Dans ce livre tout en férocité et en ironie,
Tania de Montaigne s'attelle à dénoncer un phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur dans le monde littéraire : celui des sensitive readers, c'est-à-dire des personnes payées pour relire les livres et « rayer » (ou modifier) ce qui pourrait être choquant pour un lectorat déterminé.
L'autrice (ou l'auteure) nous présente une entreprise appelée Feel Good qui se donne pour mission d'élaguer (ou de modifier) tout propos qui pourrait choquer l'un ou l'autre lectorat, au détriment de l'opinion de l'auteur. Cependant, malgré des intentions honorables, les méthodes plus que discutables de cette entreprise sont un excellent terreau pour dénoncer ce genre de procédé.
En effet, si les premiers élagages semblent entrer dans le domaine de l'acceptable, la « morale » de l'entreprise devient de plus en plus stricte, jusqu'à devenir une véritable police de la pensée, accentuée par les réseaux sociaux, amenant à l'accusation gratuite ou à l'exclusion de ceux qui s'y opposeraient, sous prétexte de « faire le BIEN ».
Ce qui est encore plus appréciable dans ce roman, c'est la mise en parallèle entre l'importance que l'on donne sur les réseaux sociaux à ces phénomènes littéraires et de véritables faits divers dans « le monde réel » qui, eux, ne se voient accorder qu'une importance très limitée, ce qui prouve que ce n'est pas en supprimant trois-quatre mots offensants dans un texte que la vraie violence sera abolie.
En bref, un roman ironique et féroce qui fait prendre conscience qu'on aura beau assainir la littérature, la rendre moins choquante, ce n'est pas ce qui rendra le vrai monde moins violent.