BERCEUSE À AUSCHWITZ
Mon bel enfant en habit bleu
Te voilà bien vêtu de velours angoissant
Mon bel enfant en habit de faim
Je suis le grand nuage où tu cherches du pain
Mon bel enfant en habit de sang
Ta mère ne peut plus te reverser le sien
Mon bel enfant en habit de vers
Ils brillent pour ta mère comme des étoiles
Mon bel enfant en habit de folie
Au crochet de mon cœur vous pendrez ces guenilles
Mon bel enfant en habit de fumée
Vous ne m’avez pas dit si je peux me tourner.
DESCRIPTION
Extrait 1
ON en avait du mal à sauver sa famille
Des chats affolés
qui tirent leurs petits par la peau du cou
Ils courent dans le feu des incendies comme des brindilles
L'incendie de la fatigue nous noie
Le sac de la fatigue déjà porté par les os
Des animaux qui ne connaissent rien aux griffes nouvelles
Grandes comme des gueules des griffes en arc et affamées
Des griffes qui font de l'ombre grande comme des chambres
Des griffes partout installées comme des temples dans des forêts
On en avait du mal à sauver sa famille
DESCRIPTION
Extrait 4
Imitons les furets
Et ressemblons
Aux hérissons
Des oiseaux heureux grisés dans les branches
Recevons la chanson plus forte que nous
On en avait du mal à sauver sa famille
Généreux paysan général de ma vie
Tu nous as portés comme des agneaux
Dans la citadelle de tes failles
Tu as donné ton sang et pudique ton eau
Matrone sévère aux mendiants de vie
Matrone sévère aux mendiants perdus
O porte maudite fermée aussitôt
Il ne faut pas courir pour être entendus
Un jour nous aurons de merveilleux manteaux.
MUNICH SENTI EN BRETAGNE
LA lune chaque soir davantage
Monte la guerre
Ce soir seulement la lune montre
Le décor cassé d'un monde
Son œil borgne n'est plus calme
Et demain la pluie se lèvera
Rideau du théâtre
Et chaque âtre d'homme
Se serrera pierre sur flamme
Et la lune sera femme
Qui part
et laisse seul
chaque homme.
Saint-Malo, septembre 1938.
DESCRIPTION
Extrait 2
Les routes sont des pièges les champs cognent
les pieds
Les plaies ont les hommes et l'instinct fait le guet
Les camions ont la nuit c'est l'ombre la plus grande
Elle entre dans les chambres dans les murs dans les lits
Et longtemps après les enfants tremblent
Ils vivent écrasés par l'ombre des camions
Les enfants ont des yeux d'oiseaux de nuit
Même en plein soleil prunelle est un soupirail
Et l'enfant vit en bas par son œil regardez
Il est dans une cave touche le salpêtre les murs noirs et gras
Jean Frémon de quelques rencontres (Paul Otchakovsky-Laurens, Pierre Morhange, Jacques Dupin, etc.) - : où Jean Frémon, -à l'occasion de la parution de son livre " le Miroir magique"-, se souvient notamment de sa rencontre avec Paul Otchakovsky-Laurens et de ses deux mères, de la revue Strophes et de Pierre Morhange, de Bernard Noël et de Jean Cayrol, de Jacques Dupin et d'Aimé Maeght, de Samuel Beckett et de Maurice Blanchot et où il est question d'édition, de poésie et de prose.