AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,79

sur 67 notes
5
6 avis
4
4 avis
3
4 avis
2
2 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 2 étoiles  
Profondément idéaliste, du titre (qui repose sur le postulat douteux de sa propre perfomativité) jusqu'à la dernière page (répétition aussi incessante que surplombante du registre "y'a qu'à, faut qu'on"), ce livre rappelle étonnamment ceux de Bruno Latour, avec qui l'auteur partage une forme d'évangelisme. En effet, ces deux penseurs développent une vision commune des moyens du changement politique. Ce dernier doit passer par "la prise de conscience". Seulement, à moins que cette prise de conscience soit celle d'intérêts communs parmi un groupe social dominé, il est peu probable qu'elle soit un moyen efficace de subvertir l'ordre établi.

On comprend très vite dans "réveillons-nous!" qu'il ne s'agit pas de cette prise de conscience dont parle le philosophe. La sienne consiste plutôt en la compréhension du monde qui nous entoure, ainsi que l'appréhension de ses enjeux. Et c'est tout. Il s'agit principalement d'être au courant et de comprendre. Une fois que les gens connaîtront les enjeux de l'époque et qu'ils auront digérer la dégeulasserie du monde, ce dernier pourra enfin changer. Au risque de défaire un mythe répandu chez les idéalistes (qui croient dans la pure force des idées et appelle à évangéliser les consciences en conséquence), la prise de conscience de la situation, aussi bien décrite qu'elle ne le soit, ne suffit pas à mettre en mouvement les corps. J'ai, par exemple, pris personnellement conscience du fait que fumer est mauvais pour ma santé, je continue pourtant toujours à descendre mon paquet de clope par jour.

Un livre qui a pour prétention de subvertir l'ordre social, ou du moins d'appeler à un sursaut sur son état, ne peut se contenter d'un chapitre (précédé de 50 pages de constat) qui formule une proposition aussi concrète que celle de : "Revenir à notre Terre"... Certes, des énoncés moins abstraits sont proposés à proportion de deux phrases par domaine (énergie, production, école, ville). Mais qu'en est-il des conditions de possibilités de celles-ci dans nos sociétés modernes et dans le cadre des rapports de force qui vont avec. Cette phase centrale de la déstabilisation de l'ordre établi (l'inévitable confrontation inhérente à la conflictualité de tout champ social), qu'elle soit théorique ou pratique, n'est pas évoquée car, après tout, l'enjeu est avant tout d'être éveillés. Puis de faire preuve de "bonne volonté" et d'"humanisme"?

La pensée magique et la disollution intellectuelle de la conflictualité sociale trouve ici à s'exprimer (inévitablement) dans la forme passive. Il s'agit de : "faire face aux périls mortels qui s'accumulent autour de la France, de l'Europe, de l'humanité". La pensée magique déplore ici les "périls mortels" qui nous tombent sur la tronche, depuis nulle part, sans doute envoyés par des dieux, en guise de châtiment.

Ne touchant pas sol, la pensée idéaliste est le terreau parfait pour le développement de la réflexion des effets sans causes, des actes sans agents.

Le registre de la prise de conscience, en plus d'être un exercice surplombant et complètement inopérant, est un exercice dépassé. Nous n'en sommes plus là. Tout l'enjeu de notre époque, du moins principalement pour les intellectuels qui se pique de penser du côté de l'émancipation, est de rendre désirable une positivité. le constat a déjà été fait 1000 fois. Il s'agit maintenant d'affirmer et de donner à penser un monde désirable. Nul ne doute que celui d'Edgar Morin l'est plus que celui dans lequel nous vivons actuellement. Mais le court paragraphe intitulé "Une politique pleinement humaniste", s'apparentant à un programme politique de campagne électorale, n'est pas à même d'opérer ce changement affectif et paradigmatique dont nous avons tant besoin.

Cependant, contrairement à Stephane Hessel qui publiait il y a maintenant plus de 10 ans (en s'excluant pronominalement) "indignez-vous!", Edgar Morin a la modestie de s'inclure dans le "réveillons-nous!". Une modestie judicieuse.
Commenter  J’apprécie          80
Edgar Morin écrit très bien et j'apprécie beaucoup ses ouvrages, y compris celui-ci mais il m'a moins captivé que les autres. Peut être parce que c'est une redite, en des termes les plus accessibles possibles, de son message? Peut-être parce que c'est un appel à un sursaut humaniste que j'ai déjà fait?

En tous cas, il se lit vite et bien et il contient quelques apostrophes qui méritent d'être entendues comme :
"Il s'agit de reconnaitre notre lien consubstantiel avec la biosphère et d'aménager à la fois la nature et la société. Il s'agit d'abandonner le rêve prométhéen de la maîtrise de l'univers pour aspirer à la convivialité sur terre."
Fulgurant, limpide. Comme une évidence. En quelques mots.
Une très belle preuve d'esprit de synthèse par un Edgar Morin très engagé. Mais un peu court pour développer une pensée aussi riche.
Commenter  J’apprécie          35


Lecteurs (168) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
853 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *}