Il s'appelle Ludwig Eisenberg, il est surnommé Lale, et il a été
le tatoueur d'Auschwitz-Birkenau, celui qui marquait les numéros des hommes et des femmes déportés dans le camp de concentration. Il a tatoué des centaines, peut-être des milliers de juifs. Dans ce camp de la mort, il rencontre une jeune femme, Gita, dont il tombe amoureux, et il se fait la promesse qu'un jour ils finiront par s'en sortir, par se marier et vivre heureux. Au crépuscule de sa vie, il décide de raconter son existence à l'auteure
Heather Morris, et c'est cette histoire qui deviendra «
le tatoueur d'Auschwitz ».
La perplexité qui m'occupait au départ du roman n'aura pas disparu. J'avoue avoir eu une hésitation avec le bandeau proclamant « déjà 4 millions de lecteurs », le sujet étant trop tragique pour le rapporter à ce chiffre. En partant du principe que, même s'il s'agit d'un récit basé sur des souvenirs d'un vieil homme qui a connu les atrocités de la déportation, que ce récit a forcément été édulcoré, romancé et adapté par l'auteure, je n'ai pu m'empêcher d'être gêné par certains détails. Par exemple, l'extermination de prisonniers dans des bus spéciaux recouverts de plaques métalliques, une technique dont je n'avais jamais entendu parler auparavant, mais n'étant pas expert je veux bien admettre leur existence. En revanche, j'ai été plus dubitatif sur la facilité avec laquelle Lale se procure de la pénicilline pour sauver Gita, lorsqu'on sait la difficulté de production de cet antibiotique à grande échelle, les GI eux-mêmes ayant surtout des sulfamides avec eux lors du débarquement. de même, le véritable trafic auquel se livre Lale, récupérant de la monnaie, des bijoux, qu'il échange contre de la nourriture, allant même jusqu'à tenter de récupérer des bas pour la petite amie d'un officier SS. Enfin, que dire des « jours de repos » octroyés aux prisonniers, et des possibilités offertes à Lale daller faire l'amour à sa promise en pleine journée ?
En refermant le livre, je ne peux m'empêcher de me dire que la violence de la déportation juive a été édulcorée par une histoire d'amour certes possible, mais par trop idéalisée. le camp d'Auschwitz parait presque être par moment un camp de vacances. Volonté de l'auteure de gommer une partie de la tragédie, ou du tatoueur incapable - et on le comprend volontiers - de pouvoir se libérer totalement ? Là où un
Roberto Benigni dans
la vie est belle prenait le parti assumé d'une fable au travers des yeux d'un enfant, ici le récit sonne parfois de façon fausse. On peut comprendre que
Heather Morris ait voulu essentiellement développer l'histoire d'amour entre Lale et Gita, et passer l'Histoire au second plan, n'étant pas historienne. Une préface abondant dans ce sens aurait sans doute dissipé pas mal d'interrogations.
Je remercie les Editions J'ai Lu pour leur confiance.