Un remords vaut mieux qu'une hésitation qui se prolonge.
[On s'y trompe, Seigneur. La mort de doña Inès, qui maintenant vous tourmente, c'est elle qui vous rendra libre. En cette occasion, la femme est comme la poule : tuez-la et elle vous nourrit.]
FERRANTE
Pour moi, tout est reprise, refrain, ritournelle. Je passe mes jours à recommencer ce que j'ai déjà fait, et à le recommencer moins bien. Il y a trente-cinq ans que je gouverne : c'est beaucoup trop. Ma fortune a vieilli. Je suis las de mon royaume. Je suis las de mes justices, et las de mes bienfaits ; j'en ai assez de faire plaisir à des indifférents. Cela où j'ai réussi, cela où j'ai échoué, aujourd'hui tout a pour moi le même goût. Et les hommes, eux aussi, me paraissent se ressembler par trop entre eux. Tous ces visages, ensemble, ne composent plus pour moi qu'un seul visage, aux yeux d'ombre, et qui me regarde avec curiosité. L'une après l'autre, les choses m'abandonnent : elles s'éteignent, comme des cierges qu'on éteint un à un, à intervalles réguliers, le jeudi saint, à l'office de la nuit, pour signifier les abandons successifs des amis du Christ. Et bientôt, à l'heure de la mort, le contentement de se dire, songeant à chacune d'elles : "Encore quelque chose que je ne regrette pas."
Parce qu'un âne a fait un faux pas, devrait-on lui couper la jambe?
Seigneur, la gloire des grands hommes est comme les ombres : elle s’allonge avec leur couchant.
La plupart des affectons ne sont que des habitudes ou des devoirs qu’on n’a pas le courage de briser.
Lorsqu’on doute si un inconnu est dangereux ou non, il n’y a qu’à le regarder sourire : son sourire est une indication, quand il n’est pas une certitude.
La guerre... des hommes qui ne valent pas de vivre. Et des idées qui ne valent pas qu'on meure pour elles.
Cette douceur mêlée de tristesse, c'est bien le goût de notre amour. Vous ne m'avez donné que des joies; pourtant, toujours, quand je pensais à vous , si j'avais voulu j'aurais pu me mettre à pleurer. Depuis deux ans sur nous, cette menace, cette sensation d'une pluie noire sans cesse prête à tomber et qui ne tombe pas. |La destinée qu'on sent qui s'accumule en silence. Combien de fois, dans notre maison, m'y trouvant avec vous, je me suis représenté le temps où ces heures seraient du passé. Je les regrettais dans le moment même que je les vivais.
D'autres femmes rêvent de ce qu'elles n'ont pas; moi je rêve de ce que j'ai.