elle n'en est pas moins impactée.
La petite fille va s'intéresser aux détails les plus infimes, parfois même factuels, tout va prendre sens sous sa plume. Elle analyse, prend du recul, et nous entraine dans la troisième partie de son livre dans une reconstitution fictionnelle mais néanmoins finement inspirée et adroitement élaborée de la vie d'Odette. La vie un peu moins lisse, plus secrète de celle qui fut la plus jolie des filles Froyard, la plus discrète.
Depuis « Les gens dans l'enveloppe » j'attends avec impatience les livres d'Isabelle Monnin, je partage sa sensibilité à parler de ce qui, derrière chaque vie ordinaire, un jour en a causé les remous !
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Je découvre la plume d'Isabelle Monnin avec ce très beau roman dans lequel elle tente de reconstituer la vie de sa grand-mère, Odette Froyard.
Près de 30ans s'étaient écoulés depuis son décès lorsque, lors d'une de ses rares sorties pendant la période du confinement, le souvenir de son aïeule lui revient en mémoire. Elle constate alors que, de cette femme qu'elle voyait presque toutes les semaines et avec qui elle a passé beaucoup de temps, elle ne connaissait que si peu de choses excepté ses gestes quotidiens, sa discrétion frôlant l'effacement et ses silences.
L'auteure a divisé son récit en trois parties. La première est consacrée à une recherche quasi « archéologique » des souvenirs partagés avec Odette. La seconde évoque toutes les recherches qu'elle a faites pour tenter d'en apprendre un peu plus sur sa vie d'enfant, de jeune fille, puis d'épouse. Pourtant, bien qu'ayant découvert quelques informations inattendues, la personnalité et les sentiments de cette grand-mère si discrète peinent à se révéler. Alors, dans la troisième partie, Isabelle Monnin va tenter de rassembler les quelques renseignements glanés pour en tisser une biographie aussi belle que romanesque et tenter ainsi de ré-attribuer à son héroïne les sentiments, les épreuves et les passions qu'elle pourrait avoir ressentis et vécus afin de la sortir de ce « presque anonymat » qu'elle avait elle même entretenu.
Outre la beauté et la sensibilité de l'écriture, j'ai retrouvé avec bonheur des expressions si souvent prononcées par ma propre grand-mère et par ma mère, puis j'ai reconnu en filigrane le mode de vie de certaines personnes qui ont peuplé mon enfance. J'ai également très envie de découvrir d'autres romans de cette autrice.
Ce texte constitue une douce plongée nostalgique dans un passé, pas si lointain, que nous sommes nombreux à avoir effleuré et je ne peux que vous en conseiller la lecture!
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La parcours d'une femme discrète pour ne pas dire invisible de tous et surtout de sa famille racontée par Isabelle Monnin, sa petite-fille en trois temps. Celui des souvenirs pour débuter d'où ressort un mélange de douceur, de simplicité et de mélancolie. Vient ensuite le temps de la recherche. Qui donc était cette presque inconnue ? le récit prend une autre tonalité, plus incisive, nerveuse et poignante à la fois. La troisième partie, assez courte, ramasse en quelques pages l'invisible et pourtant structurant drame de la vie d'Odette.
Comme dans son précédant ouvrage, l'autrice s'attache à retracer les « vies minuscules » chères à Pierre Michon. Derrière une photo oubliée, un prénom désuet ou une province endormie, on trouve pour qui sait chercher des tréfonds d'amour, de drames enfouis, de dénégation et de courage. de vies qui valent d'être vécues et lues.
Très beau portrait de femme sur fond d'une époque souvent rude.
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A l'heure où de courageuses féministes s'attellent à réhabiliter les destins de femmes puissantes, Isabelle Monnin s'interroge : qu'en est-il des vies ordinaires ? Toute destinée ne mérite-t-elle pas d'être distinguée ?
À partir de cette conviction, l'autrice se penche sur la vie de sa grand-mère, Odette Froyard, décédée depuis plusieurs années déjà. Une plongée dans ses souvenirs d'enfance ne peut suffire à dire entièrement cette femme que tout le monde qualifie de "discrète" : il faut passer à l'enquête.

Isabelle Monnin parvient encore une fois à mêler intime et réflexion politique. Son attention portée aux détails, aux petits riens, son écriture à la fois précise et poétique raconte l'universel. En démêlant les fils de la vie d'Odette, elle livre un émouvant portrait de femme, plein de tendresse, mais aussi le témoignage d'une époque. À travers la place alors assignée aux femmes, elle interroge les mécanismes d'intériorisation de la domination. Comme une confession qu'elle aurait peut-être aimé partager avec sa grand-mère, elle se raconte aussi, révélant une part de ses douleurs qui résonne parfois étrangement avec les drames de celles et ceux qui, un jour, croisèrent Odette. La vie, souvent, est faite d'étranges coïncidences, et celle de sa grand-mère conduit Isabelle Monnin à serpenter dans d'autres destins, fantômes d'un siècle qui fut ébranlé par les pires tragédies.
Dans la dernière partie du livre, la fiction offre une sublime réponse aux interrogations de départ : oui, la vie d'Odette Froyard est romanesque, et elle mérite sans aucun doute d'être racontée. Une magnifique manière de faire entrer les invisibles dans la lumière.
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