Citations sur Cheval de guerre (27)
— Je m’en doutais. Je vous l’avais dit, se dit-il presque à lui-même. Ils ne peuvent pas y arriver. Je constate ça sans arrêt. Trop de travail, pas assez de nourriture ; vivre dehors tout l’hiver. Je constate ça sans arrêt. Il y a des limites à ce qu’un cheval comme celui-là peut supporter. C’est le cœur qui a lâché, pauvre bête. Chaque fois que ça arrive, ça me met hors de moi. On ne devrait pas traiter des chevaux pareillement – on traite mieux nos engins.
— C’était un ami, dit Friedrich avec simplicité, en s’agenouillant à nouveau.
Chapitre 14
La voix était bourrue et rendue pâteuse par l’alcool ; de toute évidence, c’était celle de mon propriétaire. Je ne l’appellerai pas mon maître : il n’y a qu’un seul homme qui ait jamais été mon maître. Mon propriétaire, donc, avait une corde à la main : il était en train d’escalader l’enclos, suivi de trois ou quatre de ses amis. Ils avaient la figure rouge et ils tenaient tous une corde. Ils avaient ôté leurs chapeaux et leurs vestes, ils avaient retroussé leurs manches. Tous riaient tandis qu’ils se dirigeaient vers moi. […] Je me débattis à en être exténué, leur décochant de furieux coups de pied chaque fois que je les sentais se relâcher, mais ils étaient trop nombreux, trop forts pour moi. Je sentis le licol glisser par-dessus ma tête et me serrer le cou et la figure.
— Alors, tu es un vrai bagarreur, toi, hein ? dit mon propriétaire, raccourcissant la corde et souriant les dents serrées. Les bagarreurs, ça me plaît, mais j’arriverai bien à te briser. Tu es un vrai petit coq de combat mais, en moins de deux, tu vas venir me manger dans la main.
Chapitre 1
- Face!
- Bien, dit l'Allemand en se penchant pour ramasser la pièce, c'est la figure de mon empereur qui me regarde au fond de la boue et il n'a pas l'air content de moi. Aussi, je crois bien que tu as gagné. Le cheval est a toi. Prends-en bien soin, camarade!
Il se saisit à nouveau de la corde et la tendit au Gallois. Il tendit en même temps l'autre main, en un geste d'amitié: un sourire éclairait son visage usé.
- Dans une heure, ou deux peut-être, nous ferons tout notre possible pour nous entretuer. Dieu seul sait pourquoi, et encore je crois qu'il l'a peut-être oublié lui même.
Adieu, Gallois! On leur a montré, hein? On leur a montré que n'importe quel problème peut se résoudre entre les gens, pour peu qu'il se fassent mutuellement confiance. Ils n'ont besoin de rien d'autre, non?
Le petit Gallois hocha la tête d'un air incrédule en prenant la corde.
- Frisé, mon p'tit gars, je crois que si nous arrivions à passer une heure ou deux ensemble, toi et moi, nous arriverions a débroussailler toute cette fichue pagaille. Il n'y aura plus de veuves qui pleurent ni d'enfants qui crient dans ma vallée, et dans la tienne non plus. Au pire, on pourrait trancher tout ça en faisant valser une pièce, tu ne crois pas?
Comment un homme peut-il en tuer un autre, sans vraiment savoir pour quelle raison, si ce n'est qu'il porte un uniforme d'une autre couleur et parle une langue différente ?
Certes, le travail n’était pas plus pénible qu’au temps où nous tirions la charrette-ambulance, mais aujourd’hui, ce n’était pas tous les soirs que nous allions à l’écurie. Enfin, bien sûr, nous ne pouvions plus compter sur la protection de notre Émilie. D’un coup, la guerre n’était plus lointaine. Nous étions de retour parmi le vacarme effroyable et la puanteur des combats, à hâler notre pièce dans la boue, pressés, fouettés, parfois, par des hommes qui manifestaient peu de souci ou d’intérêt pour notre bien-être, du moment que nous menions les canons là où ils devaient aller. Non pas que ces hommes fussent cruels mais, tout simplement, parce qu’ils semblaient mus à présent par quelque effroyable contrainte qui ne leur laissait aucun loisir d’être agréables ou prévenants les uns pour les autres – ou pour nous.
Chapitre 12
— Toi, tu as déjà fait un peu ce travail-là, mon ami, dit-il, je le vois bien. J’ai toujours su que les Britanniques étaient fous. À présent que je me rends compte qu’ils mettent des chevaux comme toi entre les brancards d’une charrette, j’en suis absolument sûr. La voilà, la cause de cette guerre, mon ami : il s’agit de savoir qui est le plus fou des deux. Et à l’évidence, vous autres Britanniques, vous êtes partis avec une longueur d’avance. Vous étiez fous au départ.
Chapitre 9
Saignant, meurtri et terrifié d'incroyable façon, je n'avais qu'un désir : être à nouveau avec Topthorn. Lui saurait de quel côté aller, me disais-je. Lui, il saurait.
Comment un homme peut-il en tuer un autre, sans vraiment savoir pour quelle raison, si ce n'est qu'il porte un uniforme d'une autre couleur et parle une langue différente ?
C'est en héros, en conquérants qu'on nous reçut tous les deux. Mais, l'un comme l'autre, nous savions que les héros véritables n'étaient pas revenus, mais qu'ils gisaient là-bas, en France.
séparés par la guerre, éprouvés par les batailles, liés par une grande amitié