Cheval de guerre

- Moi, je vous le dis, mes amis ; je vous dis que je suis le seul homme sain d'esprit de ce régiment. C'est les autres qui sont fous, mais ils ne le savent pas. Ils font la guerre et ils ne savent pas pourquoi. C'est pas de la folie, ça ? Comment un homme peut-il en tuer un autre, sans vraiment savoir pour quelle raison, si ce n'est qu'il porte un uniforme d'une autre couleur et parle une langue différente ? Et c'est moi qu'on trouve fou ! Vous deux, vous êtes les seules créatures raisonnables que j'ai rencontrées dans cette guerre absurde ; comme moi, la seule raison pour laquelle vous êtes ici, c'est qu'on vous y a amenés.

« Oui maréchal de logis, fit l’autre en réponse. Une réponse qui fit passer en moi un frisson, le rappel de quelque chose de familier. Ou exactement avais-je entendu cette voix? Je ne savais pas. Tout ce que je savais, c’est qu’à ces mots j’avais eu le corps traversé d’un frissonnement de joie, d’espoir, d’attente et je m’étais senti réchauffé de parts en parts… »

Ces mêmes visages gris regardant de dessous la casque, je les avais déjà vus quelque part. La seule différence, c’était les uniformes: aujourd’hui, ils étaient gris avec un liserés rouge et les casques n’étaient plus ronds et à larges bords.

- Il aurait été fier de toi, Joey. [...] Il aurait été fier de la manière dont tu as continué à foncer en avant. Il est mort en menant la charge et, toi, tu l'as terminée à sa place. Oui, il aurait été fier de toi.

Vous ne me comprenez pas, mon jeune ami, repartit le vieillard, étouffant un petit rire. Vous en comprenez pas du tout. Je vais vous vendre ce cheval pour un sou , pour une grande promesse : que vous aimerez ce cheval comme Emilie l'a aimé et que vous prendrez soin de lui jusqu'à la fin de ses jours.

Nous finissons chaque journée couverts d'une boue glacée et ruisselante..."

- Je vous ai dit un jour, cavalier, que nous avions les meilleurs chevaux de l'escadron ; aujourd'hui, ils ont montré qu'ils sont les meilleurs chevaux de tout le régiment, de toute cette foutue armée, même. Et ils n'ont pas une égratignure.

Joey
peint par le capitaine James Nicholls,
Automne 1914

Découvert grâce à la maîtresse de mon fils qui le leur fait lire en CM1 et j'ai adoré ! Je connaissais l'auteur de nom mais n'avais jamais entendu parler de cet ouvrage pourtant génial à bien des égards !
D'abord par le choix de la narration : .nous vivons la guerre à travers la vie, les yeux et le ressenti d'un cheval qui se voit recruté par une armée ... Puis par l'autre ! Du coup idée brillante s'il en est nous avons une vision d'ensemble aussi étonnante qu'intéressante et qui montre bien une chose : la folie de cette guerre qui est juste un combat stupide d'hommes contre d'autres hommes.
Autre élément intéressant : c'est très bien écrit ! Lecture à accompagner en primaire (car quand même très littéraire selon moi) mais avec le défaut de ces qualités : richesse du vocabulaire, de la syntaxe, figures de style ...
Dernier point à noter : c'est super émouvant !!! Alors oui j'avoue j'ai versé une larmichette ou deux ..
Vraiment une belle découverte, un cheval qu'on aime tout de suite et un arrière plan historique très bien utilisé ! Une réussite

- Revenez. S'il vous plaît, revenez. Je mourrai si vous ne revenez pas.